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DEGRÉS de Michel Butor

Publié le 10/03/2019

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DEGRÉS, roman de Michel Butor (1960). Alors même que le sujet est fort peu romanesque (le « journal » d'une classe d'un lycée, sans rêveries adolescentes ni conflits de génération), la simple superposition de trois témoignages (ceux de deux professeurs et d'un élève, leur neveu) rend caduc le but tranquille du premier narrateur. La complexité du réel à la fois explose et échappe à chaque instant : voilée ou dominée un moment par la volonté d'élucidation, elle revient au galop, transformant le fait le plus mince en une impossible obligation de tout dire, et les espoirs du narrateur en un cheminement kafkaïen. Pour cerner le réel, il faut multiplier les degrés ; pour montrer les attaches du monde, il faut soi-même être mobile, s'inverser, se renverser, se multiplier, autant de situations devant lesquelles se cabre le roman classique. Le réel est perçu comme une vaste carte d'état-major, et le romancier comme un général en chef qui s'épuise à être partout. Lieu sans génie (la classe) et discours sans autorité dernière (le livre) ruinent l'hégélianisme secret de la création romanesque pour conclure sur un Qui parle ? : reconnaissance d'un échec qui confond la mise en ordre du récit avec le seul ordre fantasmatique de la culture occidentale. Après les illusions réussies de Passage de Milan (1954), Degrés est cette étape intermédiaire qui annonce la « poésie » libérée de Mobile, véritable catharsis des « degrés » de la réalité.

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