Devoir de Philosophie

Cymbalum MUNDI de Bonaventure des Périers (analyse détaillée)

Publié le 21/10/2018

Extrait du document

Cymbalum MUNDI. Recueil de quatre dialogues «poétiques, fort antiques, joyeux et facétieux » de Bonaventure des Périers (1510-1543 ?), publié à Paris sans nom d'auteur chez Jehan Morin en 1537.

Sur intervention extraordinaire de François Ier, qui voyait dans l'ouvrage de « grands abus et hérésies », le Parlement de Paris saisit la Sorbonne : bien qu'en désaccord manifeste avec l'opinion du roi, la faculté recommanda la destruction du Cymbalum mundi. L'imprimeur fut emprisonné et Des Périers, identifié comme l'auteur du livre, n'échappa aux conséquences de l'affaire qu'avec l'appui de Marguerite de Navarre.

 

Comme d'autres textes provocateurs et paradoxaux de la Renaissance -Pantagruel ou l'Éloge de la Folie d'Érasme - le Cymbalum mundi puise largement dans les écrits de Lucien de Samosate : dieux et hommes y sont les protagonistes d'une comédie où l'influence rhétorique le dispute à la sotte crédulité ; à l'instar de son modèle grec, Des Périers raille la quête d'un savoir manifestement inaccessible à l'homme, et réserve ses critiques les plus mordantes à l'irréductible antagonisme des doctrines et des écoles philosophiques : dénonciation de la vanité intellectuelle, le second dialogue du Cymbalum mundi emprunte plus d'un élément aux Sectes de Lucien.

Mercure descend à Athènes pour y faire relier, sur la demande de Jupiter, le Livre des destinées. Dans un cabaret, deux hommes qui feignent de ne pas le reconnaître se joignent à lui. Tandis que Mercure s'éloigne momentanément ils lui volent le livre, qu’ils remplacent par un autre. Les deux hommes cherchent ensuite querelle au dieu, et Mercure quitte le cabaret (dialogue I). Averti parTrigabus de l'activité des philosophes, qui s’acharnent à chercher dans le sable des morceaux de la pierre philosophale, Mercure, déguisé en vieillard, se rend auprès d'eux : il raille leur« crédulité » et leur« égarement » (II).

« sion la plus brûlante : l es "vea ux de philo sophes ,., Rhetulus et Cube rc us , q ui c herch e nt dans le sab le des mor­ ceaux de la pierre philosophale, rappel­ lent irrésistible ment les théologiens incapables de s'entendre sur le sens de l'Évangile; leurs noms mêmes, ana­ gramme s latinisées de Lu the r et de Bucer , renvoie nt à l'éclatemen t de la Réform e en sectes concurrent es.

Chargé de réminiscences érasmiennes, l'épisode peut être lu comme l'expres ­ sio n d 'un éva ngélism e so ucieux d'éta­ blir , par-d elà les gloses, une re latio n d 'humilit é intellectuelle avec l 'Éc ri­ ture .

Le dialogue final des deux chiens d 'Actéon semble d'ailleurs confirmer ce tte interprétation : à son compagno n vaniteux, le secon d chie n , qui " n'ayme point la gloi re de causer "• opp ose un éloge du silence qui rejoin t l es vers de Margue rite de Navar re su r l 'impui ssan ce fo ncière du la n gage.

To us les théo logiens enfl és d 'un verbe arrogant, catholiqu es et réformateurs, seraien t ain si voués à la même ré proba­ tion.

Il reste qu'une petite phrase du seco nd dialogue mine la cohé re nce évangéllque du r ecue il, et orien te l'interprétation en un sens nettemen t libertin : les phllosophes, dit Mercure, ne font " aultre chose que che .r che r ce que à l'avanture il n'est pas possible de trouve r, et qui (peut-estre) n'y est pas».

Serait-ce que l'Évangile lui­ même et les dogmes essentiels du ch.ristianisme n'échappent pas au soupçon d'invalidité? D paraît vrai­ semblable, depuis les in vestigations de Lucien Febvre, que Bonave ntu re des Pé.riers a puisé quelques-unes de ses idées l es plus audacieuses chez Celse, polém is t e antlchrétlen du ne siècle, connu essentiellement par la réfuta­ ti on qu 'en fit Orig ène dans son Antice l­ s um .

Aux yeux de Celse, l'absu rdité de la nai ssance virginale, de l'In carnati on et de la Résurrection ne fait aucun doute: quelques tours de charlatan on t s uffi à Jésus pour acc réd iter les fables les plus grossiè r es.

Des Périe rs a- t-U é té sensible, comme d'a utres libertins de la Renaissance, à ces idées radicales? Il n'est pas exclu en tout cas que le Mer ­ cu re du Cymb a lum mun di, faiseur de miracles et émissaire de son père parmJ l es hommes , soit une transpo sitio n dénigrante de la figure du Christ.

L 'ultime dialogue des chiens prendrait alors u ne autre dimension, l'apologie du silence imp liquant la nécess ité de voile r sous une facétie mytho logique l es provocations religieuses.

Co ndamné à la fois par la Sorbonne et par Calvin dans son Traité d es sca n­ dales, le Cymbalum mund i résiste, en ces t emps de déchirements confessionnels, à toute lnstrum entallsation doctri nal e.

Faut-il parler de déisme, d'évangé­ lisme, de libertinage spirituel ? La réponse importe moins au fond que la qu est io n ou verte par De s Pé.rie rs : s' Il est bien improbable que le langage s'a rticule sur l'êtr e, l'exercice de la parole ne doit-il pas renon cer, enfin, à des présomptions métaphysiques des­ tructrices de toute sociab ilité et de tout bonheur de vivre ?. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles