Ainsi va le monde
Publié le 10/04/2013
Extrait du document
« M. Congreve, qu'on peut appeler le Molière de 1' Angleterre. « Voltaire. « Avec Congreve, voici un humoriste observateur. .. pour qui le monde semble tout à fait dépourvu de lois morales et dont l'affreuse doctrine paraît être de manger, de boire, de se donner du bon temps tout son soûl et d'aller au diable (s ' il existe un diable !) au moment venu. « Thackeray. Lorsque Congreve écrit Ainsi va le monde (The way of the wor/d, 1700), en France, La Bruyère vient de terminer les Caractères ( 1688), Bayle travaille à son Dictionnaire (1699) et Fénelon a terminé Télémaque ( 1699). En Angleterre, c'est Guillaume III qui est au pouvoir.
«
« Si ce que disent mes
bottes ne vous suffit
pa
s, vous pouvez
passer à l'écurie et
vous renseigner auprès
de mon cheval,
monsieur.»
EXTRAITS
Mlle Marwood converse avec
Mme Allfain, qui
n'est autre que
la femme de son
amant
MME ALLFAIN.
- Oui, vraiment, ma chère
Marwood, si nous voulons être heureuses,
ler en ma possession.
il
faut en
trouver le
moyen
en nous-mêmes,
et entre nous.
Les
hommes vont toujours
à l'extrême,
de l'amour
à
la haine.S'ils aiment,
leur jalousie
est in
supportable;
s'ils
cessent d'aimer, c'est
pour nous détester.
MLLE MARWOOD.
-
Hélas, c'est un bien
grand malheur que
l'amour meure avant
nous et que l'homme
survive si
souvent à
l'amant ! Mais vous
avez beau dire, mieux
vaut être abandonnée
que
n'avoir jamais
été aimée! Pour moi,
je ne laisserai jamais
ma jeunesse se rouil
MME ALLFAIN.
- Vous ne feignez donc de
l'aversion pour les hommes que pour
complaire à ma mère ?
MLLE MARWOOD.
- Mais oui ! A parler
franchement, je n'ai aucun goût pour ces
conversations vides et insipides, dont nous
nous amusons en
l'absence des hommes.
Nous avons beau nous jurer une amitié
éternelle, et nous chérir comme des amants,
l'amour a bientôt repris son emprise dans
nos cœurs, et chacune, tôt ou tard, nous le
recevons et nous l'accueillons comme notre
tyran légitime.
MME ALLFAIN.
- Combien je me suis trom
pée sur votre compte ! Voilà une vraie pro
fession de libertinage.
Lady Wishfort s'apprête à recevoir
Mirebell ; elle s'adresse
à son
domestique
LADY WISHFORT.
- Sir Ro wland arrive, dis
tu, F oible ; tout est-il prêt ?
FOIBLE.
- Oui, madame.J'ai mis des bou
gies dans les flambeaux et
j'ai placé les la
quais en rang, dans
le vestibule avec leurs
livrées neuves, et le cocher et le palefrenier
pour faire nombre.
LADY WISHFORT.
- As-tu parfumé le cocher
et le palefrenier, qu'ils ne sentent pas
l'écurie quand sir Rowland arrivera ?
FOIBLE.
- Oui, madame.
LADY WISHFORT.
-Les danseurs et les musi
ciens sont-ils prêts ?
FOIBLE.
- Tout est prêt, madame.
LADY WISHFORT.
-Bien.
Et, voyons, quel air
lui trouves-tu, F oible?
FOIBLE.
- Oh! madame, l'air le plus dange
reux du monde.
LADY WISHFORT.
-Bien.
Et comment vais-je
le recevoir ?
(..)Je
m'étendrai, je le re
cevrai dans mon petit
boudoir, où il y a un
divan.
Oui,
oui,je lui
donnerai sa première
impression sur un
divan.
Et je ne me
coucherai pas tout à
fait, je m'étendrai,
appuyée sur le coude,
le
pied un peu pen
dant, se balançant d'un air pe_nsif.
Oui ,
et dès qu'il paraîtra, je sursauterai, je
montrerai quelque surprise et lèverai pour
aller à sa rencontre dans un joli désordre ...
oui ...
Oh! rien n'est plus attirant que de se
lever
d'un divan avec quelque confusion,
cela met la jambe en valeur et fournit
l'occasion de rougir ...
Écoute, voilà un
carrosse.
France Illustration, 1955
« Vous êtes galant
homme ,
Mirebell ! Vous êtes peut-être
assez cruel pour ne pas
vous rendre aux désirs
d 'une femme, mais vous
avez trop de générosité
pour ne pas prendre
soin de sa réputation.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
William Congreve ( 1670-1729) connut
d'abord le succès avec sa première comédie,
Le Vieux Garçon (1693), ce qui l'incita à
poursuivre dans cette voie, donnant
sucœssivement
Amour pour amour (1695)
et
La Fiancée en deuil (1697).
Comme
certains de ses confrères auteurs
dramatiques,
il fut attaqué par les puritains,
défenseurs de la moralité.
Jeremy Collier
mena une violente
campagne« anti- licencieuse
» contre
eux dans son pamphlet
intitulé
Un coup d' œil sur l'immoralité et
l'état profane
du théâtre anglais (1698).
« Compliquée, intellectuelle et subtilement
pessimiste, la pièce, aux dires de l'auteur,
n'était pas faite pour plaire.
Peut-être déplut-elle.
En tout cas, n'ayant
nulle envie de flatter le goût général qu'il
estimait grossier, Congreve se
retira.»
A.
Maisonneuve, Histoire des Littératures,
Gallimard , 1968.
« Cette morale, dans la mesure où elle peut
se formuler, substitue
à la Règle les règles
d'un jeu d'adresse et de hasard où il ne faut
pas trop tricher,
à la Loi les lois qui
régissent les rapports financiers et
matrimoniaux entre gens de qualité.
Le bon
goût, la mesure, y remplacent la vertu
;
l'esprit de répartie en est l'Évangile.
Et
ceux qui affirment qu
'Ainsi va le monde
vaut surtout par son style, oublient de
préciser: style de vie.
»A.
Maurocordato,
Archives des Lettres modernes, 1967.
1 Willi am Con gre v e par G eo ffrey Knelle r ( 1709) , Cambrid ge Uni vers ity Pr ess, 1986 / D .R .
2, 3, 4 Cambrid ge Uni vers it y Pr ess, 1986 / D.R .
CONGREVE 02.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- FICHE DE LECTURE : LE MONDE OUVRIER DE 1870-1914
- Le théâtre a-t-il pour fonction de tout dire, de tout expliquer au spectateur de la crise que vivent les personnages? - Par quels moyens et quelles fonctions Juste la Fin du monde est une pièce qui nous retrace la crise de cette famille?
- Galilée: Dialogue sur les deux grands systèmes du monde
- LE TIERS-MONDE : INDÉPENDANCES, CONTESTATION DE L'ORDRE MONDIAL, DIVERSIFICATION
- LE MONDE EN 1945 (cours)