De la nature de Lucrèce
Publié le 06/04/2013
                            
                        
Extrait du document
D'après saint Jérôme, qui le tiendrait lui-même d'un ouvrage disparu de Suétone, Lucrèce serait né vers 99 av. J.-C. ; il aurait été sujet à des crises de folie et se serait suicidé vers 55 av. J.-C. De nombreux commentateurs, cependant, réfutent cette thèse, inventée, disent-ils, pour disqualifier le philosophe matérialiste.
«
                                                                                                                            « Il arrive  parfois 
qu'une  sorte de colonne 
descende  et tombe 
du  ciel 	
sur 	la mer 	...
                                                            
                                                                                
                                                                    » 	
EXTRAITS 	----	----.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Éloge  d'Épicure 
Alors qu'aux  yeux de 	tous,/' 	humanité  traî
nait  sur terre  une vie abjecte,  écrasée sous 
le  poids 	
d'une 	religion  dont le visage,  se 
montrant  du haut 
des  régions  célestes, 
menaçait  les mortels 
de  son  aspect  horrible, 
le  premier, 	
un 	Grec,  un 
homme,  osa lever  ses 	
yeux 	mortels  contre 
elle, 
et 	contre  elle se 
dresser.
                                                            
                                                                                
                                                                     Loin de l' ar
rêter,  les fables  di
vines,  la foudre,  les 
grondements  mena
çants  du ciel  ne firent 
qu'exciter  davantage 	
l'ardeur 	de son  cou
rage 	
et 	son  désir  de 
forcer  le premier  les 
portes  étroitement  clo
ses  de la nature.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Éloge  de la philosophie 
Il  est  doux, 	quand 	sur 	la grande 	mer 	les 
vents  soulèvent  les flots, 	
d'assister 	de la 
terre  aux rudes  épreuves  d'autrui : non  que 
la  souffrance  de personne  nous soit un 
plaisir  si grand  ; mais  voir à quels  maux  on 
échappe  soi-même  est chose  douce.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il est 
doux  encore  de regarder  les grandes 
batailles  de la guerre,  rangées 	
parmi 	les 
plaines,  sans prendre  sa 	
part 	du danger.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Mais  rien 	
n'est 	plus 	doux que 	d'occuper 	
solidement  les hauts  lieux fortifiés 	par 	la 
science  des sages,  régions  sereines 	
d'où 	
/'on peut  abaisser  ses regards  sur les autres 
hommes,  les voir  errer  de toutes 	
parts 	et 	
chercher  au hasard  le chemin  de la vie, 
rivaliser  de génie,  se disputer 	
la 	gloire  de 
la  naissance,  nuit 	
et 	jour 	s'efforcer 	par 	
un labeur  sans égal de s'élever  au comble 
des  richesses  ou de s'emparer  du pouvoir.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Ô 	misérables  esprits des hommes,  ô cœurs 
aveugles! 	
Les  cadavres  grouillant  de vers 
et l'immortalité  de l'âme 
Si[/' 	âme]  a 	pu 	s'arracher 	des membres 
intacts  et s'enfuir  sans laisser  dans le corps 
aucune  partie d'elle-même,  d'où vient  que 
les  cadavres  dans leurs  chairs  déjà putrides 
donnent  naissance  à des  vers  ! 	
D'où 	vient 
cette  multitude  d'êtres vivants,  privés d'os 
et  de  sang,  dont les flots  grouillent  au milieu 
des  membres  tuméfiés ? Croirais-tu 
par 	
hasard  que des âmes  venues  du dehors  se 
glissent  dans les vers,  et que  chacune  d'elles 
puisse  venir se loger  dans un corps,  sans te 
demander  comment tant de milliers  d'âmes 
se  rassemblent  en un  lieu 	
d'où 	une  seule 
s'est  retirée  ! 	
Éviter l'amour  sans 	se 	priver 
des  jouissances  de 	
Vénus 	
Assurément  ceux qui gardent  la tête  saine 
jouissent 	d'un 	plaisir 	plus 	pur 	que  les 
malheureux  égarés.
                                                            
