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Le Barbier de Séville de Beaumarchais : Fiche de lecture

Publié le 16/11/2018

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Le Barbier de Séville
 
« Un vieillard prétend épouser demain sa pupille; un jeune amant plus adroit le prévient et ce jour même en fait sa femme, à la barbe et dans la maison du tuteur » (Lettre modérée). La banalité de l’intrigue du Barbier de Séville, ainsi affirmée par l’auteur lui-même, rend vaine toute recherche des sources. Sinon pour souligner, à côté de la généalogie « française » de la pièce, depuis l'École des femmes de Molière jusqu’à la Précaution inutile de Fatouville (1717) et au Tuteur dupé de Cailhava (1765), la place de l’influence espagnole : celle de l’entremés (intermède comique), plus visible encore depuis la découverte en 1974 du Sacristain, ce premier ancêtre du Barbier. L’important est l'écart que Beaumarchais instaure entre ses personnages et la tradition dont ils semblent se réclamer, de façon que le spectateur ne puisse déterminer où se trouve leur vérité : dans leur conformité à une convention théâtrale ou dans la distance prise par rapport à celle-ci. Où est le « vrai » Almaviva? Est-ce du côté de la réalité sociologique, de l’aristocrate solennel qui apparaît au dénouement, ou du côté de la fiction, du déguisement, du joyeux « Lindor » des premiers actes? Bartholo, sot comme un « Baloardo » de commedia dell'arte, ne reconnaît pas sous son déguisement d’écolier un Almaviva qui s’est déjà introduit chez lui costumé en officier : nous sommes au théâtre. Mais il remarque fort bien le doigt de Rosine taché d'encre, qui lui révèle une correspondance réglée entre celle-ci et le galant : effet de réel. Figaro est barbier par nécessité dramaturgique, pour barbouiller au bon moment la figure de Bartholo; c’est là aussi un vrai métier, quasiment inconnu au théâtre (même sur la scène espagnole, le barbero est un personnage peu courant), qui lui donne son indépendance par rapport à son « maître » Almaviva, lui confère un poids d’être par rapport aux autres, simples marionnettes d’une comédie d'intrigue. Mais au troisième degré ce métier n’est que le sens propre d’une métaphore : Figaro est barbier parce qu’il «fait la barbe », se moque de tout le monde. Détermination psychologique qui le constitue à nouveau en personnage de théâtre. Enfin le sous-titre de la pièce, la Précaution inutile, qui appartient à une demi-douzaine d’ouvrages contemporains, rejette la comédie vers la fiction. Mais c’est aussi le titre d’une chanson de Rosine, qui sert de signe de reconnaissance entre les deux amants : dès lors, cette « précaution inutile » comme métatexte circulant à l’intérieur du Barbier de Séville, transforme la comédie en aventure réelle.
 
Synopsis. — Las des « plaisirs faciles », le comte Almaviva a rencontré l’amour dans une escapade à Séville sur les traces de Rosine, une beauté naguère entrevue à Madrid. Il y retrouve F garo, son ancien valet, devenu barbier, et le gagne à son projet d’enlever et d'épouser la jeune fille également convoitée par son tuteur, le vieux Bartholo. Coup de foudre ou désir d'échapper au barbon, Rosine répond aux avances du comte, déguisé en « bachelier » sous le nom de Lindor, et lui fait passer un billet (acte I). Bartholo, aidé par le musicien don Bazile, qui vante les mérites de la calomnie, déjoue les manœuvres du comte, déguisé en soldat (acte II).



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« BEAUMARCHAIS : Le Barbier de Séville (Fiche de lecture) I.

L'auteur et l'oeuvre 1.

Éléments biographiques« Horloger, musicien, chansonnier, dramaturge, auteur comique, homme de plaisir, homme de coeur, hommed'affaires, financier, manufacturier, éditeur, armateur, fournisseur, agent secret, négociateur, publiciste, tribun paroccasion, homme de paix par goût, et cependant plaideur éternel.

»C'est en ces termes que Louis Jouvet définit Beaumarchais, dans un article de 1936 resté célèbre (« Beaumarchaisvu par un comédien », Revue universelle).

Cette extrême variété des occupations trahit, chez notre dramaturge,l'homme pratique qui sait parfaitement mener sa barque et qui montre, à tout moment, qu'il a les pieds sur terre.

Iln'a rien du créateur solitaire, rêvant dans sa tour d'ivoire.

Pour lui, contrairement à ce que dit Figaro, « L'amour deslettres [n'] est [pas] incompatible avec l'esprit des affaires » (I, 2).

C'est ainsi qu'on le voit tout à la fois fairemontre d'une combativité étonnante dans ses procès divers, et enseigner la harpe aux filles de Louis XV, ou encores'adonner à l'écriture théâtrale, mais, dans le même temps, créer la Société des Auteurs dramatiques.Cette variété étourdissante se reflète dans ses activités d'homme de plume.

Beaumarchais n'est pas seulementl'auteur de deux comédies d'une « folle gaieté », Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro.

