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COMPTE RENDU DE LECTURE: LILTI - Les Salons Du XVIIIe Siècle

Publié le 17/08/2012

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Outre l’aspect du divertissement qui règle la sociabilité des salons, la politique est un fait majeur de la sociabilité mondaine. L’information politique est une information sérieuse mais est soumise comme les autres sujets de conversation au principe ludique. Ainsi, des chansons circulent sur les dernières affaires politiques au cœur du royaume. Néanmoins, qu’il s’agisse de nouvelles de la famille royale –comme la maladie du dauphin-, de nouvelles militaires, ou politiques, le centre de ces informations n’est autre que la Cour. Bien souvent toutefois, au-delà du caractère scandaleux de certaines nouvelles, il en va de la position personnelle occupée par les salonnières qui voient leur avenir tributaire des décisions politiques prises à Versailles. Avec par exemple, le salon de Mme du Deffand, symbole d’un lien existant entre certaines sociétés et les coteries politiques. L’amitié la liant à la duchesse de Choiseul se transpose peu à peu sur la scène politique. « Aussi se brouille-t-elle, en mars 1770, avec son amie la comtesse de Forcalquier qui défend ses adversaires au sein du gouvernement. La dispute a lieu à table, chez Hénault, et le récit qu’elle en fait à Walpole monter comment les politesses de la société cèdent progressivement à l’affrontement politique, au cœur même des pratiques de sociabilité. « (360). Finalement, au travers de cette anecdote mondaine, on a ici le témoignage selon lequel les attachements politiques peuvent entrer en contradiction totale avec la géographie mondaine.

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« libre, s'affranchissant de certaines règles de la bienséance.

Ce qui donne toute sa force au théâtre de société, est bel et bien l'ambigüité somme toute relative qu'ilsuppose.

En effet, c'est ce qui donne tout son succès à cette pratique de sociabilité mondaine : cette façon de rendre la frontière entre personne et personnage plusfloue.A côté du théâtre, la musique connaît elle aussi un fort enthousiasme au XVIIIe siècle.

Elle devient alors un élément important de l'éducation des élites urbaines.

Denombreux concerts sont donnés par la Haute Noblesse, se sont du moins, les plus connus.

Au-delà de ces concerts ouverts au public, on peut également insister surceux plus privés, donnés à titre d'amateurs de musique de la bonne société.

« Les concerts de société sont clairement distincts des concerts publics, mais l'ensembleforme un système cohérent et complémentaire, où les mécanismes mondains de la protection et de la réputation offrent aux compositeurs comme aux musiciens uneressource appréciable.

» (259).

Lilti souligne un point important néanmoins, puisqu'il porte à notre connaissance, l'impact économique de ce développement culturelpour la musique.

En effet, pour répondre à la demande de la bonne société, on assiste à un véritable marché de la partition dans la seconde moitié du siècle.

Ce quimarque une nouvelle fois, l'importance de cette pratique de la sociabilité : les salons.Ainsi, « la musique et le théâtre appartenaient à un même espace de pratiques, celui des divertissements mondains, des spectacles que la bonne société se donnait àelle-même et par laquelle elle s'assurait de son excellence.

Les compétences artistiques y étaient saisies par la mondanité, et obéissaient à des conditions spécifiquesde performance, régies par un double principe de divertissement et de distinction.

» (253).

Lilti appuie également ce désir de divertissement par le fait que lesrépétitions, puis les représentations, rythmaient considérablement la vie mondaine.

Ce qui rapproche également ces deux pratiques est la souplesse avec laquelle ellessont en mesure de s'adapter aux conditions matérielles de la sociabilité.

Il n'est en effet, pas obligatoire de disposer d'un authentique théâtre pour jouer des spectaclesde société à l'intention des habitués du salon, parfois une chambre suffisait, rendant ainsi les représentations beaucoup plus intimes.

Cependant, certains richesaristocrates n'hésitaient pas à investir dans des constructions imposantes, témoignage de leur puissance financière, mais également sociale.De plus, ces pratiques de sociabilité, étaient le moyen de rencontrer des artistes professionnels.

