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CYRANO DE BERGERAC: Les Etats et Empires de la Lune et du Soleil

Publié le 17/11/2010

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cyrano

«Je m'étais attaché tout autour de moi quantité de fioles pleines de rosée, et la chaleur du soleil qui les attirait m'éleva si haut qu'à la fin je me trouvais au-dessus des plus hautes nuées. Mais comme cette attraction me faisait monter avec trop de rapidité et qu'au lieu de m'approcher de la lune comme je prétendais, elle me paraissait plus éloignée qu'à mon partement, je cassai plusieurs de mes fioles jusqu'à ce que je sentis que ma pesanteur surmontait l'attraction et que je descendais vers la terre.« (Les États et Empires de la Lune)

«Premièrement il est du sens commun de croire que le Soleil a pris place au centre de l'Univers, puisque tous les corps qui sont dans la nature ont besoin de ce feu radical, qui habite au coeur du Royaume [...]. Cela donc supposé, je dis que la terre ayant besoin de la lumière, elle tourne autour de lui pour recevoir également en toutes ses parties cette vertu qui la conserve ; car il serait aussi ridicule de croire que ce grand corps lumineux tournât autour d'un point dont il n'a que faire, que de s'imaginer, quand nous voyons une alouette rôtie, qu'on a, pour la cuire, tourné la cheminée alentour.«

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« aux Juifs dans l'ancienne Loi.» (Les États et Empires de la Lune) 2.

UN ROMAN DE LA CONNAISSANCE Rien n'est jamais plus sérieux que la fantaisie.

Nombreux sont les exemples, dans la littérature, d'ouvrages qui, sous couvert de divertir, traitent d'aff4res austères.

L'Autre monde en fait partie et, si Cyrano de Bergerac l'a composé en forme d'«histoires comiques», c'est avant tout par souci de vulgarisation. Formé à l'école de Gassendi, l'écrivain se passionne pour les questions que se pose la science de son temps, notamment dans le domaine de l'astronomie Ainsi les problèmes que doit résoudre lenarrateur pour construire sa machine volante sont ceux auxquels le principe de l'attraction terrestre peut confronter les scientifiques.

Et, sous l'imagination débridée dont fait montre Cyrano, c'est bel et bien un esprit versé dans les sciences qui se révèle à travers les pages de L'Autre Monde, où surgissent telle ou telle invention qui annoncent soit la montgolfière soit le gramophone : «[...] c'est un livre miraculeux qui n'a ni feuillets ni caractères ; enfin c'est un livre où pour apprendre les yeux sont inutiles ; on n'a besoin que des oreilles.

Quand quelqu'un donc souhaite lire, il bande avec une grande quantité detoutes sortes de petits nerfs cette machine, puis il tourne l'aiguille sur le chapitre qu'il désire écouter, et au mêmetemps il en sort comme de la bouche d'un homme, ou d'un instrument de musique, tous les sons distincts etdifférents qui servent, entre les grands lunaires, à l'expression du langage.» En imaginant ce voyage parmi les astres, en mêlant science et fantaisie, Cyrano se fait en quelque sortel'inventeur de la science-fiction, mais guider le lecteur à travers les arcanes de la science n'a pas pour seulefonction de lui procurer du divertissement.

Il y a là matière à de bien plus sérieux discours, dès lors surtout quel'on touche aux positions relatives des astres et des planètes dans l'univers.

Nous sommes en effet à l'époqueoù, après Copernic et Kepler, Galilée conteste et invalide le système de Ptolémée, mais se voit contraintd'abjurer devant l'Inquisition (1633) sa théorie selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil. «Premièrement il est du sens commun de croire que le Soleil a pris place au centre de l'Univers, puisquetous les corps qui sont dans la nature ont besoin de ce feu radical, qui habite au coeur du Royaume [...].Cela donc supposé, je dis que la terre ayant besoin de la lumière, elle tourne autour de lui pour recevoirégalement en toutes ses parties cette vertu qui la conserve ; car il serait aussi ridicule de croire que cegrand corps lumineux tournât autour d'un point dont il n'a que faire, que de s'imaginer, quand nous voyonsune alouette rôtie, qu'on a, pour la cuire, tourné la cheminée alentour.» Les enjeux ici dépassent de loin le microcosme des hommes de science.

Si l'Église s'en est mêlée, c'est que lesdernières découvertes en matière d'astronomie, auxquelles souscrit Cyrano de Bergerac, mettent en cause legéocentrisme et l'anthropocentrisme au coeur de la doctrine religieuse.

Le voyage dans l'autre monde se révèlebeaucoup moins inoffensif que ne le laissait supposer la fantaisie avec laquelle il était raconté.

En qualifiant sesrécits d'histoires comiques, l'écrivain s'efforce d'en atténuer la portée.

Mais c'est encore amputés de tous lespassages contraires à la religion que paraîtront les deux ouvrages après sa mort.

Il faudra attendre 1921 pour quel'oeuvre soit restituée enfin au public dans son intégralité. 3.

LIBERTINAGE ET CONTE PHILOSOPHIQUE Du fond de la cage où il a été enfermé, le terrien découvre les États et Empires de la Lune à travers lesconversations qu'il a avec les habitants de l'autre monde.

Il reçoit l'assistance du démon de Socrate, qui l'aide àcomprendre leur langage et lui permet d'entamer avec eux de véritables débats philosophiques.

C'est l'occasion pourCyrano d'exposer ses théories libertines.

Le libertinage, au XVIIe siècle, n'évoque pas une vie aux moeurs dissoluescomme par la suite (en particulier au XVIIIe siècle).

C'est une attitude philosophique qui consiste, «en liberté», às'affranchir des idées traditionnelles, lesquelles sous-tendent un ordre religieux, politique et social que l'on remet encause.

Cyrano est libertin car il développe une conception matérialiste du monde et rejette la religion comme uneimposture.

Dans les dernières pages des États et Empires de la Lune, le narrateur rencontre un diabolique jeune homme qui nie l'existence de Dieu, dans un passage qui évoque à s'y méprendre le pari pascalien, dont il renverseradicalement les conclusions : «[...] Car s'il y a un Dieu, outre que ne le croyant pas, vous vous serez méconté, vous aurez désobéi auprécepte qui commande d'y croire ; et s'il n'y en a point, vous n'en serez pas mieux que nous ! — Si fait, me répondit-il, j'en serai mieux que vous, car s'il n'y en a point, vous et moi serons à deux de jeu ;mais au contraire s'il y en a, je n'aurais pas pu avoir offensé une chose que je croyais n'être point, puisquepour pécher il faut ou le savoir ou le vouloir.» En envoyant son voyageur vers l'«autre monde», Cyrano de Bergerac nous fait voir des moeurs différentes desnôtres, fondées sur des manières de penser à l'opposé de celles qui nous guident.

Ainsi, dans les États et Empiresdu Soleil où des oiseaux, qui évoquent ceux d'Aristophane, donnent au voyageur une magistrale leçon de sagessepolitique : «Mais notre politique est bien autre ; car nous ne choisissons pour notre roi que le plus faible, le plus doux, et. »

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