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AMIS inconnus (les) de Jules Supervielle (fiche de lecture)

Publié le 15/10/2018

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AMIS inconnus (les). Recueil poétique de Jules Supervielle (1884-1960), publié à Paris chez Gallimard en 1934.

Avant d'être réunis, un grand nombre des poèmes des Amis inconnus avaient été publiés en revue entre 1931 et 1933, notamment dans la livraison du Ie' octobre 1932 de la Nouvelle Revue française, qui incluait le petit poème éponyme \"les Amis inconnus\", mais aussi dans les Cahiers du Sud et dans Europe.

À son habitude. Supervielle a réorganisé tes textes, en 12 sections comptant d'un (\"le Hors-venu”. \"le Spectateur\") à treize poèmes (“le Miroir intérieur''), qui ne suivent pas l'ordre chronologique des prépublications. Le titre général reprend celui de la section inaugurale et du premier poème. Supervielle fait alterner les vers réguliers (quintils d'alexandrins non rimés pour “les Amis inconnus\", longues coulées d'alexandrins pour “la Demeure entourée\", d'octosyllabes pour “le Hors-venu\", et assez souvent d'hexasyllabes, voire d'heptasyllabes), avec les versets (\"les Mains photographiées\", “A Ricardo Güiraldes\", \"Solitude'', 'TArbre\", etc), selon une technique variée éprouvée dès *Gravitations (mais il ne recourt pas ia au poème en prose).

Le poème liminaire éclaire la signification du titre lorsqu'il évoque les « brusques passants », les « amis lointains » et les « jours qu'il[s] n'aur[ont] pas vécus ». Les « amis inconnus » sont les morts familiers qui, comme dans Gravitations (1925), se mêlent aux vivants. La poésie tente de représenter la difficile communication avec les ombres, afin de réparer quelque obscure faute à l'endroit des morts

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« « oubliés '' : « Si je· croise jamais un des amis lointains 1 Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître?» Seul un portrait en creux peut être peint de ces fantômes sans corps, sans visage, en particulier : Le monde est plein de voix qui perdirent visage Et tournent nuit et jour pour en demander un [ ...

] je pense à la pauvre Marie Sans corps maintenant et sans yeux [ ...

] La poétique du manque, de la perte, et du corps morcelé, sans doute née du deuil impossible des parents, dont l'enfant Supervielle n'a appris que tar­ divement la disparition, devient ainsi une méditation sur les rapports entre l'âme et le corps douloureusement divisés, et sur l'aspiration à l'unité per­ due : « [ ...

] l'âme demeure effrayée 1 Par le corps aveugle qui la repousse et s'en va tout seul» ("le Désir").

Aussi comprend-on mieux l'obsession du double :...

du « hors-venu » -qui hante le recueil : avatar du thème romanti­ que du Doppelgiinger [le double] certes, mais au plan superviellien, allégorie du clivage d'un sujet divisé : Nous sommes deux, nous sommes un, Nos pas s'embrouillent, et nos cœurs.

Si les âmes « sans visage » des morts rôdent autour des.vivants, c'est qu'elles implorent lè poète de leur donner corps : « Il faut lui donner ton humain visage.» C'est donc au langage qu'il appar­ tient de rétablir l'unité de l'âme et du corps, c'est-à-dire de réintégrer les morts des limbes dans le royaume des vivants, littéralement de les ressusciter en les arrachant à l'oubli.

La parole poétique est alors l'équivalent de la main tendue et serrée -autre image récurrente chez Supervielle-, qui scelle la réconciliation par le contact physi­ que: Si vous touchez sa main c'est bien sans le savoir, Vous vous le rappelez mais sous un autre nom, Au milieu de la nuit, au plus fort du sommeil, Vous dites son vrai nom et le faites asseoir.

("Lui seul") Car le propre de ces spectres familiers, au demeurant plus pathétiques qu'ef­ frayants, c'est d'être« inconnus»: non seulement «transparents», « invisi­ bles», «sans visage», mais surtout sans nom : «Je ne sais plus mon nom, je n'ai plus de cervelle», s'écrie l'une de ces voix.

L'oubli des morts est étroi­ tement lié à la perte de l'identité que symbolise le nom propre.

La thématique des « amis incon­ nus», familiers des vivants, traverse l'œuvre tout entière de Supervielle, de manière obsessionnelle.

Dans les Amis inconnus, Supervielle donne la parole à ces morts auxquels s'adressaient les poèmes de Gravitations - de nombreux passages se présentent comme la trans­ cription au discours direct de la voix des morts -, en même temps qu'il leur prête corps.

Mais, de façon plus singu­ lière -et c'est ce qui distingue le recueil -, il arrive que la relation s'inverse et que le poète, devenu à son tour « étranger »1 parle lui-même le langage des morts pour s'adresser aux vivants alors le « nous » exprime la solidarité avec les morts, qui ne sont plus les objets ni les destinataires, mais bien les sujets de la poésie : Nous enfants perdus maltraités par le jour Et la grande lumière, Ramassés par la Nuit poreuse et pénétrante ~ ..

] Méditant sur le corps « mutilé», le poème pose en définitive la question de l'identité du récitant, de sorte que le dialogue avec le double s'avère un monologue.

L'enfant orphelin, à la recherche de son identité et de son nom, se trouve lui-même réduit à la. »

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