AYME : Le Passe-Muraille
Publié le 27/03/2013
Extrait du document
A travers les nouvelles fantastiques et les histoires qui relatent la vie des gens pendant l'Occupation, Marcel Aymé développe une poésie populiste fo ndée sur un réalisme scrupuleux. Il marie les incohérences de la réalité et les invraisemblances de son imagination. Tout est écrit avec une malice qui rend le lecteur naïf et lui fait admettre n'importe quoi. Le Passe-Muraille, publié en 1943, a donné son titre à l'ensemble.
«
« Au restaurant, j'ai vu un homme
qui a vécu jusqu'au 66 juin, ce qui
représente une
bonne provision
de tickets.
»
EXTRAITS ~~~~ ~~~-
Dans Les Sabines, Antoine Lemurier
a fort à faire
pour s'accomoder du don
d'ubiquité de sa femme
Antoine Lemurier, qui avait manqué mourir,
sortit heureusement de maladie, reprit son
service au bureau et, tant bien que mal,
pansa ses plaies d'argent.
Durant cette
épreuve, les voisins s'étaient
ré
jouis en pensant que le mari al
lait crever, le mobilier être
vendu,
la femme à la rue.
Tous
étaient d'ailleurs d'excellentes
gens, des cœ
urs d'or, comme
tout
le monde, et n'en voulaient
nullement au ménage Lemurier,
mais voyant se
jouer auprès
d'eux une sombre tragédie avec
rebonds, péripéties, beugle
ments de proprio , huissier
et
fièvre montante, ils vivaient
anxieusement
dans l'attente
d'un dénouement qui fût digne
de
la pièce.
On en voulut à
Lemuri
er de n'être pas mort.
C'est lui qui avait tout foutu
par terre.
En représailles, on se mit à
plaindre sa
femme et à l'admirer.
On lui
disait :
« Madame Lemurier, quel courage
vous avez
eu, on a bien pensé à vous, je vou
lais monter vous
voir, Frédéric me disait
non, tu vas déranger, mais
je me tenais au
co urant,
etje l'ai dit souvent et encore hier
à
M.
Brevet: Mme Lemurier a été extra
ordinaire ;
admirable, elle a été.
» Ces
c hoses-là étaient dites, autant que possible,
devant Lemurier, ou bien elles lui étaient
ré
pétées par la concierge ou par le trois
pièces du cinquièm
e, ou par le porte-d e-face
du troisième, si bien que
le pauvre homme
en vint à
juger insuffisante l'expression de
sa propre reconnaissance.
Un soir, sous la
lampe, Sabine lui parut lasse.
Elle en était
à son cinquante-six millième amant, un capitaine
de gendarmerie, bel
homme, qui débouclait son ceinturon
dans un hôtel de Casablanca en lui
disant qu'après bien bouffer et
un bon
cigare,
l'amour est chose divine.
Antoine Lemurier, qui regardait sa
femme avec vénération, lui prit la
main et y appuya les lèvres.
Germaine Buge, malgré son
dénuement, a
pu offrir Les Bottes
de sept lieues
à son fils
En voyant les bottes , Antoine devint
rouge et heureux et il lui semb
la que
le triste papier neuf qui tapissait les
murs était
d'un joli vert pomme de prin
temps.
Le
soir, quand sa mère fut endo rmi e,
il se leva sans bruit, s'habilla et enfila les
bottes de sept lieues.
Nuit noire,
il traversa
la mansarde à tâtons et après avoir ouvert
la fenêtre avec de longues précautions,
grimpa sur le bord
du chéneau.
Un premier
bond le porta en banlieue, à Rosny-sous
Bois ; un deuxième dans le département
de Seine-et-Marne.
En dix mi
nutes, il fut à l'autre bout de
la
terre et s'arrêta dans un grand
pré pour y cueillir une brassée
des premiers rayons du soleil
qu'il noua d'un fil de la
Vierge.
Antoine retrouva facilement la
mansarde où il se glissa sans
bruit.
Sur le petit lit de sa
mère, il posa sa brassée
brillante dont
la lueur éclai ra
le visage endormi et il trouva
qu'elle était moinsfatiguée.
Flammarion , 1977
« La-dessus, il se mit à tourner autour de l'oi sea u empaillé
avec des gestes rageurs .
»
« Le visage un peu
congestionné, M.
Jacotin chercha une
idée ou
au moins une
phrase qui fût un départ.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
Marcel Aymé ( 1902-1967) est d 'abord
On a
dit
de lui qu'il était
le« paysan de
Montmartre ».
Le Pass e-Muraille contient
six nouvelles qui se déroulent sur la butte
du Sacré-Cœur.
C'est pour l 'auteur
l'occasion de faire vivre
un quartier qu'il
connaît bien et qui a l'aspect d'
un village
malgré son entourage urbain.
Les hommes
y sont tous pauvre s d
'es prit ou petits
bourgeois.
Les femmes sont femmes de
ménage
ou pro stituées .
Le s enfants vivent
dan s leur propre monde.
C'est là que
semble
le salut : ce qui sauve l'humanité de
ses contingences.
Car tout est simple.
Marcel Aymé présente
le Bon Dieu, sur son
nuage, réglant ses comptes et contemplant
le monde avec bont
é.
La carrière littéraire
de Marcel Aymé fut couronn ée de suc cès.
un conteur.
Originaire
du Jura, orphelin
très tôt,
il a su écouter les histoires
traditionnelles qu
'on lui racontait et a
construit en lui
un monde original, secret et
formidablement humain.
Sa fantaisie nous
délivre du quotidien.
Il ne donne aucune
leçon ,
ne fait aucune morale : il raconte et
excelle dans les détails qu'
il présente en
une
ou deux phrases ; dans une économie
de sty
le extraordinaire.
J Sipa Press 2, 3.
4 .
.
6 dess ins de Roland To por.
Flammarion.
1977
« Ce qui devient tout à fait inse nsé, c'est
l'insertion du mervei lleux dans la vie
quotidienne .
Ici, le fantastique et le norm al
se donn ent la main .
L'un est le moteur de
l'action.
L
'autre, c'est l'intérêt des
circonstances car no us retrouvons le monde
tel que nous le connaissons.
( ...
) Le départ
est absurde et les consé quence s so nt
logiques.
» Ro ger Nimier.
AYMÉ03.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le Passe-Muraille de Marcel AYME (Résumé & Analyse)
- PASSE-MURAILLE (Le). Marcel Aymé
- PASSE-MURAILLE (le) (résumé & analyse)
- Fiche de lecture : PASSE-MURAILLE (Le) de Marcel Aymé
- Passe Muraille