Abélard et héloïse
Publié le 13/02/2019
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Abélard et héloïse. Deux mythes ont façonné notre sensibilité amoureuse : Tristan et Yseut, d'une part, à l'origine du « roman », comme langue et comme genre ; Abélard et Héloïse, de l'autre, au tournant de l'histoire de la pensée et de l'aventure logicienne. Tristan, entre deux femmes, Yseut la Blonde et Yseut aux Blanches Mains, est l'antithèse d'Énée, entre Didon et Lavinie, mais Héloïse renouvelle la Comélie de Pompée dans la Pharsale de Lucain. Le premier récit ressortit à la féerie, dans la tradition des conteurs bretons et des cours royales ou princières, d'Angleterre ou d'Aquitaine ; le second, au savoir des clercs, dans la tradition de l'école et de l'édification religieuse.
Une lettre d'Abélard raconte son histoire. Vers 1118, un philosophe de 40 ans (il est né au Pallet, près de Nantes, v. 1079), le plus brillant intellectuel de son temps (il a, dans des débats célèbres, sur la montagne Sainte-Geneviève, terrassé son vieux maître Guillaume de Champeaux), régent des écoles de Notre-Dame de Paris, séduit une jeune fille de 18 ans, renommée pour sa science et devenue son élève. Resté célibataire, il eût été l'égal de Sénèque et de saint Jérôme. S'il épouse Héloïse, c'est en secret, et la famille tire vengeance de lui en le faisant châtrer. Il devient abbé de Saint-Gildas de Rhuys (où il connaît de terribles démêlés avec ses moines à qui il refuse de parler breton) et sa femme, abbesse du Para-clet, qu'il avait fondé en 1129 (confirmation papale, le 28 novembre 1131) et dont il institua la règle dans sa correspondance (v. 1133). La suite est connue grâce au témoignage de Pierre le Vénérable. En conflit doctrinal avec saint Bernard dans le débat fondamental au Moyen Âge entre la logique et la foi, Abélard, condamné par le concile de Sens en 1140, s'était en effet réfugié chez le grand abbé de Cluny, qui le réconcilia avec le saint. Il mourut le 21 avril 1142. Héloïse obtint son corps et le rejoignit
«
dans
la tombe, le 16 mai 1164.
Selon la
chronique de Tours, le défunt tendit ses
bras vers la morte et les referma sur elle.
Rappelons que, sur les tombes séparées
de Tristan et d'Yseut, deux arbres
devaient nouer leurs branches.
L'œuvre d'Abélard est triple : œuvre
de moraliste ( Ethica seu Scito te ipsum),
qui bouleverse la tonalité du sacrement
de pénitence en mettant l'accent sur la
contrition; œuvre de théologien (De
unitate et trinitate di vina); œuvre de
dialecticien surtout : son Sic et non
( 1122), qui relève les oppositions et les
contradictions des Pères de l'Église, est
le « premier Discours de la méthode »
de la pensée occidentale ; dans une
perspective nominaliste, il analyse le
phénomène linguistique et mental de la
signification.
Au strict point de vue
littéraire, Abélard est également un pré
curseur par son autobiographie, que
prolonge sa correspondance avec
Héloïse.
Le manuscrit 802 à Troyes (fin
du xm• s.), où est compilé le dossier, se
présente, semble-t -il, comme une œuvre
organisée.
D'abord la «consolation à un
ami », où Abélard fait le récit de ses
malheurs (Historia calamitatum), puis
« la plainte >> et le débat sur l'amour.
A
Héloïse qui lui écrit : « Je t'ai voulu le
Maitre et n'ai rien fait que par et pour
toi », il répond : «c'est à moi de servir
celle qu'a élue l'Époux divin>> («Hé
loïse >> était faite pour >, et lui
seul est l'amant véritable, n-v).
Suivent
des lettres de.
»
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