Devoir de Philosophie

traumatisme et psychanalyse

Publié le 07/04/2015

Extrait du document

psychanalyse

traumatisme n.m. (angl. Trauma; allem. Trauma). Événement inassimi­lable pour le sujet, généralement de nature sexuelle, et tel qu'il peut

paraître constituer une condition déterminante de la névrose.

Pour le lecteur qui tente de s'intro­duire à la connaissance de la psychana­lyse à l'aide des ouvrages les plus accessibles, les plus populaires, le trau­matisme constitue une des premières notions explicatives facilement rece­vables. Si un sujet souffre de troubles névrotiques plus ou moins importants, il peut sembler concevable que ce soit parce qu'il a été « traumatisé «. Ici, les explications de S. Freud, au moins celles de ses premiers ouvrages, semblent s'accorder facilement avec le bon sens ordinaire. À moins que la psychanalyse n'ait déjà influencé nombre de représentations que nous prenons aujourd'hui comme évi­dentes.

Reportons-nous par exemple à un des exposés du traitement d'Anna O. par J. Breuer: sous hypnose, cette jeune femme hystérique, qu souffre notam­ment d'une impossibilité de boire, d'origine psychique, se souvient d'avoir vu un chien, appartenant à une gouvernante qu'ale n'aimait pas, boire dans un verre. Freud, tirant les conclu­sions d'exemples de ce type, donnera une théorie générale du symptôme hystérique : «Les symptômes étaient, pour ainsi dire, comme des résidus d'expériences émotives que, pour cette raison, nous avons appelées plus tard traumatismes psychiques: leur caractère particulier s'apparentait à la scène trau­matique qui les avait provoqués« (Cinq Leçons sur la psychanalyse, 1910).

Cette hypothèse, cependant, amène plus de problèmes peut-être qu'elle n'en résout. Qu'est-ce qui fait que tel événement a valeur de traumatisme pour tel sujet? Freud et Breuer disent plus précisément, dans les Études sur l'hystérie (1895), que la cause du symp­tôme est plutôt à chercher dans l'ab­sence de réaction au traumatisme, qu'il s'agisse d'une réaction affective, d'une réaction par la parole (Anna O. n'avait

rien dit, par politesse) ou encore d'une rectification de la portée du trauma­tisme liée à son intégration «dans le grand complexe des associations «. II faut alors se demander ce qui empêche qu'il y ait réaction adéquate au trauma­tisme, ce qui le rend inassimilable, et cette dernière question ouvre la voie à une théorie du refoulement".

Ajoutons que très tôt Freud s'aper­çoit qu'on se trouve très rarement face à un traumatisme isolé. Le travail ana­lytique, ou déjà l'hypnose, fait appa­raître une série de traumatismes semblables dans l'histoire du sujet. Or, un traumatisme qui se répète, est-ce encore un traumatisme ? Il ne peut plus se concevoir comme rupture brutale, inattendue, du cours de l'existence. Il s'inscrit, précisément, dans ce que la psychanalyse nomme « répétition* «, c'est-à-dire dans un ordre certes contraignant, mais où le sujet met sans doute du sien.

SEXUALITÉ ET PULSION DE MORT

Dans les premières oeuvres de Freud, et notamment dans ses lettres à Fliess (1887-1902) [trad. fr. la Naissance de la psychanalyse, 1956], la théorie du trau­matisme est liée à celle de la séduction précoce.

Là encore, l'explication a figure d'évidence : le sujet névrosé évoque volontiers, pour expliquer les troubles dont il souffre, une confrontation bru­tale avec la sexualité, une confronta­tion qui aurait eu lieu trop tôt, provoquée par la contrainte ou en tout cas la perversité d'un adulte. C'était ce que les femmes hystériques traitées par Freud, notamment, lui racontaient: elles avaient été l'objet de violences sexuelles exercées par un proche, par­fois le père lui-même. Quant aux obsessionnels, si Freud pense qu'un incident sexuel précoce avait pu chez eux être accompagné de plaisir et non de dégoût et d'effroi, il n'en suppose pas moins, avant cette expérience

active de plaisir, une «scène de passi­vité sexuelle «. Notons par ailleurs que la théorie de la séduction précoce sup­pose une action traumatique en deux temps : l'incident déplaisant aurait eu généralement lieu dans l'enfance, voire dans la petite enfance. Mais c'est seule­ment lorsqu'il se trouve réactivé, dans l'après-coup, à la puberté, qu'il se montre réellement pathogène.

Freud cependant devait abandonner la théorie de la séduction précoce. Devant les récits trop systématiques de ses patients, et notamment des hysté­riques, il se mit à concevoir des doutes, et peu à peu s'imposa l'idée que l'in­cident sexuel invoqué n'avait pas réel­lement eu lieu, qu'il appartenait en fait à la sphère du fantasme*. La théorie de la sexualité infantile*, à laquelle il se trouva alors amené, rendit caduque l'idée d'un enfant introduit de l'exté­rieur à la sexualité, victime seulement de la perversité des adultes.

Si le traumatisme, en tant qu'in­cident sexuel précoce, perd assez vite son rôle explicatif dans la théorie freu­dienne, il va retrouver sous une tout autre forme une place non négligeable dans les années 1920. La Première Guerre mondiale, en effet, multiplie les cas où le sujet semble atteint d'une «névrose traumatique «, c'est-à-dire liée essentiellement à un événement violent. Par généralisation, on observe le retour répétitif, chez des sujets ayant

été confrontés à des incidents terribles ou horribles, y compris à l'âge adulte, de la scène insupportable. Le sujet peut par exemple la revivre régulièrement en rêve, ce qui oblige d'ailleurs à compléter la définition du rêve comme réalisation de désir. La névrose trauma­tique constitue un des points de départ de la théorie freudienne de la pulsion de mort.

 

En conclusion cependant, il semble difficile, dans le cadre de l'élaboration psychanalytique, de donner une valeur trop grande à ce qui est seulement évé­nementiel. Les événements, sexuels ou non, sont toujours réélaborés par le sujet, intégrés au savoir inconscient. Si vraiment nous voulions garder l'idée d'un traumatisme, il serait plus juste de dire que le sujet, en tant que tel, subit en effet un traumatisme : un trauma­tisme constitutif, qui est l'existence même du langage, puisque, dès lors qu'il parle, il n'a pas d'accès direct à l'objet de son désir, qu'il doit s'engager dans la demande et en est réduit finale­ment à faire passer sa jouissance* par le langage lui-même.

Liens utiles