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Fiche de lecture : PRÉFACE DE CROMWELL de Victor Hugo

Publié le 18/11/2018

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PRÉFACE DE CROMWELL
Victor Hugo. Essai esthétique, 1827.
 
Alors qu’il avait rédigé une préface plutôt conciliante à ses Odes en 1822 et en 1826, Victor Hugo (1802-1885) écrit en 1827 le manifeste anti-classique qui définit les principes du drame romantique: sa préface à Cromwell*, drame en vers ayant pour sujet la révolution anglaise. Victor Hugo commence par distinguer trois âges de l’humanité, en affirmant que « les temps primitifs sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques». Il insiste sur l’idée chrétienne de la dualité de l’homme comme origine du drame. Ce caractère double doit être reflété dans l’art dramatique, qui devient la «poésie complète» et qui a pour fonction de peindre la réalité dans toute sa diversité — d’où un nécessaire mélange des
 
genres et l’abandon des règles d’unité de temps et de lieu imposées artificiellement par le théâtre classique. Ayant pour base une esthétique des contrastes entre grotesque et sublime, le drame romantique ne cherche plus à imiter les grands Classiques, mais à prendre la nature et la vérité pour modèles, en choisissant comme sujet l’homme aux prises avec les événements historiques. C’est en fait la liberté dans l’art que réclame cette préface, dans un style vigoureux et parfois agressif. La liberté, mais non la révolution: Victor Hugo admet que certaines conventions telles «la grammaire et la prosodie» demeurent nécessaires, de même que l’unité d’action qu’il appelle «unité d’ensemble» parce qu’elle est « la loi de perspective du théâtre». Il n’entend imiter «pas plus Shakespeare que Molière, pas plus Schiller que Corneille», mais il veut garantir au drame son statut d’œuvre d’art et c’est pourquoi il défend le vers comme langage scénique et préconise l’emploi d’une langue à la fois riche, moderne et poétique.

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Cromwell [Victor Hugo] - fiche de lecture. 1 PRÉSENTATION Cromwell [Victor Hugo] , drame en cinq actes et en vers de Victor Hugo, publié en 1827, adapté pour la première fois à la scène en 1956, et dont la préface est considérée comme le premier grand manifeste du romantisme. En 1657, Cromwell parvenu au sommet du pouvoir après le régicide de Charles I er et l'instauration de la République, est tenté par la Couronne, que le Parlement et la cité de Londres s'apprêtent à lui offrir.

Mais il se ravise, car il découvre, une nuit, qu’il est la cible d'un complot qui coalise contre lui les républicains puritains et les royalistes catholiques, à l'affût de son premier faux pas.

Il attend le sacre pour refuser la couronne.

Ses adversaires stupéfaits reconnaissent sa grandeur, le peuple admire sa modestie.

Ce dénouement heureux ne l'empêche pourtant pas de rester frustré dans ses ambitions monarchiques. 2 LE THÉÂTRE HISTORIQUE : ALLUSIONS ET RÉFLEXIONS Hugo s'inspire du théâtre de Shakespeare et du roman historique de Scott ; s'il prend des libertés avec la réalité historique, il restitue avec précision son contexte, par le décor londonien et par la multiplicité des personnages (quatre-vingt-neuf, plus les figurants), qui vont de l'homme du peuple au puissant.

L'Histoire, telle qu’elle est montrée, n'est pas seulement faite par les grands, mais aussi par les masses.

Le drame romantique dont Cromwell donne le modèle a la double visée de représenter le passé et le présent, par analogie des situations : ainsi, le grand homme issu de la révolution républicaine et qui ambitionne de reformer une monarchie, contre les tenants de la dynastie déchue, évoque pour les contemporains à la fois les ambitions impériales de Bonaparte et la Restauration de 1815. 3 UNE ESTHÉTIQUE CRITIQUE La composition est très libre : scènes de foule, théâtre dans le théâtre, jeux de mots, chansons, répliques discontinues qui rompent la régularité de l'alexandrin.

Le sublime des situations est miné par le grotesque, qui touche aussi le grand homme, prenant la valeur critique d'une interrogation sur la légitimité des puissants. 4 LA PRÉFACE DE CROMWELL, MANIFESTE DU ROMANTISME Hugo monte dans sa préface une machine de guerre contre l'idéalisme du Beau, en dressant un panorama historique de l'évolution des conceptions esthétiques ; puis il élabore une théorie du Beau comme « harmonie des contraires », le grotesque et le sublime, de l'union desquels « naît le génie moderne ». 5 « HOMO DUPLEX » Hugo distingue trois âges de la poésie : les temps primitifs (lyriques), antiques (épiques) et modernes (dramatiques) ; ces derniers correspondent à l'avènement du christianisme, qui révèle à l'homme sa double nature spirituelle et matérielle, le plongeant dans la mélancolie.

Le drame naît de cette découverte : « Les hommes et les événements, mis en jeu par ce double agent, passent tour à tour bouffons et terribles, quelquefois terribles et bouffons tout ensemble.

» Hugo réhabilite donc, en utilisant le dualisme chrétien, ce qu'il appelle le grotesque, qui s'oppose au sublime, tout en étant étroitement lié à lui.

Au beau qui « n'a qu'une forme », Hugo oppose le laid qui « en a mille » ; le drame, en les représentant ensemble, se rapprochera de la vérité de la nature. 6 UNE DRAMATURGIE DE LA VÉRITÉ Il combat ainsi la poétique classique qui se réclamait d'Aristote en séparant le genre noble (la tragédie et l'épopée, qui chantent en vers les passions des grands) du genre bas (la comédie en prose, qui dénonce les ridicules du peuple), et appelle de ses vœux une nouvelle forme de théâtre, inspirée du modèle shakespearien, qui « ferait passer à chaque instant l'auditoire du sérieux au rire, des excitations bouffonnes aux émotions déchirantes, du grave au doux, du plaisant au sévère […] ». Le grotesque a une fonction esthétique (faire ressortir le sublime par contraste), métaphysique (la proximité du rire et de la mort dévoile les vanités terrestres), critique enfin : il met tous les hommes à égalité, en montrant la grandeur et la mesquinerie des puissants comme des humbles. 7 LE RÊVE D'UN THÉÂTRE EN LIBERTÉ La révolution prônée par Hugo s'étend à l'alexandrin, qu'il veut plus naturel « sachant briser à propos et déplacer la césure […] plus ami de l'enjambement qui l'allonge que de l'inversion qui l'embrouille ».

Il ne s'agit pas d'y renoncer, car le drame ne doit pas copier platement la nature, mais montrer le fonctionnement du monde à travers « un miroir de concentration ».

Pour cela, la plus grande liberté créatrice doit être laissée au poète.

Selon Hugo, les règles ont ligoté les auteurs classiques, surtout les unités de temps et de lieu et la bienséance, qui entravent la vérité.

Mais il est conscient que cette nouvelle esthétique s'adapte mal à la scène de son temps.

Cromwell, il le sait, n'est pas jouable tel quel à son époque.

Plus tard, Hugo adoptera, pour qu’il soit joué, une esthétique du compromis (longueur du texte et nombre de personnages réduits, unité de lieu respectée à l'échelle de l'acte) ; mais en 1827, il rêve d'un théâtre total, qui pourrait même s'associer « les fascinations de l'opéra », anticipant sur les révolutions scéniques et dramaturgiques du XXe siècle.. »

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