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Les animaux nuisibles

Publié le 06/01/2019

Extrait du document

UNE NOTION CONTESTEE

 

Aujourd'hui, le terme d'animaux nuisibles ne fait plus partie du vocabulaire scientifique. Mais il fait encore partie du langage administratif et recouvre parfois une réalité objective. Certaines populations animales peuvent devenir gênantes pour les êtres humains : elles perturbent nos activités en s'attaquant à nos cultures, à nos élevages, à nos habitations, voire directement à nos personnes. Cependant, dans bien des cas, la pullulation des nuisibles a pour origine des déséquilibres causés par les êtres humains eux-mêmes, comme des changements de pratiques culturales, la suppression des prédateurs ou l'introduction inconsidérée d'espèces exotiques : dans le milieu ainsi modifié, certaines espèces se mettent à proliférer.

MALFAISANTS ET NUISIBLES

« Malfaisants et nuisibles » est l'expression du code rural français, qui répartit la faune sauvage en trois catégories : les animaux protégés, le gibier, les nuisibles. La liste des nuisibles, établie au niveau national, a cependant beaucoup varié au cours des années. Elle est le reflet de la transformation d'une société rurale en civilisation urbaine, qui va paradoxalement de pair avec un accroissement des connaissances débouchant sur une meilleure compréhension de la nature. Le vautour, considéré nuisible en 1806, est protégé en 1930. À l'origine, les choses sont relativement simples. Tout animal gênant pour l'homme est mauvais par nature. Qu’on lise ce qu'écrivait Buffon au sujet du loup :

 

« Désagréable en tout, la mine basse, l'aspect sauvage, la voix effrayante, l'odeur insupportable, le naturel pervers, les mœurs féroces, il est odieux, nuisible de son vivant, inutile après sa mort. » On établit ainsi des couples didactiques opposant l'animal domestique « utile » à son pendant sauvage « nuisible » : l'abeille et la guêpe, le chien et le renard (ou le loup), le lapin et le lièvre, le porc et le sanglier, la poule et le faisan. Une partie de la faune sauvage a

 

vocation à être anéantie, en particulier tous les prédateurs : chiroptères, mustélidés, rapaces. En réalité, cette première classification des nuisibles est fondée sur un mélange d'observations fautives et de fantasmes purs et simples (les chauve-souris traient de nuit les vaches, les belettes saignent les poulets, les aigles enlèvent des moutons...).

 

Ces légendes nous en apprennent plus sur les mentalités populaires que sur les animaux eux-mèmes. On ne voit pas en effet comment une belette de vingt centimètres, pesant entre 60 et 110 grammes et dont l’écartement des canines n'atteint pas le centimètre, pourrait se rendre coupable du méfait dont elle est accusée. Son introduction en Nouvelle-Zélande pour lutter contre les lapins s'est soldée par un échec complet L'histoire administrative des nuisibles est donc celle d'un raccourcissement de leur liste, à mesure que progressent les connaissances.

 

Tous les rapaces sont ainsi protégés

depuis 1972. Le chat sauvage, depuis 1976. En 1977, la couleuvre était encore nuisible. Elle ne l'est plus depuis 1988. Enfin la belette, la martre et le putois ont cessé d'être nuisibles pendant huit mois, en 2002.

 

Dans tous ces cas, la prise en compte des mœurs et du rôle écologique de ces animaux a été prépondérante : le chat sauvage et les mustélidés, mais aussi le renard, consomment des milliers de rongeurs chaque année, ce qui en fait de précieux auxiliaires de l'agriculture. La fouine, qui dévaste parfois le poulailler, attaque aussi les surmulots. Le putois est le seul véritable prédateur du rat musqué, lui-même nuisible, et à ce titre il est donc utile. La martre a une fonction

 

sanitaire importante, car elle se nourrit surtout d'animaux malades : sa quasi-disparition dans les années 1950 a coïncidé avec une très grave épidémie chez les écureuils. La belette poursuit les campagnols et les souris dans leurs terriers :

 

quand ceux-ci prolifèrent, elle en fait autant, contribuant à « casser » leurs pullulations. Mais de temps en temps elle trucide une portée de levreaux ou de perdreaux, classés comme gibier. Elle aide l’agriculteur, mais perturbe le chasseur (qui sont parfois une seule et même personne). On voit que des logiques divergentes sont à l'œuvre.

 

Une autre remarque mérite d'être faite : nuisible ne signifie pas dangereux. L'animal le plus dangereux en Europe aujourd’hui est le chien : errant, malade,

« à se multiplier.

Dès que les Inde-européens se lancent dans l'élevage, ils se heurtent ainsi au loup.

Celui-ci, prédateur naturel du mouton, bénéficie de l'activité humaine, qui met à sa disposition des troupeaux moins farouches et plus abondants, tout en luttant contre ses prédateurs et ses concurrents : aigles, lynx, ours notamment.

Au lieu d'aurochs, il trouve des vaches, au lieu de sangliers, des cochons.

Peu reconnaissan� à partir du Haut Moyen Âge, le loup croque aussi le porcher (la dernière victime française remonte à 1914).

la lutte est officiellement lancée contre lui dès 813, par le capitulaire de Charlemagne, qui institue des « luparii », ancêtres des lieutenants de louveterie.

Nuisible par excellence, le loup doit être exterminé.

On peut considérer comme une preuve du succès de cette campagne le fait qu'il est aujourd'hui protégé partout en Europe (sans avoir malheureusement perdu son goût pour le mouton).

Autre espèce à profiter de conditions nouvelles, le goéland argenté (LII l'IIS lll'grnttdus) était au bord de Il a été sauvé par des mesures de protection et a pris son essor grâce à la multiplication des décharges d'ordures, au point de devenir un fléau.

Il devrait décliner avec les nouvelles politiques de gestion des déchets biodégradables.

Comment le milieu peut-il être modifié? Une des façons les plus dangereuses de modifier un milieu est de supprimer des prédateurs.

On assiste alors, dans le meilleur des cas, à une réduction significative du nombre d'espèces animales et végétales.

Dans le pire, à l'apparition de ravageurs incontrôlables.

les crrls et les chevreuils, privès de leurs ennemis naturels, peuvent menacer l'avenir des forêts en broutant les jeunes pousses.

les rongeurs prolifèrent et causent les plus graves dégâts aux récoltes.

En ce qui concerne les insectes, les exemples abondent de traitements phytosanitaires n'éliminant pas l'espèce visée, mais ses prédateurs : on assiste alors à une explosion de la nuisance, tandis que sur les parcelles non-traitées, celle-ci reste limitée.

t:autour des palombes (Acdpitrl' grntilis), accusé de raids dans les poulaillers, a été longtemps chassé.

Désormais protégé, il est victime d'empoisonnement par les pesticides, qui se concentrent tout au long de la chaîne alimentaire.

Sa raréfaction a entraîné l'essor de plusieurs de ses proies : le pigeon ramier, ou palombe (Columba palumbus), se rassemble en bandes en hiver.

Il se nourrit aux dépens des champs de colza, de choux, de pois, de tournesol, et dans les semis de maïs ; au printemps il dépouille les peupliers de leurs bourgeons.

la corneille noire (Col'VIIS COI'OIII!) pille les céréales, les cerises et les nids d'autres oiseaux.

le corbeau freux (Corvus frugilerus) peut occasionner des dégâts considérables sur les semis, notamment de maïs.

NUISIBLES PAR IMPOIITATION t:histoire présente peu d'exemples d'introductions volontaires ayant abouti aux rèsultats escomptés : les écosystèmes sont trop complexes et les capacités d'adaptation des nouveaux arrivants parfois sous-estimées.

Ainsi la m11ngoustr, introduite aux Antilles pour exterminer les serpents, se reconvertit ensuite dans la volaille.

t:exemple le plus célèbre d'importation calamiteuse est le lapin en Australie.

Il existait un précédent historique.

Sous l'empereur Auguste, les lapins introduits aux îles Baléares en avaient dévasté la végétation, affamant les populations.

Le cas australien est encore plus frappant : en 1859, vingt­ quatre lapins furent importés dans l'État de Victoria, dans le sud-est de l'Australie.

Certains s'échappèrent et trente ans plus tard, ils étaient vingt millions.

Dans ce nouveau milieu, la plupart des prédateurs avaient en effet déjà été éliminés par les éleveurs, craignant pour leurs moutons.

Les lapins mangèrent donc sans souci toute l'herbe destinée aux moutons.

Désespérant d'en venir à bout, les éleveurs introduisirent des renards, qui se spécialisèrent dans les petits marsupiaux, plus faciles à capturer que les lapins.

Ceux-ci continuèrent donc leur avancée au rythme de 110 km par an.

Ils devaient être environ cinq milliards lorsqu'en 1950 on lâcha sur eux la myxomatose : leurs populations furent décimées (puis celles d'Europe), mais en vain.

En 1990, un autre essai de lutte virale fut tenté, avec l'introduction plus ou moins volontaire de la maladie hémorragique du lapin.

Enfin, on teste depuis 2003 un virus de myxomatose génétiquement modifié pour empêcher la reproduction.

On n'ose imaginer les dégâts s'li quitte l'Australie, où les lapins seraient encore aujourd'hui trois cents millions ! Beaucoup d'autres nuisibles ont une origine comparable : ils sont d'abord introduits en élevage, par exemple pour leur fourrure, puis se répandent à l'extérieur.

En Europe, c'est le cas du rat musqué (Ondllfl'11 zibrthicus) et du ragondin (Myocastor coypus), qui font leurs terriers dans les digues.

Le vison d'Amérique (Mustela vison), lui aussi élevé pour sa fourrure, menace à présent son cousin, le rare vison d'Europe (Muste/a lutreola) : plus agressif, il occupe une niche écologique identique.

Dans le sud de l'Europe, les tortues de Floride {Tl'llchemys script11) concurrencent directement les cistudes indigènes (Emys or/Jicu/aris).

Rejetées illégalement dans les étangs, elles leur disputent les sites où elles se chauffent au soleil et une partie de leurs proies.

