Brantôme: Les Dames galantes
Publié le 21/02/2013
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C'est à la suite d'une chute de cheval qui le contraint au lit pendant quatre ans, que Brantôme, réfugié sur ses terres de Bourdeille, en Périgord, entreprit de substituer aux exploits amoureux de la réalité les plaisirs de !'écriture et du souvenir. Les Dames galantes, loin d'être, comme les textes érotiques d'un Sade, le récit continu de perversités présentes, semble avoir été des compensations d'âme plus que de corps. Brantôme appartient à une génération de gentilshommes périgourdins très brillante, qui a fourni à la France plusieurs de ses grands auteurs de la Renaissance, comme Montaigne, qui fut échevin à Périgueux, ou La Boétie, descendant d'une grande famille de Sarlat.
«
Le mari jalou x
J'ay cogneu un mary lequel , venant de de
hors et ayant esté longtemps qu'il n'avait
couché avec sa femme vint résolu et bien
joyeux pour le faire avec elle et s'y donner
bon plaisir ; mais, arrivant de nuict,
îl en
tendit,
par le petit espion , qu 'elle estait
accompagnée de
son amy dans le lict;
luy aussitost
mit la
main à l'espée,
et,
frappant à
la porte,
et estant ouverte ,
vint résolu
pour la
tuer ; mais premiè
rement cherchant le
gallant qui avait
sauté
par la fe
nestre , vint à elle
pour la tuer ; mais ,
par cas, elle s 'estait
cette fois si bien at
tifée,
si bien parée
pour sa coiffure de
nuict, et de sa belle
chemise blanche, et
si bien ornée (pen
sez
qu'elle s 'estait
ainsi dorlottée pour
mieux plaire à son
amy) qu'il ne l'avait
Le cardinal de Lorraine jamais trouvée ainsi bien accomodée pour
luy ni à son gré, qu'elle, se jettant
en che
mise à terre et à ses genoux, lui demandant
pardon
par si belles et douces paroles
qu'elle dit, comme de vrai elle sçavait tres
bien bien dire, que, la faisant relever et
la
trouvant si belle et de bonne grâce, le cœur
lui fléchit ; et, laissant tomber son espée,
luy, qui n 'avait rien il y avait si longtemps,
et qui
en estait si affamé ( ...
) il luy pardonna ,
et la prit et l'embrassa, et
la remit au lict,
et, se déshabillant soudain, se coucha avec
elle, referma
la porte.
Des cocus et des moyens
de les
tromper
Ainsi, par le mot cocu, porté par les oyseaux
d'avril , qui sont ainsi appeliez
pour aller
pondre au nid des austres, les hommes s 'ap
pellent cocus
par antinomie quand les
autres viennent pondre dans leur nid, qui est
dans le cas de leurs femmes, qui est autant
à dire leur jetter semance et leur faire des
enfants.
Voilà comme plusieurs femmes ne
pensent faire faute à leurs marys
pour
mettre dedans et s'esbaudir leur saoul, mais
qu'elle ne reçoivent point de leur semence ;
ainsi sont elles consciencieuses de bonne
façon: comme d'une grande dontj'ay ouy
parler, qui disait à son serviteur:
« Esbattez
vous tant que vous voudre
z, et donnez moi
du plaisir ; mais sur vostre vie, donnez-vous
garde de ne m 'arrouser rien là-dedans, non
d'une seule goutte, autrement il vous y
va de
la vie.
»Si bien qu'il fallait bien quel ' autre
Just sage, et
qu'il irr
espiast le temps du 1
mascaret quand il
devait venir.
La gente vieille
Horace fait mention
d'une vieille, laquelle
s'agitait et se mou
vait, quand elle ve
nait
là, de telle façon
et si rudement et
inquietement qu'elle
faisait trembler non
seulement le lict,
mais toute
la maison.
Voilà une gente
vieille
! Les Latins
appellent s'agiter
ainsi et s 'esmouvoir,
subare a sue,
qu'est
à dire une porque ou
truye .
L '11udacie ux et le timid e
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Les Dames galantes offrent peu de
portraits .
Le portrait est une entreprise
difficile qu'elles laissent aux Précieuses
d'un
siècle qui va venir.
Les dames de Brantôme
plaisent par l'innocence de leurs jeux,
raides , mais jamai s pervers .
Nous sommes
à
la fin des cours d'amour; les troubadours
ont revêtu l'armure de la Ligue, mais sont
restés des
" serviteurs " de leurs belles ; leur
pennon continue
à porter la devise.
" En France,
il fait bon faire
l'amour ." Cet
amour, on ne le fait, bien entendu,
qu'aux
dames de qualité ; non que les autres n'en
vaillent pas la peine, mais la tradition de
l'amour courtois veut qu'il n'y ait sur terre
que des princesses.
» Les Dames galantes,
préface de Paul Morand, Gallimard, 1967.
Anne
de Vivonne .
Envoyé au collège à
Paris, puis à l'Université à Poitiers, où il
apprend
le
latin, l'italien et l'espagnol,
Pierre de Bourdeille devient en 1557 abbé
de Brantôme.
Mais il ne
s'y installe pas de
suite et part en Italie
jusqu'en 1562 avec
François de Guise .
Il participe ensuite
activement aux combats contre les
protestants et demeure
à la Cour jusqu'en
1582.
A partir de 1589, il ne quitte plus ses
terres, où il meurt en 1614.
On ignore la date de naissance exacte de
Brantôme.
L'aristocrate périgourdin, abbé,
écrivain, naquit probablement vers
1540 de
l'union de François de Bourdeille avec
1 B.N.
/coll .
Viollet 2, 3, 4 , 5 gravures de B oilv in d'apr~ s de s dessins de Bea umont / clichés B.N .
BRANTÔME02.
»
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