Cela fonctionnait de différentes façons : soit il s'agissait d'artistesaccomplis et dans ce cas-là, ils participaient essentiellement aux spectacles donnés par la Haute Noblesse ; soit il s'agissait d'artistes à la retraite qui finissaient leurvie artistique dans des salons, parfois à donner des cours aux salonnières, ainsi qu'aux invités présents ; soit enfin, il s'agissait de jeunes artistes au début de leurcarrière, cherchant mécénat et protectorat au sein de la bonne société.

Cette sociabilité pouvait donc servir de tremplin pour un certain nombre d'artistes, toutefois,Lilti souligne que cette sociabilité était à double tranchant, et prend en exemple le cas de Mozart, qui à son premier passage à Paris, était acclamé comme un enfantprodige, mais à son retour était à peine écouté.

Il est évident pourtant que le talent développe une importante sociabilité et peut servir une carrière, c'est le cas deBombelles qui réussit à se mettre en valeur, tout en faisant valoir la duchesse de Polignac, ce qui est parfaitement conforme à l'idéal mondain, où l'on se distingue enfaisant mine de se mettre au service des autres.Outre la musique et le théâtre, la science investit les salons à partir du XVIIe siècle.

La figure féminine joue un rôle important dans cette diffusion de la curiositéscientifique au travers de la sociabilité mondaine.

La science expérimentale quant à elle, devient le paradigme du spectaculaire et de la civilité et l'engouementgénéral encourage le développement d'une science mondaine.

Toutefois, il est difficile de savoir s'il existe véritablement des démonstrations scientifiques directementdans les salons, puisque en général, les expérimentations scientifiques sont plutôt synonymes d'enfermement et non de partage.

Lilti démontre ainsi la difficultéprincipale de mettre en relation les « discussions scientifiques » au travers des correspondances, dans un authentique espace de la sociabilité mondaine.

Il est en effetdifficile de prouver que les expériences scientifiques sont effectivement intégrées aux pratiques de sociabilité.

Cependant, l'auteur souligne le possible décrochageentre une pratique expérimentale et ce qu'il appelle « la culture de la curiosité ».

Finalement, les nouveaux idéaux de la preuve scientifique ne passent plus par ladimension spectaculaire et l'importance du témoignage aristocratique, mais bel et bien par la répétition et l'exactitude.

« Les deux éléments qui avaient cimentél'alliance entre pratique expérimentale et sociabilité mondaine (la théâtralité de l'expérience et la civilité comme force probante du témoignage) ont progressivementperdu de leur légitimité.

» (263).

Néanmoins, une nouvelle pratique se répand aux salons au moment du déclin des expériences scientifiques : l'hypnose et lemagnétisme animal de Mesmer et de Puységur.

Cette pratique est à la fois source de curiosité au même titre que la science mondaine, mais également source deconflit entre les partisans et les opposants de cette démonstration dite scientifique.

« Le magnétisme animal perpétue l'alliance entre l'expérience scientifique et lasociabilité mondaine à travers la culture de la curiosité, au moment même où tout l'effort des savants est de rompre ce lien.

» (270). Dans le chapitre qui suit, Lilti démonte petit à petit, les clichés des « salons littéraires ».

Insistant sur le fait que les salons ne peuvent être qualifiés de salonslittéraires sous prétexte qu'ils seraient une forme de sociabilité au sens où ils se construisaient par des pratiques verbales.

Il serait donc plus à propos de s'intéresserdirectement à la littérature des salons : la poésie de société, la correspondance et la conversation.

Si l'on s'appuie tout d'abord sur la conversation, la difficultéessentielle mise en avant par Lilti réside dans l'oralité même de la pratique.

L'historien, à défaut d'enregistrements, ne peut s'appuyer que sur des sources écrites, quipeuvent se résumer en trois catégories : le code réglementant une activité sociale, les conversations retranscrites dans les romans, et les conversations mondaines autravers de traces et d'indices récoltés dans les correspondances ou les Mémoires.Il ne faut pas perdre de vue la principale raison des salons : le désir de conjurer l'ennui.

La fonction du jeu de mots dans la conversation mondaine est de faire primerla gaieté et le divertissement sur l'esprit de sérieux.

Ainsi, la conversation prend la forme du bon mot, de la plaisanterie habile, qui permet de briller et de se mettre envaleur.

