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Chanson de Guillaume (la)

Publié le 19/02/2019

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Chanson de Guillaume (la), chanson de geste conservée dans un unique manuscrit dont l'existence a été révélée en 1903. Le texte, fort altéré, remonte à la première moitié du XIIe s. : il est très important pour l'histoire de l'épopée et pour la genèse du cycle de Guillaume d'Orange, dont il reflète un état antérieur à la constitution de la geste. La chanson a été composée au moment où fusionnèrent les deux noyaux de la légende, avec Guillaume au nez courbe et Guillaume d'Orange. Elle comporte deux parties : la première met en valeur le chevalier Vivien, la seconde, qui traite d'une matière ressemblant à Aliscans, évoque surtout Rainouart. Les exploits de ce géant sympathique introduisent des thè-

 

mes folkloriques et des procédés de grossissement comique. Le rôle de Gui-bourc, l'épouse de Guillaume qui le conseille et le console, est aussi un élément original. Mais l'influence de la Chanson de Roland est sensible dans le traitement des rapports de Guillaume avec Vivien.

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)LA CHANSON DE GUILLAUME Cette chanson raconte, en 1893 vers de dix syllabes assonancés, répartis en I 80 laisses, la bataille livrée auxSarrasins par le comte Guillaume de Toulouse.

Vivien, neveu de Guillaume, y accomplit des prodiges de valeur avantd'être tué en pleine lutte : il avait fait le vœu de ne jamais reculer devant un ennemi. Grande était la chaleur, comme en mai, â la belle saison ; et longs les jours, et il avait jeûné trois jours ! Grande estsa faim, pénible à supporter ; mauvaise sa soif, il ne pouvait l'endurer.

De sa bouche s'échappe son sang clair, etaussi de la plaie qu'il a au côté gauche.

Les eaux sont loin, il ne sait où les trouver ; à quinze lieues il n'y a fontaineni gué ; rien que l'eau salée des flots de la mer...

Pourtant, au milieu de la plaine, court un fossé d'eau boueuse,jaillie d'une roche au bord de la mer : les Sarrasins l'ont troublée avec leurs chevaux, elle est souillée de sang et decervelle.

Le preux Vivien y court, se penche sur l'eau saumâtre de ce fossé, et la boit à contrecœur.Les ennemis le frappent de leurs lances, lui donnent de grands coups : mais sa cotte est solide, ils ne peuventl'entamer, elle lui protège le buste ; seulement, sur ses jambes et ses bras, ils ont blessé le comte en plus de vingtendroits.

Il se redresse alors, comme un sanglier farouche et tire l'épée qu'il porte au côté gauche.

Vivien se défenden vrai baron : ils le harcèlent comme les chiens un sanglier.

L'eau saumâtre qu'il a bue dans le fossé s'échappe, ilne peut la garder dans son corps, elle lui jaillit de la bouche et du nez.

Son angoisse est grande, ses yeux se sonttroublés, il ne sait où il va, ne peut se diriger. Les ennemis l'assaillent de toutes parts, lui jettent traits et flèches d'acier tranchant.

Ils en plantent tant dans sonécu écartelé que le comte ne peut le maintenir à hauteur de sa tête et qu'il le laisse tomber à ses pieds.

Ils lancentdes traits, des dards aigus, des carreaux, ils déchirent le haubert du comte : l'acier brutal tranche le fer léger, et sapoitrine est toute couverte de maillons.

Ses entrailles pendent jusqu'à terre, et comme il sent qu'il n'en a plus pourlongtemps, il prie Dieu d'avoir pitié de lui. Vivien marche à travers la plaine, traînant ses entrailles entre ses pieds, les retenant de sa main gauche.

De la maindroite, il tient sa lame d'acier, rouge de la garde jusqu'au bas, le fourreau plein de chair et de sang.

Appuyé sur elle,il marche vers la mort, qui l'étreint déjà.

Il prie avec ferveur Jésus tout-puissant : « Vrai Dieu de gloire, qui sièges en Trinité, qui renaquis en la Vierge et fus créé en trois personnes, mis en la saintecroix pour les pécheurs, défends-moi, Père, par ta sainte bonté I Que jamais il ne puisse me venir en tête de reculerd'un pas sur le champ de bataille I Fais que je garde mon serment jusqu'à la mort.

Envoie-moi, Seigneur, Guillaumeau nez crochu : c'est un homme remarquable sur un champ de bataille, il sait diriger un combat.

» Un Berbère vint par le vallon, emporté au galop de son cheval rapide, tenant à la main droite un dard acéré.

Il enfrappe à la tête le noble baron, et sa cervelle se répand jusqu'à terre.

Vivien s'abat sur les genoux : c'est granddommage que la mort d'un tel preux ! [Guillaume, désespéré par la mort de Vivien et la défaite, est réconforté par sa femme Guibourc, et la scène est d'unhumour naïf et charmant :] Guibourc elle-même verse de l'eau à son seigneur, puis lui présente la serviette.

Ensuite elle le fait asseoir à unetable basse, car il a trop de douleur pour se mettre à la plus haute.

Elle lui apporte une épaule de sanglier : le barons'en saisit et la mangea rapidement, car elle était très tendre.

Elle lui apporte un grand pain de fine farine, avecdeux grands gâteaux bien cuits, un morceau de porc et un grand paon rôti.

Puis elle lui apporte une grande coupede vin, qu'elle peut à peine tenir de ses deux mains.

Guillaume mange le grand pain de fine farine, ensuite les deuxgâteaux bien cuits ; il mange tout le morceau de porc et le grand paon rôti, et en deux traits boit un setier de vin,sans en rien offrir à Guibourc, sans relever la tête ni le visage. Guibourc en le voyant faire secoue la tête et rit, bien qu'elle pleure de tous ses yeux.

S'adressant à Guillaume, ellelui dit en français : « Par ce Dieu de gloire qui me fit me convertir, à qui je rendrai mon âme pécheresse quandviendra le temps du grand jugement, celui qui mange un grand pain de fine farine sans pour cela laisser les deuxgâteaux bien cuits, puis mange tout entier un grand morceau de porc et aussitôt après un grand paon rôti, et endeux traits boit un setier de vin, celui-là doit faire une dure guerre à son voisin I Jamais il ne fuira honteusement duchamp de bataille, jamais à cause de lui son lignage ne sera déshonoré ! » [Aussi la mort de Vivien est-elle bientôt vengée par Guillaume et le jeune Gui, frère de Vivien.]. »

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