Arendt - La Crise de la culture
Publié le 08/03/2020
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D'après la pensée antique, l'homme ne pouvait se libérer de la nécessité qu'en exerçant un pouvoir sur d'autres hommes, et il ne pouvait être libre que s'il possédait un lieu, un foyer dans le monde. Épictète transposait ces relations mondaines en relations à l'intérieur de l'homme lui-même, et il découvrait qu'aucun pouvoir n'est aussi absolu que celui que l'homme exerce sur lui-même, et que l'espace intérieur où l'homme lutte contre lui-même et se maîtrise lui-même est plus entièrement sien, à savoir plus sûrement protégé de l'ingérence extérieure, que ne pourrait jamais l'être aucun foyer dans le monde. Par conséquent, en dépit de la grande influence que le concept d'une liberté intérieure non politique a exercée sur la tradition de la pensée, il semble qu'on puisse affirmer que l'homme ne saurait rien de la liberté intérieure s'il n'avait d'abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible dans le monde. Nous prenons conscience d'abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec d'autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l'homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son foyer, d'aller dans le monde et de rencontrer d'autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette liberté était précédée par la libération : pour être libre, l'homme doit s'être libéré des nécessités de la vie. Mais le statut d'homme libre ne découlait pas automatiquement de l'acte de libération. Être libre exigeait, outre la simple libération, la compagnie d'autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un espace public commun où les rencontrer - un monde politiquement organisé, en d'autres termes, où chacun des hommes libres pût s'insérer par la parole et par l'action. Hannah ARENDT, La Crise de la culture, 1954. Trad. Jacques

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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)CRISE
DE LA CULTURE (LA), Between Past
and Future, 1954.
HANNAH ARENDT, 1906-1975.
Recueil d'articles parus dans différentes
, .
.
revues amencatnes.
Spécialiste de philosophie politique,
Arendt commente dans ce texte les données
de notre époque en crise.
En effet, d'un côté
on assiste à une usure de la tradition, mais,
de l'autre, l'avenir apparaît comme inconce
vable, flou, sans réalité, sans projet.
Ainsi
l'homme actuel est en porte-à-faux entre un
passé révolu et un avenir incertain.
Il est
donc urgent de faire un bilan et surtout
d'apprendre à nouveau à penser dans notre
siècle, non pour retrouver le passé ni inven
ter le futur , mais simplement pour
apprendre à l'homme à se mouvoir dans sa
position actuelle.
Analysant les notions de liberté, d'autorité
et d'éducation, Hannah Arendt fait le point
sur une époque en conflit.
Édition: la Crise de la culture (trad.
sous la dir.
de P.
Lévy), coll.
«Folio-Essais)>, Gallimard,
1989.
Étude: A.-M.
Roviello, Sens commun et
modernité chez Hannah Arendt, Ousia, 1988..
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