Ils sont le témoignage de la vivacité et de l'esprit de son auteur, mais également des auditeurs qui doivent posséder la même vivacité pour le comprendre.

Cequi fait également sa force, c'est sa façon de circuler et d'être répété de cercle en cercle.

Ils circulent dans l'espace mondain, dans les correspondances, et font le succèsde son auteur, mais aussi celui du maître de maison chez qui ils furent prononcés, donnant ainsi l'image d'un salon où l'on s'amuse et où les invités sont spirituels.« Le mot d'esprit produit donc triplement de la réputation.

En premier lieu, il fait de son auteur un homme à la mode, recherché comme homme d'esprit.

En deuxièmelieu, il assure la réputation du salon où il a été prononcé, de cette maison dont on répète les mots amusants, de cette maîtresse de maison qui sait reconnaître leshommes d'esprit et les attirer chez elle.

Enfin, le mot d'esprit, en circulant, fait l'éloge de la bonne société dans son ensemble, puisqu'il fonctionne sur un régime deconnivence, où chacun assure que le mot qui a eu tant de succès le méritait.

» (277).

Outre les bon mots, l'attrait de la conversation résidait dans la gaieté qu'elleengendrait et la qualité d'acteur qui permettait de tirer parti de contes.

En effet, le conte structurait la conversation mondaine.

« La conversation est un art du paraître,où chacun juge et sait qu'il est jugé, où la réputation se construit dans le regard des autres.

[…] Le naturel mondain est un art qui nécessite un important travail sursoi, de manière à mieux maîtriser les effets que l'on produit sur les autres.

Il n'a rien de spontané.

Il est le résultat de tout un apprentissage du monde, des gestes, desattitudes et des paroles.

» (284).La correspondance est une pratique inhérente de la sociabilité mondaine.

Au-delà des réseaux strictement mondains, c'est également des réseaux plus lâchesprolongeant à distance des liens de sociabilité avec par exemple les étrangers.

Il ne s'agit donc pas uniquement du caractère affectif qu'il convient de maintenir, maiségalement un réseau de recommandations importantes visant à améliorer encore la sociabilité.

Néanmoins, la correspondance du XVIIIe siècle, est bien loin de lacorrespondance telle qu'on l'entend de nos jours, en effet, son caractère privé et personnel n'était pas toujours conservé.

Il existait ainsi différents types decorrespondances au travers de lettre, de missives, de billets ; « elles n'étaient pas limitées à un auteur et un lecteur, mais étaient destinées à être lues et diffusées.

»(289).Enfin, « le salon littéraire » est avant tout un lieu où des écrivains lisent leurs œuvres et éventuellement celles des autres.

Les salons, contrairement aux idées reçues,étaient rarement des lieux de production littéraire collective.

Néanmoins, quelques salons faisaient figure d'exception : le salon de Mlle Quinault où se réunissaientles membres de la « société du Bout-du-banc ».

Suite à un jeu de l'oie, les participants s'engageaient à écrire un conte s'ils perdaient ; toutefois, il ne s'agit pasréellement d'un résultat de la sociabilité mondaine comme le souligne Lilti, puisque l'écriture n'eut rien de collectif.La quatrième partie de l'ouvrage d'Antoine Lilti, porte sur la politique de la mondanité et comment à travers ces lieux de sociabilisation, se diffuse l'opinion.

Laconversation est en effet le point central de la sociabilité mondaine, il existe des salons où on ne mange pas, d'autres où on ne joue pas, mais il n'existe aucun salon oùl'on ne parle pas.

Ainsi, il est évident d'assimiler à la conversation, un rôle de diffusion des opinions.

Elle devient donc, un vecteur important de la constitution del'opinion publique, qui n'est qu'une forme possible de la sociabilisation des opinions et de sa représentation.

La nouvelle est la forme sous laquelle circulel'information dans l'espace mondain ; et les salons, sont la « plaque tournante » de circulation, de brassage, de redistribution des nouvelles.

La principalecaractéristique de ces nouvelles, est bien évidemment son caractère inédit, cela peut aller de la vie de cour, des potins mondains, aux derniers livres parus, ou aux. »

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