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FICHE DE LECTURE : LA LETTRE SUR LES SPECTACLES DE ROUSSEAU

Publié le 25/06/2011

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Rousseau l'a professé et proclamé dans sa Lettre sur les spectacles avec une éloquence spécieuse et entrainante qui est d'un grand maitre. D'un coup d'oeil sûr de polémiste, qui ne lui a jamais manqué, il a bien vu la place particulièrement sensible où il fallait frapper. Si la littérature est l'expression suprême de la civilisation, le théâtre est l'expression extrême et comme aiguë de la littérature et de l'état littéraire. Là le dernier terme de l'artificiel est atteint. L'homme ne se contente pas d'y être artiste, il s'y fait moyen d'expression lui-même Il fait une oeuvre d'art, et il la joue. Il conçoit une statue, il la crée ; et cette statue c'est lui-même, sur un piédestal qui s'appelle la scène. Il conçoit un poème, il l'écrit, et ce poème il le vit, artificiellement, il fait semblant de le vivre, entre deux décors. - Arrivé là, l'homme est aussi loin de l'état de nature, si l'état de nature existe, qu'il est possible. Il est tout art, tout artifice, tout jeu. C'est l'extrême amusement et raffinement du civilisé ; pour Rousseau ce doit être l'extrême dégradation.

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« insensible, mais salutaire, influence.

L'argument est trop facile qui consiste à dire : le théâtre n'a jamais corrigépersonne.

Il n'a jamais corrigé précisément tel vicieux, tel ridicule ou tel imbécile, parce qu'il est trop évident qu'ilsne s'y sont pas reconnus.

Mais il crée une atmosphère générale, un état d'opinion, un « milieu », comme on dit enlangage scientifique, qui ne laisse peut-être pas d'avoir son influence, sinon sur les vicieux ou les sots authentiques,du moins sur ceux qui sont à mi-chemin de l'être, c'est-à-dire sur tout le monde.

Rousseau reconnaît que c'est legoût général qui est la règle du théâtre.

Eh bien, ce « goût général » le théâtre le renvoie au public, mais ,(développé », comme dit Rousseau encore , renforcé , plus vif , exprimé en traits brillants, ou en types et caractèressaisissants.

Il frappe des proverbes, et il donne des noms propres aux vices.

Appeler l'hypocrisie Tartufe, si l'on aassez de génie pour que Monsieur Tartufe soit immortel, je suis très disposé à croire que c'est peu de chose, maisencore soyez sûr que ce n'est pas rien.

Ainsi, de ce goût général revenu au public fortifié, vivifié et comme illuminépar le théâtre, se forme une opinion publique qui pèse, un peu, au moins, sur la conduite des hommes.

Les hommespensent désormais un peu plus fortement ce qu'ils pensaient, et peut-être agissent un peu plus comme ils pensent.Or rendre les actions des hommes un peu plus conformes à leurs pensées et un peu moins à leurs passions, ce n'estpas un très grand profit moral, j'en conviens ; mais c'en est un.

Voilà ce que le théâtre fait.

Il ne me corrige pas ;mais il redresse un peu le bon sens public qui, à son tour, pèse sur moi.

« Vous dites qu'il n'a corrigé personne; je leveux bien; mais le but n'est pas de corriger quelqu'un ; c'est de corriger tout le monde.

» Ce mot d'Emile Augier estplein de justesse.

Il est ce qu'on doit dire en faveur du théâtre quand on ne veut tomber dans aucun excès ni deconfiance ni de mépris.Et enfin encore un seul mot.

Il faut des amusements aux hommes.

Que ceux de l'esprit ne soient pas d'un caractèrebeaucoup plus élevé ni d'un effet beaucoup plus salutaire que ceux des sens, je le crois assez ; on reconnaîtra sansdoute qu'ils sont cependant un peu plus nobles.

Art et littérature sont presque un peu plus que des divertissements,ils commencent à être des contemplations ; les jouissances qu'ils donnent ont un caractère comme à demidésintéressé.

Si l'on m'accorde cela (je sais bien que l'auteur du Discours sur les lettres et les arts ne me l'accorderapas; mais je vais jusqu'au bout de mon idée, quitte à revenir), je ferai remarquer que.

par sa nature, de toutes lesformes de l'art, le théâtre est celle qui a le plus de chances de ne pas être démoralisante.

Le théâtre s'adresse auxhommes assemblés.

Il ne faut pas dire que les hommes assemblés sont généreux, c'est aller trop loin ; mais il estcertain que les hommes assemblés ont plus de pudeur que chacun pris à part : il est certain que les hommesassemblés veulent qu'on les respecte.

L'homme en public rougit de ce qu'il a de mauvais en lui et ne .permet pasque l'artiste s'y adresse, du moins cyniquement.

De là vient que tous les arts ont je ne sais quel arrière-magasinsuspect, je ne sais quel musée secret honteux, tous, peinture, gravure, sculpture, poésie, roman, tous, saufl'architecture et le théâtre, parce que tous deux sont arts de grand jour et de pleine lumière.Si donc on repousse toute espèce d'amusement littéraire et artistique (c'est ce que fait Rousseau) il n'y a rien à direà cela, si ce n'est que je crains l'homme qui s'ennuie ; mais si on accorde à l'homme ce genre de divertissements,c'est le théâtre qui est le meilleur, ou, si l'on veut, le moins mauvais de tous.

— Ce qui serait naturel, ce serait doncque l'austère moraliste qui se défie de tous les arts et qui les condamne, fit presque une exception pour le théâtre.C'est le contraire que fait Rousseau, parce que, comme je l'ai dit en commençant, le théâtre, s'il est, peut-être, lemoins nuisible des arts, est aussi de tout ce qui est art, littérature, vie de civilisation et vie mondaine, l'expressionla plus éclatante, la plus séduisante et la plus vive ; et que c'est l'art, la vie de civilisation, et la vie mondaine queRousseau, avec une sorte de colère et d'inquiétude, poursuit en lui.. »

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