ETUDE DE TEXTE: Hannah ARENDT, La Crise de la culture.

Expliquer le texte suivant:

Manifestement, la liberté ne caractérise pas toute forme de rapports humains et toute espèce de communauté. Là où les hommes vivent ensemble mais ne forment pas un corps politique — par exemple dans les sociétés tribales ou dans l'intimité du foyer — les facteurs réglant leurs actions et leur conduite ne sont pas la liberté, mais les nécessités de la vie et le souci de sa conservation. En outre, partout où le monde fait par l'homme ne devient pas scène pour l'action et la parole — par exemple dans les communautés gouvernées de manière des¬potique qui exilent leurs sujets dans l'étroitesse du foyer et empêchent ainsi la naissance d'une vie publique — la liberté n'a pas de réalité mondaine. Sans une vie publique politiquement garantie, il manque à la liberté l'espace mondain où faire son apparition. Certes, elle peut encore habiter le coeur des hommes somme désir, volonté, souhait ou aspiration ; mais le coeur humain, nous le savons tous, est un lieu très obscur, et tout ce qui se passe dans son obscurité ne peut être désigné comme un fait démontrable. La liberté comme fait démon¬trable et la politique coïncident et sont relatives l'une à l'autre comme deux :ôtés d'une même chose.

Hannah ARENDT, La Crise de la culture.

Avant de commencer

· Principales notions abordées

Autrui (L et ES); l'existence et le temps (L); l'histoire (L et ES); la politique; la

liberté; le devoir.

· Repères utilisés

Abstrait/concret; en acte/en puissance; cause/fin ; essentiel/accidentel; légal/ légitime; objectif/subjectif; persuader/convaincre; principe/conséquence; uni-ve rsel/gén éra l/pa c u I ier/sing ulier.

· Analyse du sujet

— Bien se souvenir que, dans de nombreux textes philosophiques, la « politique « ne renvoie pas d'abord aux politiciens et aux partis politiques mais aux questions relatives à la vie en communauté, à l'organisation de l'État, aux grands projets de société, etc.

— Ce texte présente une thèse très affirmée, efforcez-vous de la nuancer en apportant un certain nombre d'éclairages qui tempèrent le lien exclusif que fait la philosophe entre liberté et politique.

« corps politique «: on parle de corps politique par nétaphore avec le corps biologique, qui forme un tout dont 'équilibre repose sur le bon fonctionnement de toutes les Parties (les organes) et de la participation de composants 'ondamentaux (les cellules). Dans la communauté politique, es composants sont les citoyens, plus petits participants et :léments essentiels qui sont à la fois au principe (à la base) Je la communauté et à la fin (finalité) de celle-ci puisqu'elle boit réaliser leur dé\,eioppement maximal. Les « organes « ;ont les différentes institutions de l'État : école, justice, police, armee, ministères, gouvernement, etc. : autant de ormes organisées qui concourent au fonctionnement de 'ensemble. Or, toutes les sociétés humaines dans l'histoire le fonctionnent pas nécessairement selon ce double prin-:ipe politique : reconnaissance des citoyens comme nembres actifs dans le domaine public et mise en place l'institutions collectives. C'est le cas notamment des socié-:és tribales et des communautés familiales.

-              « sociétés tribales «: sociétés qui fonctionnent selon le principe de la « tribu «. Celle-ci correspond à un groupe social fondé sur une parenté ethnique réelle ou imaginaire. Dn utilise ce terme essentiellement pour désigner les socié-:és « primitives « ou plutôt « traditionnelles «, parce qu'elles 'onctionnerit selon le principe de la tradition : hiérarchie de 'autorité et des rôles sociaux en fonction de l'âge et du sexe, selon un modèle assez stable et implicite qui se transmet de génération en génération. Ainsi, bien que chaque membre participe à la vie de la communauté, cette participation ne fait pas appel à la délibération publique, à des choix de société, à des cadres institutionnels formalisés et transfor­mables. Néanmoins, les sociétés tribales présentent une dimension politique malgré tout, même si elle n'est pas démocratique. Les Anciens peuvent se réunir pour discuter d'un problème interne (différend entre membres de la tribu) ou externe relation avec les tribus voisines, guerre). Mais le « débat « politique demeure restreint, à la fois en termes de participants et de sujets abordés. De plus, l'essentiel de la vie de la tribu consiste surtout à répondre aux nécessités natu­relles et à la dureté de l'existence.