Quant à l'écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus darkii), introduite pour sa chair sur tous les continents, non seulement elle transforme les digues en gruyère, mais elle transmet une maladie fongique, la « peste de l'écrevisse », aux espèces autochtones.

On voit là à l'œuvre ces phénomènes d'invasions biologiques que l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) considère comme la seconde plus grande menace contre la biodiversité (après la destruction des habitats, mais avant la pollution et la surexploitation des milieux).

NUISIBLES PAR INVASION Dans de nombreux cas, la responsabilité humaine dans l'apparition des nuisibles est indirecte : le ravageur n'a pas été volontairement transporté dans son nouveau milieu.

Il a voyagé dans des caisses, parmi des légumes, dans des bagages, etc.

C'est le cas par exemple du doryphore (Leptine11 drcrmlinrllf11).

Ce ravageur de la pomme de terre est originaire des Montagnes Rocheuses, où il consommait les feuilles d'une espèce voisine, Solanum rostratum.

Il a envahi les États-Unis entre 1850 et 1876 en suivant la ligne de chemin de fer est-ouest nouvellement construite.

Puis il a pris le bateau pour l'Europe avec les pommes de terre du corps expéditionnaire américain : débarqué à Bordeaux en 1918, il se généralisera à l'occasion de la guerre suivante, en 1940.

La lutte chimique a aujourd'hui permis d'en venir à bout.

Une autre chrysomèle, Diabrotica virgifera, préfère l'avion.

Elle se nourrissait à l'origine de cucurbitacées en Amérique centrale.

Parvenue aux États-Unis, elle y est devenue le principal ravageur du maïs.

Ses larves dévorent les racines, occasionnant des pertes de rendement qui peuvent atteindre 80 %.

Elle atterrit ensuite près de Belgrade en 1992, lors de la guerre qui met fin à l'ex-Yougoslavie.

Peu mobile par elle-même, elle s'étend lentement aux régions limitrophes, tout en continuant ses voyages aériens : elle a été capturée dans plusieurs pays d'Europe, toujours à proximité des aéroports internationaux.

Extrêmement surveillée, elle constitue une menace permanente pour la filière maïs.

Citons aussi le longicorne asiatique (Anoplophora g/abripennis), qui conquiert le monde dans des palettes en provenance de Chine.

Il est arrivé récemment en Allemagne, en Autriche et en France, ainsi qu'au Canada et aux États-Unis (New York, Long Island, Chicago).

Sans prédateurs connus, il s'attaque à plusieurs espèces de feuillus, comme les érables, les saules ou les marronniers.

Les arbres qui abritent ses larves dépérissent en quelques années.

La seule technique actuellement efficace est la mise en quarantaine avec abattage et incinération.

Quant aux animaux aquatiques, ils voyagent le plus souvent.

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en bateau, dans l'eau des ballasts.

La moule zébrée (Dreissena polymorpha), originaire de la Mer Noire, a ainsi envahi le Saint-Laurent et la région des Grands Lacs en Amérique du Nord.

Ce petit mollusque est incroyablement prolifique et capable de se fixer sur n'importe quelle surface : sur les moules indigènes, sur les bouées, qu'il coule, dans les tuyaux des prises d'eaux, qu'il obstrue, et même à l'intérieur des moteurs des bateaux.

Les dégâts aux activités industrielles et à la faune sont considérables.

60 % des espèces de moules d'eau douce d'Amérique du Nord sont menacées.

Seul s'en réjouissent les fuligules morillons (Aythya fuligu/a) : ces canards se régalent de moules zébrées.

NUISIBLES PAR EMPihEMENT Des animaux dont l'espace vital se réduit se trouvent contraints de modifier leurs habitudes et d'entrer parfois directement en conflit avec l'homme.

À mesure que les paysans défrichent la forê� l'éléphant d'Afrique est obligé d'aller se nourrir dans leurs plantations.

C'est aussi le cas du coati (NIISUII IIIISUII) en Amérique du sud.

En Europe, le sanglier, qui bénéficie pourtant d'une grande surface boisée, est victime d'un phénomène récent : la multiplication des autoroutes et des lignes TGV, qui constituent autant d'obstacles à ses déplacements.

Les jeunes sangliers, refoulés par leurs aînés en bordure des forêts, ne peuvent en rejoindre d'autres et sont d'autant plus tentés d'aller visiter les champs environnants.

Quelques exemples d'animaux classés nuisibles Animaux nuisibles Ragondin Rat musqué Vison d'Amérique Corneille noire Pigeon ramier Nuisances de la faune dégâts à la pisciculture entraîne des dommages aux piscicultures.

prend la place d'espèces autochtones d'Europe (come le Vison d'Europe).

pille les nids d'autres oiseaux.

Nuisances de la flore/agriculture dégâts causès par son terrier et son appétit vorace : maïs, blé, bulbes ...

son terrier dévaste les champs de maïs, de blé, des bulbes ...

pille les céréales, cerises.

détruit les champs de colza, maïs, choux, pois, tournesol ; dépouille les peupliers de leurs bourgeons.. »

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