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ADOLPHE de CONSTANT

Publié le 27/03/2013

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constant

Type même du roman d'analyse psychologique, présenté comme « une anecdote trouvée dans les papiers d'un inconnu «,Adolphe est la confession d'un homme qui a cru aimer et dont la lâcheté provoque la mort de la femme qui s'était donnée à lui tout entière. Avant Adolphe (1816), Benjamin Constant avait déjà publié le Cahier rouge et Cécile, deux autres ouvrages d'inspiration autobiographique.

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« « Il y a entre vous et tous les genres du succès un obstacle insurmontable et ( ••• ) cet obstacle est Ellénore.,.

~- -- ----EXTRAITS Une conquête laborieuse Enfin j'entendis sonner/' heure à laquelle je devais me rendre chez le comte.

Mon impa­ tience se changea tout à coup en timidité ; je m'habillai lentement ; je ne me sentais plus pressé d'arriver : j'avais un tel effroi que mon attente ne fût déçue, un sentiment si vif de la douleur que je courais risque d'éprouver, que j'aurais consenti volontiers à tout ajourner.

Il était assez tard lorsque j'entrai chez M.

de P***.

J'aperçus Ellénore assise au fond de la chambre ; je n'osai avancer ; il me semblait que tout le monde avait les yeux fixés sur moi.J'allai me cacher dans un coin du salon, derrière un groupe d'hommes qui causaient.

De là je contemplais Ellénore : elle me parut légèrement changée, elle était plus pâle que de coutume.

Le comte me découvrit dans /'es­ pèce de retraite où je m'étais réfagié ; il vint à moi, me prit la main et me conduisit à Ellénore.

«Je vous présente, dit-il en riant, /'un des hommes que votre départ inattendu a le plus étonné.

» Ellénore parlait à une femme placée à côté d'elle.Lorsqu'elle me vit, ses paroles s'arrêtèrent sur ses lèvres ; elle demeura inter­ dite : je /'étais beaucoup moi­ même .

On pouvait nous erztendre, j'adressai à Ellénore des ques­ tions indifférentes.

Nous reprîmes tous deux une apparence de calme.

On annonça qu'on avait servi ; j'offris à Ellénore mon bras, qu'elle ne put refuser.

«Si vous ne me promettez pas, lui dis-je en la conduisant, de me recevoir demain chez vous à onze heures,je pars à l' instant,j' abandonne mon pa ys, mafamille et mon père,je romps tous mes liens, j'abjure tous mes devoirs, et je vais n'importe où ; finir au plus tôt une vie que vous vous plaisez à empoisonner.

«Adolphe ! » me répondit-elle ; et elle hé­ sitait.Je fis un mouvement pour m'éloigner.

Je ne sais ce que mes traits exprimèrent, mais je n'avais jamais éprouvé de contrac­ tion si violente.

Ellénore me regarda.

Une terreur mêlée d'affection se peignit sur sa figure .

«Je vous recevrai demain, dit-elle, mais je vous conjure ..

.

» Beaucoup de per­ sonnes nous suivaient, elle ne put ache­ ver sa phrase.

Je pressai sa main de mon bras; nous nous mîmes à table.

J'aurais voulu m'asseoir à côté d' Ellénore, mais le maître de maison /'avait autrement dé­ cidé : je fus placé à peu près en vis-à-vis d'elle .

( . ..

)J'aspirais à produire dans l'esprit d' Ellénore une impression agréable.

Je voulais, en me mon­ trant aimable et spirituel, la disposer en ma faveur, et la préparer à /'en­ trevue qu'elle m'avait accordée.J'essayai donc mille manières de fixer son attention.

Je ramenai la conversation sur des sujets que je savais l'intéresser; nos voisins s'y mêlèrent : j'étais inspiré par sa présence ; je parvins à me faire écouter d'elle, je la vis bientôt sourire : j'en ressentis une telle joie, mes regards exprimèren t tant de reconnais­ sance qu'elle ne put s'empêcher d'en être.

touchée .

Sa tristesse et sa distraction se dis­ sipèrent : elle ne résista plus au charme se­ cret que répandait dans son âme la vue du bonheur que je lui devais ; et quand nous sortîmes de table , nos cœurs étaient d' intel­ ligence, comme si nous n'avions jamais été séparés .

« Mon amour pour vous fut peut-être une faute ; je ne le croirais pourtant pas si cet amour avait pu vous rendre heureux.

» NOTES DE L'ÉDITEUR Quand Adolphe paraît en 1816, Benjamin Constant est connu pour ses engagements antibonapartistes.

Adolphe est incontestablement son chef-d'œuvre, qui aura un retentissement important auprès de la génération romantique.

Le narrateur montre la vérité d'une époque, le mal du siècle fait de lassitude, d'ennui, dans une société qui s'embourgeoise.

Adolphe s'ingénie avec patience à décrire son cœur, ses aspirations, ses illusions.

Adolphe est-il coupable de la mort d 'Ellénore ? L'écriture est son remords.

Il se souvient, s'épanche et enfin se condamne lui-même.

Il exprime avec une simplicité déconcertante ce que Balzac appellera« les galériens de l'amour».

remords, qu'il tire enfin son épingle du jeu et attendrit : on se dit qu'il ne pouvait faire autrement.

» José Cabanis, Des Jardins en Espagne.

1 Edimedia 2, 3, 4.

S eaux-fortes d'E.

Dufour, éd.

de la Tra diti on, 19 4 2 « Les récits autobiographiques sont d'autant plus trompeurs qu'ils paraissent impliquer une sincérité totale: l'auteur abandonne tout déguisement pour dire ce qui lui est arrivé.

On croit d'autant plus Adolphe qu'il s'accuse et montre ses faiblesses, et fait la partie belle à la femme qu'il aimait.

Mais il est si sensible, si tourmenté des peines qu'il cause, si partagé, si poursuivi par le «C'est l'histoire d'un être, qui, essayant de ne plus vivre seul, échoue misérablement dans sa tentative .( .

..

) Adolphe est comparable à Meursault, le narrateur de L' Étranger de Camus.

Il a le même « à quoi bon », le même sens de l'absurde.

» Georges Poulet, Benjamin Constant.

CONSTANT 02. »

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