Colomba
Publié le 30/03/2013
Extrait du document
Cette nouvelle fut écrite par Mérimée à son retour de Corse ( 1839) et publiée dans la Revue des Deux Mondes de juillet 1840. Elle y rencontra un vif succès. L'île de Beauté, au xix:e siècle, peu fréquentée par les touristes, paraissait très lointaine et primitive. Les observations concrètes de Mérimée révélaient un visage de la Corse inattendu et séduisant...
«
La maison de Pietri, le mort, la veuve et Colomba
----- EXTRAITS
Miss Nevil interroge Orso sur son pays
La Corse, qu'il avait quittée fort jeune ,
d'abord pour aller au collège, puis
à l 'École
militaire, était restée dans son esprit parée
de couleurs poétiques.
Il s'animait en par
lant de ses montagnes, de ses forêts, des
coutumes originales de ses habitants.
Comme on peut le penser, le mot de ven
geance se présenta plus d'une fois dans ses
récits,
car il est impossible de parler des
Corses sans attaquer ou justifier leur
passion proverbiale.
Orso surprit un peu
miss Nevil en condam
nant d'une manière
générale les haines
interminables de ses
compatriotes.
Chez les
paysans, toutefois,
il
cherchait à les excuser,
et prétendait que la
vendetta est le duel des
pauvres.
« Cela est si
vrai, disait-il, qu'on ne
s'assassine qu'après
un
défi en règle.
« Garde
toi,
je me garde », telles
sont les paroles sacra
mentelles qu'échangent
deux ennemis avant de
se tendre des embus
cades l'un
à l'autre.
Sous son voile noir, Colomba intrigue
Lydia Nevil
L'heure de dormir étant arrivée, les deux .
jeunes filles se retirèrent dans leur chambre.
Là, tandis que miss Lydia détachait collier,
boucles, bracelets, elle observa sa com
pagne qui retirait de sa robe quelque chose
de long comme un busc, mais de forme bien
différente pourtant.
Colomba mit cela avec
soin
et presque furtivement sous son mezzaro
déposé sur une
table ; puis elle
s'agenouilla
et fit dévotement sa prière .
Deux minutes après, elle était dans son lit.
Très curieuse de son naturel et lente comme
une Anglaise .
à se déshabiller, miss Lydia
s'approcha de la table,
et, feignant de cher
cher une épingle, souleva le mezzaro et
aperçut un stylet assez long, curieuse~ent
monté en nacre et argent ; le travail en était
remarquable, et c'était une arme ancienne
et de grand prix pour un amateur.
« Est-ce l'usage ici, dit miss Nevil en
souriant, que les demoiselles portent ce petit
instrument dans leur corset ?
»
Pietranera attendait
le retour d'Orso
Le bourg de Pietranera
est très irrégulièrement
bâti, comme tous les
villages de
la Corse ; car,
pour voir une rue, il faut
aller
à Cargese , bâti par
M.
de Marbeuf.
Les mai
sons dispersées au ha
sard
et sans le moindre
alignement occupent le
sommet d'un petit pla
teau, ou
plutôt d'un
palier de la montagne.
Vers le milieu du bourg
s'élève un grand chêne
vert,
et auprès on voit
une auge en granit,
où
un tuyau en bois apporte
l'eau d'une source voisine.
Ce monument
d'utilité publique fut construit à frais
communs
par les della Rebbia et les
Barricini; mais on se tromperait fort si l'on
y cherchait un indice de l'ancienne
concorde des deux familles.
Au contraire,
c'est une œuvre de leur jalousie.
« On rapportait à lavocat Barricini les cadavres de ses
enfants ••• ,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Que faut-il penser du livre? Une figure le
domine, Colomba, ange noir de la vendetta,
que Sainte-Beuve, Saint-Marc Girardin, et
bien d'autres par la suite, ont rapproché
d'Électre.
( ...
) [Colomba] domine l'action,
la commande, la paraphrase.
Les bandits,
les partisans, le vieux Barricini, le préfet
« A propos de Colomba, si récente ou plutôt
si présente, et que tout le monde a
lue.( ...
)
Très peu de gens sont allés en Corse ; les
mœurs de ce pays diffèrent des nôtres
autant
qu'il se peut; elles sont souvent
atroces, sanglantes, et le monde n'aime
guère en soi l'atroce et le sanglant.( ...
)
« Le genre auquel est attachée la
gloire de Mérimée, la nouvelle, passe,
à l'ombre des romans, pour un genre
mineur.( ...
) Pourtant Colomba est
et enfin Orso, en qui se joue le drame du
civilisé opposé
à l'homme primitif,
apparaissent étonnamment vivants.
»
P.-E.
Cadilhac, Demeures inspirées et
sites romanesques,
Snep-Illustration, 1955.
Ici,
on ne
s'y est pas mépris, on a senti au
début que c'était vrai, que c'était amusant,
que ces singularités énergiques jouaient
dans leur cadre,
qu'un guide aisé et sûr, et
pas dupe le moins du monde, tenait la
main.» Sainte-Beuve,« Colomba »,la
Revue des Deux Mondes, 1841.
1 pastel de S.
Rochard , musée Renan-Scheffer I Roger-V iollet 20 3.
4, 5 grav.
de Ch .
Pi car d Le Doux .
éd.
L'ima ge Litt éraire , Nice, 1946 / B.N .
une histoire qui demeure l'image vivante
d'un peuple et d'un pays, cette Corse
à peine alors rattachée à la France et
toute sanglante encore de ses luttes ...
»
Louis Aragon, La Lumière de Stendhal,
Denoël, 1954.
MÉRIMÉE03.
»
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