Capitaine Fracasse (le) de Théophile Gautier

Capitaine Fracasse (le), roman de cape et d'épée de Théophile Gautier, projeté dès 1836, publié, avec un grand succès, dans la Revue nationale et étrangère de 1861 à 1863, et paru en volume fin 1863. L'action, située sous Louis XIII, est constituée par les aventures d'une troupe de comédiens ambulants à laquelle se joint, par amour de l'actrice Isabelle, le dernier héritier d'une noble famille désargentée, Sigognac, qui jusque-là s'étiolait dans son manoir délabré. Fortune, revers, intrigues amoureuses, attaques de brigands, duels, enlèvement, chasse au trésor et reconnaissance faisant d'une histrionne une princesse : telle est la matière du livre. « Puisque le théâtre est l'image de la vie, la vie lui doit ressembler comme un original à son portrait. » Chaque personnage continue à jouer son rôle hors de scène : Sigognac, Fracasso de commedia dell'arte pour les besoins de sa cause amoureuse, capitan ridicule et poltron sur les tréteaux, ferraille encore — mais bravement — lorsque les événements « réels » l'exigent ; Isabelle reste l'ingénue, Léandre l'amoureux, le Pédant un cuistre. Même les étrangers au chariot comique sont archétypiques : Vallom-breuse est l'incarnation du beau ténébreux, impitoyable et inhumain, le Prince, un père noble et docte à souhait.

L'auteur, « habillant sa fantaisie » selon les principes esthétiques définis dans la préface de Mademoiselle de Maupin, distancie constamment son œuvre par l'ironie et les réflexions sur le théâtre. Le recul historique apparaît donc comme un prétexte au rêve, ou, si l'on préfère, une fuite. D'où le mépris d'une certaine critique qui voit là une attitude romantique réactionnaire, un refus de réfléchir sur des circonstances historiques et sociales. Quoi qu'il en soit, il reste une forme de préciosité du style, un miroitement d'images filées émouvantes ou drôles, des pastiches de la langue du Grand Siècle. Les quelques réminiscences encombrantes (Scarron, Goethe, Scott, Saint-Amant, Hugo, Rabelais) n'altèrent pas le plaisir de la lecture — qui est aussi celui du regard face à la production d'un artiste fidèle à sa première vocation et traduisant par l'écriture des sensations de peintre.