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Fiche de lecture : Les sommets de l’Etat, Essai sur l’élite du pouvoir en France (1977) ; Pierre Birnbaum, 1994, Seuil, Paris.

Publié le 08/03/2014

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Fiche de lecture : Les sommets de l’Etat, Essai sur l’élite du pouvoir en France (1977) ; Pierre Birnbaum, 1994, Seuil, Paris. 

 

Cet essai se propose d’étudier précisément l’Etat en France, cette spécificité nationale, celui que l’on nomme parfois « l’Etat fort à la francaise « . Pour ce faire, Pierre Birnbaum analyse empiriquement le personnel détenant « les sommets de l’Etat « et distingue ainsi différentes périodes historiques, se caractérisant par une fusion ou une dissociation des pouvoirs politique, administratif et/ou économique. 

 

Introduction : En partant du principe selon lequel l’action de l’Etat dépend, du moins en partie, du personnel qui le constitue et qui agit en son nom, Pierre Birnbaum entreprend ici une analyse du personnel politico-administratif afin de déterminer la nature de l’Etat, selon la période historique étudiée. Il s’agit donc d’étudier la « classe politique francaise «, c’est-à-dire le personnel politique (ministres, parlementaires…), le personnel « administratif « (haute administration) et leurs relations, mais aussi les liens de cette classe politique avec les acteurs économiques dominants, afin de comprendre la mise en œuvre des décisions de l’Etat. 

La classe politique francaise semble à première vue présenter une grande hétérogénéité entre 2 catégories, les professionnels de la politique et les hauts fonctionnaires. Ces deux catégories ont cependant, dans l’histoire de France, « entretenu des relations de nature différente qui vont de la franche hostilité à la fusion quasi complète «. Ainsi étudier empiriquement l’homogénéité ou l’hétérogénéité, la fusion ou l’éclatement de l’élite politico-administrative aux sommets de l’Etat, c’est étudier la cohésion de l’Etat, l’unité de l’Etat ainsi que la question de son autonomie fonctionnelle, autrement dit de son indépendance. 

Certains le pensent comme un instrument doué d’une volonté propre, d’autre comme un simple instrument au service de la classe économiquement dominante. Or, pour définir l’Etat et être capable de trancher entre les différentes conceptions théoriques, il faut dire « ce qu’est l’Etat lui-même « , « analyser le personnel qui parle et agit en son nom «, le personnel dirigeant, autrement dit, analyser les « sommets de l’Etat « : En effet, « Dans une certaine mesure, l’autonomie de l’Etat dépend de celle de son personnel dirigeant «. 

 

Chapitre 1 : La prétention de l’Etat à l’indépendance : construction du modèle. 

 

« Pays fortement centralisé, la France s’est constituée sous l’action unificatrice de l’Etat « et des ses institutions (école, justice, armée…), qui ont ainsi « modelé par [leur] action la société globale toute entière « et éliminé progressivement tous les pouvoirs partiels. C’est ainsi une spécificité de la France, cette forte centralisation, héritée de la monarchie absolue de l’Ancien Régime, consolidée par les révolutions (cf. les analyses de Tocqueville) et qui s’est encore renforcée au XXème siècle. 

Fort de cette centralisation, l’Etat est un acteur incontournable dont il faut étudier la plus ou moins grande autonomie. 

Dans l’Histoire de France, l’Etat a souvent prétendu à l’indépendance. 

C’est ainsi notamment le cas sous le Second Empire (Napoléon III), cas étudié et analysé par Karl Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte.

Alors menacée dans ses intérêts économiques par les évènements de 1848, la bourgeoisie choisit d’abandonner son contrôle sur l’Etat et de se contenter de son pouvoir économique, pour être sure d’être en mesure de le conserver. L’Etat échappe donc désormais aux détenteurs du pouvoir économique. Apparaît ainsi une «  cassure entre le pouvoir politique et le pouvoir économique grâce à laquelle l’Etat va prétendre accéder à l’indépendance « 

L’Etat subordonne alors toute la société, toutes les classes , et se rend ainsi « indépendant de la société « (Marx) : l’Etat acquiert plus qu’une simple autonomie, son « indépendance «, et celle-ci se fonde, d’après Marx, sur l’armée mais également sur une « armée de fonctionnaires « qui « enserre, contrôle, réglemente, surveille et tient en tutelle la société civile «, c’est-à-dire sur l’autonomie fonctionnelle de l’appareil d’Etat, sur son institutionnalisation véritable. Pour devenir une organisation autonome tant du point de vue de son personnel que de ses intérêts et affirmer son indépendance, l’Etat doit en effet s’institutionnaliser. Cependant, Marx semble surestimer l’institutionnalisation de l’Etat sous le Second Empire, qui est alors certes largement entamée mais loin d’être terminée. Ce ne sera le cas que dans la deuxième moitié du XXème siècle. 

Certes doté d’un appareil autonome, au rôle grandissant(cf. l’action des préfets dans les grands travaux), l’Etat n’en est pas pour autant assuré de son indépendance. Ainsi, selon certains, la bourgeoisie a tiré profit de sa perte du pouvoir politique, en pouvant rester en retrait mais également conserver son contrôle sur l’Etat. 