Il a commencé parécrire des Parades — sortes de saynètes au ton très libre, dont l'obscénité- étonne —, ,pour amuser la petitesociété des familiers de Lenormant d'Etioles qu'il fréquentait.

Aux antipodes de ces divertissements légers et sansprétention se trouvent les drames bourgeois, auxquels notre auteur, en fidèle disciple de l'esthétique de Diderot,attachait le plus grand prix : Eugénie (1767), Les Deux Amis (1770), La Mère coupable (1792).

Ajoutons à cela unopéra philosophique, Tarare (1788), et enfin un traité théorique : Essai sur le genre dramatique sérieux, publié enmême temps que son premier drame.

Enfin, et dans un tout autre genre encore, Beaumarchais n'a pas cessé depolémiquer — « plaideur éternel », dit Jouvet — au moyen de ces fameux Mémoires, qui avaient pour effet deridiculiser ses adversaires et de retourner parfois l'opinion en mettant les rieurs de son côté.

Tout ceci trahit uneformidable plasticité d'écriture. 2.

Tradition et nouveauté,Les contemporains ont très diversement réagi, lors des premières représentations du Barbier de Séville.

Les uns n'yont vu que l'exploitation d'une tradition déjà ancienne (« satirique à la vieille mode », écrit Bainville), d'autres y ontdécelé des éléments nouveaux, en l'occurrence une portée satirique menaçant l'ordre établi (« Figaro a tué lanoblesse », dira Danton).

Cette division du public se manifeste bien souvent à la première d'une pièce nouvelle :quand Edmond Rostand a fait représenter Cyrano de Bergerac, les spectateurs ont réagi de la même manière.

Enfait, comme l'a bien vu un critique contemporain, « les pièces sont vieilles, mais la partie est toute neuve », ce quirevient à dire qu'il s'agit là d'un vieux débat, dont les termes sont mal posés ; la pièce nouvelle n'est pas celle quin'emprunte pas à la tradition, car il est impossible pour un créateur de faire autrement que de s'inspirer de sesprédécesseurs et de ses contemporains, quand bien même il désirerait concevoir une esthétique différente, voireopposée à la leur.

L'oeuvre originale est celle qui, tout en se nourrissant d'un héritage, offre au public uneorganisation, une utilisation nouvelle d'éléments connus, une nouvelle « lecture » de choses familières, en somme.Les thèmes de la satire, dans Le Barbier de Séville, ne sont pas originaux : il y a des siècles que les écrivains raillentles médecins, l'autorité abusive et l'injustice sociale.

Il est, certes, plus nouveau au XVIIIe siècle de s'en prendre àla censure, mais les dramaturges contemporains ont précédé Beaumarchais sur ce terrain, et avec une virulencebien supérieure à la sienne, comme l'a montré la thèse de Félix Gaiffe sur Le Drame en France au XVIIIe siècle (Paris,Armand Colin, 1910, rééd.

1980).

Il en va de même pour l'intrigue : l'histoire du barbon trompé se perd dans la nuitdes temps.

D'ailleurs, en choisissant comme sous-titre La Précaution inutile, Beaumarchais se réclame explicitement,puisque ce titre est commun à plusieurs comédies du temps, d'une certaine tradition de la comédie d'intrigue.Pourtant, malgré le poids de cet héritage, Beaumarchais se montre original ; d'une part, il atteint la perfection dansl'agencement des situations ; on est confondu devant la magie avec laquelle il complique une action pour le plaisirde la dénouer avec brio, comme le remarque un grand professionnel du théâtre, Louis Jouvet.

D'autre part, il inventele plaisir du jeu verbal, en exploitant le dialogue pour lui-même, pour ses effets parfois gratuits mais immédiats, en ledélestant de sa fonction traditionnelle de peinture psychologique.

Notre dramaturge, quoi qu'il en dise, n'en a quefaire ; il vise le pétillement, la jouissance immédiate, il veut que le public s'abandonne au tourbillon d'une parole sivive et si gaie, qui n'a d'autre fin qu'elle-même. 3.

Place de l'oeuvre dans le théâtre de son époqueDans cette perspective, le mérite d'une telle oeuvre comique n'est pas simplement d'avoir ouvert la voie auvaudeville de la fin du XIXe siècle, mais, bien plus, d'avoir donné au langage une place privilégiée, d'avoir reconnu enlui non pas seulement un moyen de peindre un caractère, mais un élément absolu du plaisir théâtral.

En cela, sadémarche témoigne une grande modernité.D'autre part, Beaumarchais a contribué à modifier les règles les plus fondamentales de la dramaturgie en jouant surl'attitude des personnages et, plus précisément, en leur donnant parfois conscience qu'ils sont en train de jouer lacomédie, comme s'ils le faisaient au deuxième degré, avec un clind'oeil au spectateur complice.

Regardons, par exemple, ce que dit le comte déguisé à Bartholo. [...] prenez garde que toutes ces histoires de maîtres supposés sont de vieilles finesses, des moyens de comédie. »

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