                                                                        
                                                                    	
Au 	moment même de la 
possession,  l'ardeur des amoureux  erre 	
et 	
flotte incertaine  : jouiront-ils  d'abord 	par 	
les yeux, 	par 	les  mains  ? Ils  ne savent  se 
fixer.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
L'objet 	de  leur  désir,  ils le pressent 
étroitement,  ils le font 
souffrir,  ils impri	
ment 	leurs  dents 	sur 	
ses lèvres  mignonnes, 
qu'ils  meurtrissent  de 
baisers  : c'est  que chez 
eux  le plaisir  n'est pas 
pur 	; des  aiguillons 
secrets  les pressent  de 
blesser  l'objet,  quel 
soit-il  qui 	
fait 	lever 
en  eux  ces germes  de 
fureur.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Traduit 	par 	
Alfred 	Emout, 	
Les 	Belles-Lettres, 	
1978 	
« Ainsi  la nature 
convertit  en corps 
vivants  toute espèce 
de  nourriture 	
•..
                                                            
                                                                                
                                                                    » 	
NOTES 	DE  L'ÉDITEUR 	
Selon  Alfred  Ernout,  qui a traduit 	et 	
établi  le texte 	du 	poème  pour les éditions 
Les  Belles-Lettres,  on ne connaît 	
à peu  près 
rien  de 	
l'homme 	à qui  l'ouvrage  est 
adressé.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
S'il 	s'agit,  comme  certains 	l'ont 	
pensé, de C.
                                                            
                                                                                
                                                                    Memmius,  fils de L.
                                                            
                                                                                
                                                                    Memmius, 
qui  fut en 57  gouverneur  de 	
la province de 
Bithynie  où il fut  accompagné  par Catulle, 
Ernout  estime que Lucrèce 	
« a bien  mal  choisi 
son destinataire 	
».
                                                            
                                                                                
                                                                    En 	politique,  ce 
Memmius  a plusieurs  fois retourné  sa veste, 
passant  du camp  des adversaires 	
à celui  des 
partisans  de César.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il a été  condamné  à 	
l'exil 	pour corruption  électorale.
                                                            
                                                                                
                                                                    Quant 	à 	
son indifférence  pour Épicure, 	« elle était 
telle,  dit Ernout, que,  devenu propriétaire  de 	
la maison 	du 	Maître, il voulut 	la démolir.
                                                            
                                                                                
                                                                    	..
                                                            
                                                                                
                                                                    	
et qu'un 	peu  plus  tard il refusa  de céder  les 
reliques  sacrées à 	
la vénération  des chefs 	
d'école».
                                                            
                                                                                
                                                                    	
La 	sagesse  dont Lucrèce  fait l'apologie  lui 
a  valu  bien  des ennemis, 	
à commencer 	par 	
les stoïciens,  qui 	la condamnent  comme 
pure  recherche  du plaisir.
                                                            
                                                                                
                                                                     Quant aux 
chrétiens,  ils 	
s'en sont  pris surtout  à 	la 	
négation 	de 	l'immortalité  de 	l'âme 	et 	aux 
conceptions  matérialistes  du poète.
                                                            
                                                                                
                                                                     Même 
certains  manuels  scolaires  mettent en garde 
les  jeunes  latinistes  contre les idées 
d'un 	
écrivain  dont il ne  conviendrait 
d'apprécier  que le talent.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
1 Deutsche  Archaologisches  Institut, Rome  2.
                                                            
                                                                                
                                                                    3.
                                                            
                                                                                
                                                                     4.
                                                            
                                                                                
                                                                    	5 bois  gravés 	de Jean  Chièze.
                                                            
                                                                                
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                                                                    1958 / B.N.
                                                            
                                                                                
                                                                    
LUCRÈCE02.
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