Pour rendre compte de cette « indépendance « réelle ou non de l’Etat, il faut distinguer l’origine sociale du personnel dirigeant de l’appareil d’Etat de leur origine professionnelle. On constate ainsi, sous le Second Empire, une « fonctionnarisation « du personnel : si en effet les hauts fonctionnaires sont essentiellement issus de la noblesse ou de la haute bourgeoisie, ce qui dans un premier temps rend illusoire la prétention de l’Etat à l’indépendance, ils sont, par contre, généralement issus de familles dont le père était déjà fonctionnaire, comme «  destinés à servir l’Etat «, et sont entrés dès le début de leur carrière au service de l’Etat (et non après avoir appartenu au monde des affaires). De plus, il y a alors une volonté d’autonomisation dans la formation, et ce depuis la IInde République (création d’une éphémère Ecole nationale d’administration), qui se concrétise par une professionnalisation du personnel administratif (création d’un cursus universitaire spécialisé). Ainsi, l’autonomie fonctionnelle de l’Etat est en fait renforcée 

Cependant, selon Marx, en dépit de son « indépendance « et s’il échappe au contrôle de la bourgeoisie, il ne nuit pas à ses affaires et continue à servir ses intérêts. 

 

Une autre période de l’Histoire de France se caractérise par cette même prétention de l’Etat à l’indépendance et à l’organisation de la société toute entière, et pourra donc de ce point de vue être comparée au bonapartisme. Il s’agit de la période gaulliste. 

Cependant, si bonapartisme et gaullisme poursuivaient le même objectif, assurer cette « indépendance « en construisant un appareil d’Etat indépendant des forces sociales, ils n’ont pas eu les mêmes « outils « pour le remplir. En effet, contrairement à la période su Second Empire, l’institutionnalisation de l’Etat, condition de son « indépendance « est, sous le gaullisme, achevée. Ainsi apparaît, après la Libération, un réel cursus spécialisé (l’ENA), devant, selon De Gaulle, former une « bureaucratie fonctionnelle et autonome «, agissant selon sa propre volonté, c’est-à-dire au nom de l’intérêt général, et ne servant donc plus les intérêts d’une classe ou d’une autre. 

Cependant, cette « indépendance « de l’Etat gaulliste a été récusée par les dirigeants du PCF, accusant notamment le gaullisme d’être un capitalisme monopolistique d’Etat., « la concentration du pouvoir politique [étant] le corollaire de la concentration économique « (Henri Claude). 

 

A partir de l’analyse de ces deux périodes, on constate qu’à « chaque fois que l’Etat prétend accéder à l’indépendance, c’est qu’il croit pouvoir s’appuyer sur un appareil d’Etat occupé par un personnel dirigeant autonome et ayant des intérêts liés à l’organisation dans laquelle il exerce ses fonctions « 

 

Pour résoudre le sempiternel débat de l’indépendance de l’Etat, il faut donc étudier les caractéristiques, selon la période historique étudiée, de la classe politico-administrative qui le dirige. 

 

Chapitre 2 De la fusion à la dissociation 

 

La fusion des trois pouvoirs sous la Monarchie de Juillet 

 

C’est ici une période où l’on constate une fusion entre les pouvoirs économique, administratif et politique. En effet, il y avait alors une étroite liaison entre le monde des affaires et l’administration, celle-ci contrôlant à son tour le Parlement. L’Etat ne prétend alors pas à l’indépendance, il « appartient « à la haute bourgeoisie, classe qui détient alors également le pouvoir économique. Ainsi, la haute bourgeoisie et l’aristocratie foncière sont les seuls à pouvoir voter, an raison de la présence d’un suffrage censitaire, qui exclut d’entrée le « peuple « des questions politiques. Néanmoins, cet « Etat bourgeois « ne se concrétise pas par l’omniprésence des bourgeois dans les instances politiques. En effet, ils ont très peu présents tant à la Chambre des députés, monopolisée par les « administratifs «, c’est-à-dire les fonctionnaires et notamment les hauts fonctionnaires (c’est ici la preuve de la collusion des pouvoirs politique et administratif) que dans les ministères. Occupant le pouvoir économique, la haute bourgeoisie laisse les emplois politiques aux fonctionnaires, « qui lui sont soumis «, ou aux élites intellectuelles (Guizot…), en place dans les ministères, « qui lui sont acquises «. On peut en effet remarquer l’absence d’autonomie de la haute administration : « elle est soumise au pouvoir politique «, car c’est celui-ci qui nomme les hauts fonctionnaires, et « pénétrée par le monde des affaires «, les postes dans la haute administration étant à cette époque réservée de fait aux grands notables en raison de ce système de nomination mais également des faibles rémunérations. Le monde des affaires est donc indirectement présent au Parlement. 

 

Pouvoirs économique, politique et administratif sont donc, sous la monarchie de Juillet, étroitement fusionnés dans les mains d’une seule classe, la haute bourgeoisie. 

