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BEAUMARCHAIS: Le Barbier de Séville

Publié le 28/02/2011

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  Les interprétations qu'en a données le XIXe siècle (à l'instar de Danton qui prétendit : « Figaro a tué la noblesse «) ont surévalué la dimension subversive du Barbier de Séville. Les diverses pointes satiriques qui peuvent y être repérées sont en accord avec l'esprit du temps. Comme le dit Jacques Schérer, « les critiques qu'il adresse à la noblesse sont de celles qu'elle peut accepter «. Aussi faut-il redonner leur vraie valeur aux « piques « présentes dans Le Barbier de Séville. Sans doute le fourbe Bazile est-il membre du clergé, mais l'indication de son appartenance à l'Église est bien discrète (il porte « chapeau noir, soutanelle et long manteau «, p. 46). Sans doute Figaro n'hésite-t-il pas à railler le Comte (scène 2, acte II), mais si la critique est assez hardie, elle n'est en rien nouvelle : il y a longtemps que -le couple maître-valet fait les beaux jours des philosophes de salons qui ont pu y voir entre autres l'expression de la dualité entre la culture perverse et l'innocente nature toujours juste. 




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« C'est très sérieusement qu'il nous faut prendre ce que dit Beaumarchais dans la Lettre modérée : « Un vieillardamoureux prétend épouser sa pupille.

Un jeune amant plus adroit le prévient, et ce jour même en fait sa femme, à labarbe et dans la maison du tuteur.

Voilà le fond, dont on eût pu faire, avec un égal succès, une tragédie, unecomédie, un drame, un opéra, et caetera ») (p.

27, souligné par nous).

Le schéma qui se fait jour ici est le suivant : Bartholo a tout pouvoir sur Rosine Bartholo aime (veut épouser) Rosine, qui ne l'aime pas On reconnaît sans peine ladouble équation1, que Barthes établissait pour la tragédie racinienne {Sur Racine, « Points », n° 97, p.

29).Autrement dit, la structure même de la pièce n'est ni comique ni tragique ; elle est neutre : tantôt comique, tantôttragique.

Or Beaumarchais sait fort bien s'accommoder de cette ambiguïté.

Plus précisément, en ajoutant unetroisième relation (Rosine aime le Comte, qui l'aime) aux deux premières, et en privilégiant tantôt celles-ci, tantôtcelle-là, il provoque un va-et-vient qui joue sur le couple « tension dramatique/relâchement de la tension ». Les personnages : Figaro et Bartholo Si nous suivons notre schéma, nous trouvons un trio archi-traditionnel : le barbon, la pupille, l'amant.

Or, à cestrois-là, Beaumarchais en ajoute deux autres (Figaro et Bazile) dont l'un au moins est indispensable à l'action :Figaro.

Et c'est sans doute là l'une des principales originalités de la pièce.

Beaumarchais retravaille un motif déjà fixésur une structure très forte en en changeant la focalisation.

Autrement dit, Rosine et Almaviva nous intéressentmoins que Figaro, le but de l'action moins que ses moyens. On a beaucoup parlé de « l'esprit français » de Figaro, de son caractère frondeur et populaire, de sa verve, de sonverbe haut et coloré, etc.

Sans doute.

Mais ce qui compte surtout, ici, c'est son rôle de grand officiant duspectacle.

Figaro a quelque chose de l'Alcandre de L'Illusion comique.

Magicien comme lui, il semble comme lui menerl'action : « Moi, j'entre ici, où, par la force de mon art, je vais, d'un seul coup de baguette, endormir la vigilance,éveiller l'amour, égarer la jalousie, fourvoyer l'intrigue, et renverser les obstacles.

» (II, 6, lignes 91 sq.) Et de fait, Figaro joue si bien son rôle qu'il finit par inspirer toutes les actions du Comte, par lui souffler ses moindresgestes, comme si, non content de faire porter sur la fonction de valet, auxiliaire du Comte, tout l'intérêt de la pièce,il supplantait l'amour lui-même dans son rôle d'ordonnateur de l'intrigue. Le titre de la pièce ne nous parle d'ailleurs ni du sujet (le Comte) ni de l'objet de son désir (Rosine), mais uniquementde Figaro, désigné par sa fonction. Aussi est-ce peut-être pour faire contrepoids à ce nouveau personnage introduit au cœur du schéma traditionnel etdoté d'un pouvoir exceptionnel, que Beaumarchais a par ailleurs sensiblement modifié les traits de l'habituel barbon :si Bartholo est comme la plupart des figures de la pièce un héritage de la comédie classique et de la parade, il a peuà voir cependant avec les Arnolphe de la première ou les « bonshommes Cassandre » de la seconde.

Il n'est ni facileà duper, ni stupide.

Il est clairvoyant, méfiant, rusé, prêt à tout pour battre ses adversaires.

En un sens, c'estd'ailleurs lui le vrai maître du jeu, au moins jusqu'à ce que Figaro lui subtilise la clef de la jalousie à la scène 7 del'acte III, c'est-à-dire aux deux tiers de la pièce.

Car avant ce revirement décisif, aucun des stratagèmes de Figarone réussit pleinement, les « précautions » prises par Bartholo n'étant pas si « inutiles » que cela.

Face à un telopposant, n'était-il pas alors logique et nécessaire de donner au sujet (le Comte) un auxiliaire, un soutien de laforce de Figaro ? Comme si finalement la pièce se structurait non sur le couple central « sujet désirant (leComte)/objet désiré (Rosine) », mais sur le couple « opposant (Bartholo)/auxiliaire (Figaro) ». Rythme et péripéties Une esthétique du mouvement et une esthétique de la parade a/ Le mouvement Structures et personnages ne nous disent pas grand-chose de ce qui donne au Barbier de Séville cet air de «franche gaieté » que revendique Beaumarchais pour le premier volet de sa trilogie, dans la préface du Mariage deFigaro.

Ici intervient, en effet, un autre facteur déterminant : le rythme, qui entretient une permanente tension.

Onpeut déjà remarquer une extrême rapidité de l'ensemble due notamment au grand nombre de scènes que comportel'œuvre (44 pour seulement 4 actes).

Un jeu soigné d'ouverture et de fermeture donne au récit sa pulsation.

Laplace des monologues est presque toujours stratégique.

Ainsi les actes II et III commencent-ils par un monologueimportant qui semble donner le tempo de l'enchaînement.

Mieux, par ces scènes d'introduction et de conclusion,Beaumarchais souligne l'enchevêtrement et la continuité des différentes phrases « musicales » qui se répondent à laperfection.

Si l'acte I apparaît ainsi comme l'acte de Rosine (monologues de la scène 1 et de la scène 16), l'acte IIse présente comme son versant dialogué, voire son contrepoint, en étant l'acte de Bartholo (monologues de lascène 1 et de la scène 14).

Et si l'on veut bien lire alors dans l'acte I celui des deux complices Almaviva (monologuede la scène 1) et Figaro (monologue de la scène 2), on peut voir à quel point chacun paraît avoir à cœur de jouersa partie dans cette composition allegro vivace dont tous les fils se rejoignent au dernier acte. Le rythme des péripéties contribue pour l'essentiel à cet allant caractéristique du Barbier de Séville.

Leur multiplicitécharge l'intrigue d'une façon qui la rend étrangère à la sobriété classique ; mais en même temps, loin de l'alourdir,. »

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