 

La dissociation des pouvoirs sous la III république : la professionnalisation du politique. 

C’est avec la IIIème République que la fusion des pouvoirs prend fin. Ce n’est plus seulement la haute fonction publique qui prétend s’autonomiser comme sous le Second Empire mais l’ensemble du personnel politique (exécutif et législatif) qui va acquérir une grande spécificité , ce qui contribue à une dissociation entre les pouvoirs économique, politique, et administratif. 

On constate ainsi une rupture au sein de l’appareil d’Etat, dans la classe politico administrative qui conduit à une cohabitation, qui persistera jusqu’à la fin de la IV République, entre le personnel politique, désormais issus des classes moyennes, et la haute administration(les Grands Corps), restant aux mains de la haute bourgeoisie. En effet, avec l’instauration du suffrage universel en 1848 et la professionnalisation du politique (qui se concrétise par l’avènement de la politique comme « profession secondaire ou principale «, rémunérée par des « revenus réguliers et assurés « qui permettent de « vivre de la politique «(loi de 1906 qui augmente les indemnités parlementaires), condition d’un « recrutement non ploutocratique du personnel politique « Max Weber, Le Savant et le politique), un nouveau personnel politique émerge au Parlement et donc (le gouvernement étant nécessairement, dans un régime parlementaire tel que celui de la IIIème République, un « reflet « plus ou moins fidèle du Parlement, même s’il faut noter la présence disproportionnée des hauts fonctionnaires au gouvernement par rapport à leur faiblesse au Parlement) au gouvernement au détriment de la bourgeoisie, des fonctionnaires et des propriétaires fonciers, qui vont progressivement disparaître des instances politiques. Ce personnel est issu des « capacités «(agrégés), de la petite fonction publique(instituteurs) ou des professions libérales(avocat, médecin…), c’est-à-dire des classes moyennes (Lamartine, Ledru-Rollin, Carnot dès 1848), et n’a aucune autre ressource de pouvoir. C’est la « fin des notables « et de la « République des ducs « (Daniel Halévy) et l’arrivée, « la présence et la venue, dans la politique, d’une couche sociale nouvelle « (Gambetta, discours de Grenoble, sept 1872) représentant les « couches nouvelles «. 

Le personnel politique s’autonomise donc de la haute administration et du monde des affaires en se professionnalisant, de sorte que, n’appartenant plus à ces milieux, ses intérêts ne seront plus nécessairement les leurs. Ainsi naît un certain pluralisme des intérêts, au fondement de la dissociation des pouvoirs et de «  l ’autonomisation du politique «(Thibaudet), 

Avec ce nouveau personnel, c’est aussi la fonction de député qui évolue. En effet, un parcours spécifique s’instaure avec le suffrage universel, menant des fonctions électives locales(maire, conseiller municipal, régional…), point d’ancrage de ce nouveau personnel constitué des notables locaux (médecin, instituteur…), aux mandats nationaux (député)et au pouvoir exécutif (ministre et même président…), et faisant du députés non plus les élus de la nation mais les représentants d’une circonscription. 

 

C’est donc ici l’instauration d’une forte dissociation du pouvoir qui exclut le monde industriel et la haute fonction publique du contrôle du pouvoir politique. Cependant, le nouveau personnel politique, n’ayant aucun intérêt en commun avec le monde des affaires et s’en distinguant par ses origines sociales et ses traditions culturelles, s’il est autonome du pouvoir économique, a néanmoins peu de prise sur celui-ci. Ainsi, le politique est à la fois autonome et faible, en raison de sa faible latitude d’action. 

 

Chapitre 3 : La IVème République ou la dissociation renforcée des pouvoirs politico administratifs 

 

D’abord, il faut faire le constat d’une grande continuité entre la IIIème et la IVème République : 

-grande stabilité des élus. 

-même cursus qui mène des conseils locaux à l’Assemblée nationale, puis au pouvoir exécutif (cf. René Coty, conseil d’arrondissement, conseil municipal au Havre, député, sénateur, ministre puis Président de la République) 

-La dissociation entre le personnel politique et la haute fonction publique persiste et va même en s’accentuant. On a ainsi des députés et des ministres globalement issus des mêmes catégories sociales, même s’il faut constater certaines évolutions (hausse importante du nombre d’ouvriers au Parlement, baisse du nombre de hauts fonctionnaires et des bourgeois, qui plus est, appartiennent aux partis de droite ou du centre qui ont moins de pouvoir que sous la IIIème République)) engendrées par la montée, après la Seconde Guerre mondiale, des partis de gauche et l’arrivée des anciens membres de la Résistance au Parlement. . 

Les classes moyennes et les ouvriers ont ainsi définitivement mis en retrait du pouvoir politique les hauts fonctionnaires de sorte que de 1871 à 1958, le personnel politique issu du suffrage universel accentue son emprise sur le pouvoir politique. 

Enfin, Il faut constater la professionnalisation des parlementaires (20% des anciens parlementaires se professionnalisent dans la politique) ce qui accroît l’homogénéité du personnel politique et sa spécificité. 

-Le gouvernement continue d’être le « reflet « plus ou moins fidèle du Parlement : grande homogénéité contrainte encore par le régime d’assemblée en place, même si les hauts fonctionnaires restent proportionnellement mieux représentés au gouvernement qu’au Parlement. A l’inverse, les ouvriers très bien représentés à l’Assemblée nationale, ne le sont presque pas au gouvernement.(car ils appartiennent souvent au PC…) 

Ainsi, sous la IIIème comme sous la IV République, les distorsions entre le Parlement et le gouvernement atténuent légèrement la dissociation entre le personnel politique et la haute administration. 

-Comme sous la IIIème République, on a donc un personnel politique éloigné des autres sources de pouvoir. Le Parlement et le gouvernement n’ont que très peu de relations avec le monde des affaires de dimension nationale, et sont ainsi exclus des centres de décision économique (peu de pantouflage des anciens parlementaires ou des anciens ministres dans les entreprises de dimension nationale). Ceci s’explique par leur origine sociale (classes moyennes, enseignement ou professions libérales) et leur cursus universitaire qui ne leur permettent pas d’accéder à ces fonctions .Ils restent ainsi eux aussi éloignés du monde des affaires. Ainsi, il faut remarquer que le lien entre le pouvoir politique et le pouvoir économique nationale est davantage structuré au niveau partisan qu’au niveau de l’institution politique (Parlement ou gouvernement) en elle-même. Le personnel politique de la droite ou du centre, davantage issus du mondes industriel ou de la haute administration et ayant donc déjà une influence nationale, est ainsi plus présents dans les conseils d’administration des entreprises de dimension nationale. Par contre, après leur éviction , les parlementaires, quelque soit leur couleur politique, sont assez nombreux à prendre des fonctions dans des entreprises locales, le parlementaire étant désormais avant tout un notable à dimension locale. 

Ainsi, on remarque que le profond localisme de la fonction parlementaire , si elle donne un prestige et un pouvoir local, ne permet d’avoir que très peu de prise sur le pouvoir économique national. 

L’arrivée d’un nouveau personnel politique, aux origines socioprofessionnelles plus modestes crée une distance importante entre les pouvoirs économique et administratif d’une part et le pouvoir politique d’autre part de sorte que le parlementaire et le ministre sont marginalisés, éloignés des autres sources de pouvoir, sur lesquelles ils ne peuvent avoir qu’ une très faible emprise. 

Ainsi, selon André Siegfried, c’est la haute administration, revendiquant un savoir scientifique et une compétence technique « neutres «, au service de «  l’intérêt général « et en dehors de toutes les idéologies, et non le personnel politique, qui gouverne. En effet, la haute administration va voir, avec l’ENA, son homogénéité renforcer, grâce à un même cursus scolaire, et son indépendance garantie, grâce au statut général de la fonction publique de 1945 qui la protège de l’injonction politique et donc du pouvoir politique. 

On a ainsi à la tête de l’Etat deux personnels (politique et administratif) extrêmement différents et parfois même opposés, les uns étant ancrés localement, les autres se voulant les défenseurs « scientifiques « de « l’intérêt général «. Or, on peut remarquer que, si, comme sous la IIIème République, la haute administration reste fermée aux couches nouvelles et au monde des affaires(forte tendance à l’autorecrutement, au sein des milieux très favorisés comportant déjà des hauts fonctionnaires, même si la création de l’ENA a permis l’entrée de la petite bourgeoisie), à l’inverse de la IIIème République, elle envahit les cabinets ministériels au détriment du personnel politique professionnalisé et du monde des affaires, totalement absents. De plus, après leur passage dans les cabinets, les hauts fonctionnaires se répandent non seulement dans les entreprises privées de dimension nationale mais tendent également à occuper des fonctions politiques, menaçant ainsi, dès la IVème République, la domination du personnel politique. 

Cette grande distance au sommet de l’Etat pourra ainsi nuire à la cohérence de l’action de l’Etat, les deux personnels ayant chacun des logiques différentes(ex : tandis que le personnel politique, ancré localement et soumis aux urnes se fera le défenseur des PME, la haute administration défendra la concentration et la modernisation économique) 

 

Chapitre 4 : La République des fonctionnaires : vers une nouvelle fusion des pouvoirs politico administratifs 

 

A la « République des députés « succède « la République des fonctionnaires « : c’est ainsi ici une nouvelle fusion des pouvoirs politico-administratifs qui s’instaure et qui met fin à la dissociation cause d’incohérence sous la IVème République. 

 

La constitution de 1958 marque le déclin du personnel politique professionnalisé traditionnel issus des couches nouvelles. 

En effet, le système politique institué en 1958 s’emploie à renforcer l’exécutif au détriment du Parlement. Ainsi, la dépendance du gouvernement vis-à-vis du Parlement est, dans les faits, remplacée par une dépendance vis-à-vis du Président. De même, et surtout, la nouvelle constitution introduit une incompatibilité entre les fonctions ministérielles et parlementaires(art 23 de la constitution), ce qui crée une distance entre les deux institutions. Le personnel politique va se retrouver diviser et perdre son homogénéité. 

On constate d’abord une professionnalisation croissante du personnel parlementaire. Le changement de système politique et, notamment l’évolution de la fonction du Parlement, va se refléter dans le personnel parlementaire. Tandis que les ouvriers, les employés, agriculteurs et instituteurs disparaissent rapidement (aidés en cela par les défaites électorales de la gauche), les professions libérales(déjà bien en place dans les Républiques précédentes), les industriels et les hauts fonctionnaires progressent eux fortement. Cependant, de même que sous la IIIème et la IVème République, les parlementaires n’appartiennent pas dans leur ensemble aux catégories dirigeantes (ie possédant plusieurs sources de pouvoir) de la société francaise. Ils proviennent en effet encore principalement des classes moyennes ou des professions libérales. Néanmoins, l’arrivée massive des hauts fonctionnaires au Parlement menace la prééminence des professionnels de la politique, d’autant qu’ils appartiennent essentiellement aux Partis de droite, alors au pouvoir. La république des professeurs est morte, celle des médecins et des avocats subsiste au niveau local, mais, à l’échelon national, c’est bien la République des fonctionnaires qui s’est instaurée. 

Ensuite, on remarque que le gouvernement ne reflète plus le Parlement. Ainsi, alors que les classes moyennes et les professions libérales l’emportent de plus en plus au Parlement, elles régressent au gouvernement, preuve du déclin du personnel politique professionnalisé. A l’inverse, encore minoritaire au Parlement malgré leur entrée massive, les hauts fonctionnaires sont très présents au gouvernement (parfois même sans passer par la députation), et prennent ainsi peu à peu la place du personnel politique professionnalisé. La sphère gouvernementale est donc désormais en communication plus étroite avec la haute administration qu’avec le personnel politique professionnalisé 

 

Ainsi, aux sommets de l’Etat, tentent de cohabiter les deux personnels opposés, les uns au Parlement, qui se localise donc de plus en plus pour préserver une partie de son pouvoir(députés de plus en plus élus locaux également) et qui ne se préoccupe plus que des affaires locales, les autres au gouvernement, qui conduit la politique nationale. 

Remarquons enfin que le monde des affaires reste tout autant que sous les républiques précédentes exclu du gouvernement. 

 

Notons également que le Parlement est encore plus éloigné que sous la IVème République des centres de décision économiques nationaux, tandis que les anciens ministres s’éloignant de la sphère politique, eux, souvent hauts fonctionnaires, et à la différences des ministres de la IVème République, acquièrent pour plus de la moitié une participation aux conseils d’administration d’une organisation nationale à vocation économique privée ou publique, et pour beaucoup, des postes de responsabilité. Ce passage des hauts fonctionnaires anciens ministres dans le monde économique témoigne des liaisons plus grandes, sous la Vème république, entre l’appareil d’Etat et la société civile, entre le pouvoir exécutif et le monde économique. Ceci s’explique essentiellement par l’ENA, instrument gaulliste devant servir à l’Etat pour prendre le contrôle de l’environnement social. 

 

Pierre Birnbaum voit ainsi ici l’instauration d’un appareil d’Etat homogène, grâce à une nouvelle fusion des pouvoirs, et qui tente d’étendre sin emprise à des secteurs vitaux de la société afin de « renforcer le poids et l’indépendance de sa propre action « 

 

Chapitre 5 : L’autonomisation croissante de l’appareil politico-administratif sous la Vème République 

 

L’emprise de la haute administration sur le pouvoir exécutif au détriment du personnel politique traditionnel apparaît comme la caractéristique essentielle du système politico-administratif de la Vème République (ministres hauts fonctionnaires, très souvent issus des Grands Corps, et dont le père était déjà haut fonctionnaire) Ainsi, un nouveau cursus apparaît, même s’il est encore minoritaire, faisant passer des cabinets ministériels à la fonction de ministre, sans étape intermédiaire au Parlement. Les hauts fonctionnaires en sont d’ailleurs relativement absents, monopolisant les cabinets ministériels. L’ancrage local se fait désormais après. Ce nouveau recrutement(qui se fait dans des milieux encore plus favorisés, souvent des « familles administratives «) et ce nouveau cursus contribuent grandement à accentuer l’autonomisation de l’appareil politico-administratif, qui se dissocie, on le sait, du monde des affaires, mais désormais également du monde politique traditionnel. Les sommets de l’Etat présentent donc, sous la Vème République, une grande homogénéité due à la forte emprise des hauts fonctionnaires sur l’ensemble de l’appareil politico-administratif, et à la complète clôture de l’Etat sur lui-même (autorecrutement ; fermé au monde des affaires). Cette grande homogénéité lui permet de mener une action indépendante, propre à organiser l’ensemble du système sociale et notamment le fonctionnement du monde des affaires. 

 

Chapitre 6 : L’emprise de l’appareil d’Etat sur le vie économique 

 

La cohésion croissante du pouvoir politico-administratif se marque par l’emprise de plus en plus forte qu’il exerce sur la vie économique nationale au détriment du Parlement, marginalisé. 

La haute administration entretient ainsi des relations étroites avec l’ensemble du pouvoir exécutif. Depuis 1945 et la création de l’ENA, elle est homogène, se veut « au-dessus « des compromissions partisanes, organe agissant pour l’intérêt général. Elle prétend alors agir au nom de la rationalité, en dehors de toutes les idéologies, et se fait la garante de la neutralisé et donc de la légitimité de l’intervention de l’Etat. Spécifiquement compétente en économie, De Gaulle et Debré souhaite ainsi fonder une bureaucratie capable, sur le modèle de Louis XIV ou Napoléon III, de permettre à l’Etat de réguler la société. Ainsi, au début de la Vème République, seront menées, par ces hauts fonctionnaires des politiques volontaristes visant à accélérer le développement industriel de la France en modernisant et en concentrant son appareil productif . S’installe alors un colbertisme dont le but est d’assurer l’indépendance de l’Etat. La difficulté sera de concilier cette modernisation économique, voulue par les hauts fonctionnaires et les managers des entreprises concentrées, et la conservation d’un électorat victime de cette modernisation, les classes moyennes, le petit patronat et l’artisanat. Les conditions houleuses d’adoption de la loi Royer (1973)(loi permettant aux petits commerçants de pouvoir s’opposer à l’installation d’une grande surface) seront ici particulièrement révélatrices des contradictions des politiques menées, en dévoilant les oppositions, au sein de la majorité, entre les partisans de la modernisation et ceux qui défendent, sous le poids de l’électorat qui veut désespérément résister au changement social (désespérance des petits commerçants qui s’exprime dans le CID UNATI et qui sera à la source du poujadisme), les structures archaïques, de même qu’elle témoigne de la nécessité pour les sommets de l’Etat, favorables à la modernisation, de rester à l’écoute de la société. 

Puis, à partir de 1965, l’Etat abandonne, sous le gouvernement Pompidou, son rôle de directeur de l’économie pour se borner à faciliter la concentration et l’installation de la concurrence. L’Etat a ainsi progressivement abandonné sa prétention à l’indépendance pour renouer des alliances avec le monde des affaires, au sein de « conseils« ou « comités « réunissant grands patrons et hauts fonctionnaires, qui partagent une adhésion commune au principe de la libre concurrence, alliance qui met fin à la prétention de l’Etat à contrôler l’économie. Le colbertisme est définitivement mort. Ce seront désormais les commissions d’industrialisation du Plan, composées essentiellement de personnes issus du champ économique et qui sont, pour beaucoup, d’anciens hauts fonctionnaires, qui élaboreront la politique économique. On constate ainsi que les liens entre les secteurs administratif, politique et économique deviennent de plus en plus étroits. En effet, la mobilité de la haute fonction publique (du public vers le privé et du privé vers le public) assure l’homogénéité des milieux dirigeants et implique une action déterminante de l’appareil d’Etat sur le monde des affaires, qui ne maîtrise plus lui-même son propre fonctionnement. Ainsi, l’interpénétration entre la haute administration et le monde des affaires, conséquence de la mobilité des hauts fonctionnaires (important pantouflage des hauts fonctionnaires aux postes de direction des entreprises publiques et des grandes entreprises privées, notamment dans les secteurs de la banque et des communications de masse, lieux stratégiques de contrôle de la société civile), semble, selon Birnbaum, moins se traduire par une osmose entre les deux personnels, l’appareil d’Etat restant fermé au monde des affaires, que par une emprise de plus en plus grande des hauts fonctionnaires , qui exercent désormais un rôle privilégié dans chacun des trois secteurs, et permettent ainsi à l’Etat de contrôler tous les lieux stratégiques de la société civile (l’économie…) 

 

Sous la Vème République, la fusion de pouvoirs atteint ainsi une forte intensité, grâce à la mobilité des hauts fonctionnaires qui parcourent tout à tour les sommets de chacun des pouvoirs particuliers. 

 

Chapitre 7 : Le système Giscard : l’impossible fusion des pouvoirs et le déclin de l’autonomie du pouvoir 

 

L’arrivée de VGE à la présidence de la République a eu pour conséquence immédiate la venue au pouvoir de dirigeants politiques différents, issus du mouvement des Républicains indépendants., d’où les notables locaux ont disparu au profit de hauts fonctionnaires, souvent liés au monde des affaires, et n’ayant jamais été élus auparavant, dans l’optique de devenir un Parti de gouvernement. La république des fonctionnaires semble avoir vécu, remplacée par un système dans lequel les hauts fonctionnaires sont les alliés des industriels. L’Etat ne prétend ainsi plus à l’indépendance, comme sous le gaullisme, les hauts fonctionnaires étant pour beaucoup déjà passés par le privé avant même d’être ministres, ce qui remet en cause la spécificité fonctionnelle de l’Etat, et donc, son indépendance. Une osmose hauts fonctionnaires-monde des affaires apparaît et est intensifiée, et ce pour réaliser la politique générale de VGE, essentiellement tournée vers les problèmes économiques. C’est ainsi une période de grands technocrates, de grands spécialistes, de grands experts (Barre…), issus soit de la haute fonction publique, soit directement du monde économique, aux antipodes du personnel politique des IIIème et IVème Républiques, et qui ambitionnent de gérer « scientifiquement « et « rationnellement « leur ministère, dans le « consensus «, grâce aux vertus de techniques qu’ils estiment « neutres « . Cependant, les cabinets restent fermés au monde économique, de même qu’ils le sont aux professionnels de la politique. Ainsi, le cabinet de VGE sera celui qui comptera le plus d’énarques. La rupture entre le pouvoir exécutif et la Parlement s’en trouve ainsi agrandie. Le cursus cabinet-ministère s’amplifie également. 

On assiste avec le giscardisme à une nouvelle fusion des pouvoirs économique, politique et administratif, fusion qui avait disparu avec l’avènement de la IIIème République. A la fusion de la haute administration et du pouvoir exécutif qui s’est réalisée pendant la république des fonctionnaires, s’est surajoutée une fusion avec le monde des affaires, qui s’est traduite par une politique libérale, favorable à la concentration. 

Cependant, si les technocrates issus de l’ENA ou des Grands Corps ont envahis les sommets de l’Etat, ils n’en adoptent pas pour autant des comportement identiques, certains préférant la modernisation, d’autres recueillant, dans des buts électoralistes, les demandes des provinces (Marie-France Garaud et Pierre Juillet pour Chirac). C’est ainsi que le giscardisme doit coexister au sein de l’appareil d’Etat avec le pompidolisme. S’ils sont servis touts les deux par des hauts fonctionnaires, ils défendent les intérêts de catégories opposées et doivent pourtant s’allier s’ils veulent conserver une majorité électorale. C’est ainsi ici toute la difficulté de survie du giscardisme. 

 

Conclusion : Analyser le personnel qui occupe successivement les sommets de l’Etat permet de comprendre, en grande partie, le rôle de l’Etat lui-même. A certaines époques de l’Histoire de France, une classe parvient à exercer un contrôle si étroit sur la société qu’elle domine de l’intérieur l’appareil d’Etat., celui-ci étant alors dirigé par des représentants directs.(cf. Monarchie de Juillet) C’est ici une période de fusion complète des pouvoirs administratif, politique et économique. 

Puis, sous la IIIème et la IVème République, c’est désormais une dissociation très forte des pouvoirs qui s’instaure grâce à l’arrivée au pouvoir, permise par l’instauration du suffrage universel, d’un personnel politique professionnalisé , issu des classes moyennes et des professions libérales. Ce personnel s’empare du pouvoir politique (exécutif et législatif) mais reste éloigné aussi bien de la haute administration que du pouvoir économique, sur lesquels il a peu ou pas d’emprise. L’Etat est alors un lieu de contradictions profondes , habité par des personnels profondément hétérogènes qui s’opposent les uns aux autres. Il n’est ainsi plus l’instrument d’une classe économiquement dominante, mais son autonomie reste fragile, en raison de ses divisions internes. 

A l’inverse, sous la Vème République, l’appareil d’Etat se fait bureaucratie homogène et, en excluant de ses rangs ceux qui n’ont pas été recrutés en vertu de ses règles méritocratiques, c’est-à-dire d’une part le personnel politique professionnalisé et, d’autre part, le monde des affaires, prétend à l’indépendance. Ainsi, les hauts fonctionnaires s’emparent du pouvoir exécutif et gèrent le système global, tout en abandonnant au personnel politique professionnalisé le Parlement qui aura alors plus tendance à représenter les intérêts locaux que la volonté générale. L’Etat souhaite même alors, grâce à ses propres ressources(armée, fonctionnaires) prendre en charge la société toute entière, notamment l’économie(bonapartisme, gaullisme). Cependant, bien que menée au nom de l’Etat, leur politique les conduit à renforcer malgré tout la puissance d’intérêts particuliers dont la collaboration leur est indispensable. Ainsi, par sa prétention à l’indépendance, l’Etat « justifie la légitimité de son intervention qui favorise finalement les forces économiquement dominantes «. 

Au contraire, lorsque l’Etat ne tente plus de prétendre à l’indépendance , comme cela a été le cas sous le giscardisme, si l’appareil bureaucratique conservait sa spécificité fonctionnelle en persistant à exclure les représentants directs du monde des affaires, le personnel dirigeant renforçait lui ses liens avec le pouvoir économique. C’est ainsi qu’une nouvelle fusion s’instaurait, plus large, entre les pouvoirs économique et politico-administratif. Cependant, cette attitude de non prétention à l’indépendance peut s’avérer problématique pour l’Etat, notamment en ce qui concerne sa légitimité d’action. 

 

Postface de 1980 : 

 

Pierre Birnbaum veut ici souligner la spécificité et l’autonomisation de l’Etat en France, qui résulte d’un long processus de centralisation politique(contre toutes les périphéries qui s’opposaient à lui) et d’institutionnalisation, se concrétisant par le développement des bureaucraties civile(recrutée sur critères « méritocratiques «) et militaire. Ainsi, l’Etat fort à la francaise s’est toujours appuyé, de la monarchie absolue au gaullisme, sur une fusion plus ou moins accomplie entre le pouvoir exécutif et la haute administration. Cependant, cette trajectoire a parfois été durement remise en cause, soit en raison de la fusion complète des pouvoirs qui annihilent la spécificité de l’Etat (Monarchie de Juillet), soit parce que d’autres fusions émergeaient (III-IVème République : fusion Parlement-gouvernement), soit, enfin parce que la fusion gouvernement-haute administration s’élargissait jusqu’au pouvoir économique dominant (giscardisme) 

L’Etat apparaît ainsi aujourd’hui moins institutionnalisé et, de par le personnel qui le dirige et les intérêts particuliers qui s’expriment en lui, moins imprégné de l’idéologie de l’intérêt général. Ceci pose un problème de légitimité et donc, à terme, de la possible remise en question de la loyauté (au sens de Hirschman) des citoyens à l’égard de l’Etat. 

 

Postface de 1993 : 

 

L’Etat, que l’on souhaite « impartial «, est un acteur essentiel de la régulation sociale mais a, selon les périodes, joué un rôle plus ou moins important. Ainsi, on peut distinguer le gaullisme planificateur et interventionniste du giscardisme libéral et libre-échangiste ou de l’Etat socialiste se voulant « démocratique « et antilibéral. De même, les cohabitations de 86 et 93 ont été marquées par des politiques tout à fait contraires à celle menée par les gouvernement précédents. Cela contribue à une délégitimation grandissante de l’Etat fort. 

Dans un second temps, on peut remarquer l’hésitation de l’Etat socialiste, tant au niveau du Parlement que du gouvernement, entre le modèle de la République des fonctionnaires(cf. les deux énarques Fabius et Rocard), celui de la IIIème République(cf. l’enseignant Pierre Mauroy et l’ouvrier Bérégovoy, typiques du personnel politique professionnalisé) et même, celui du marché avec un Etat minimum(cf. Cresson, diplômée de HEC, carrière dans le privé), tandis que les deux cohabitations suivaient clairement le modèle gaulliste de la République des fonctionnaires (Chirac, Balladur) 

Les dirigeants socialistes ont affiché leur volonté de changer l’Etat, cela s’est traduit dans la nature de l’élite politique. Ainsi, on remarque la diminution du nombre de hauts fonctionnaires dans les gouvernements au profit de quelques personnalités de la société civile (cantonnée à des postes sans importance) mais surtout d’autres fonctionnaires (les enseignants particulièrement), ceci conduisant à une « fonctionnarisation « du personnel politique au détriment des professions libérales, très présentes dans les républiques précédentes. Cependant, ce constat reste à nuancer. D’abord, si les hauts fonctionnaires sont moins nombreux, ils préservent tout de même généralement les ministères les plus importants(Affaires étrangères,…). De plus, ils sont toujours majoritaires dans les cabinets ministériels (à l’exception du gouvernement Cresson où leur recul est notable), et s’installent confortablement aux emplois de direction des entreprises privées ou publiques, avec lesquelles précisément, le gouvernement élabore sa politique économique. 

Au Parlement, la présence plus ou moins nombreuses de députés issus du personnel professionnalisé classique dépend des résultats socialistes aux élections : Plus le score est bas, moins ils sont représentés. 

 

Ainsi, malgré la volonté de changement affichée, les quelques évolutions, qui seront d’ailleurs reprises par les gouvernement gaullistes (qui ouvrent eux davantage la porte à des médecins, avocats et professeurs du supérieur et non plus seulement aux hauts fonctionnaires) n’occultent pas la permanence des structures antérieures. On peut donc constater qu’un simple changement de valeurs ne saurait ébranler les structures et la logique étatiques, historiquement ancrées. Le seul bouleversement notable fut celui de l’arrivée de François Mitterrand (avocat), idéal-type du personnel professionnalisé de la IIIème et de la IVème République, à la présidence de la République, et l’entourage dont il s’est doté à l’Elysée. 

 

Enfin, on constate une politisation croissante de l’appareil d’Etat, les hauts fonctionnaires ne se voulant plus « neutres « mais étant désormais souvent membres dirigeants de partis politiques, de sorte que la nomination des hauts fonctionnaires aux postes de direction des entreprises publiques ou de l’appareil d’Etat se politise également. Ainsi est remise en question l’autonomisation de l’Etat face à sa soumission à des intérêts partisans, face à une toute nouvelle symbiose entre l’administratif et le politique. La neutralité administrative de l’Etat n’existant plus, sa légitimité et la spécificité du modèle francais, son « Etat fort «, sont d’autant plus remises ne question.

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