Fiches de lecture - Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar

                                   Cher frère,

   Hier, à Vienne, je pensais à toi. A peine mon tour du monde commencé que tu me manques déjà. Si je veux réaliser mon rêve, c'est-à-dire écrire un livre comportant des contes d’horizons différents, cette expérience m’est indispensable.  Je doute de te poster cette lettre, peut-être par manque de temps, mais peu importe.

 Me voici à Istanbul, installée dans un palace de luxe. Tu serais fou de ce petit bureau en acajou d’où je t’écris, tout en regardant les rives du Bosphore surplombant ma fenêtre. Tu te souviens lorsque nous étions adolescents, quand nous passions devant les portiers des grands hôtels et que tu me prenais par la taille comme si nous étions un prince et une princesse en visite à l’étranger ? Je devrais être ravie par cet incroyable voyage mais Londres me manque, et toi aussi.

   J’ai trouvé au marché aux puces, quelque chose qui te fera sûrement plaisir, une superbe trompette Selmer que j’en suis sûre tu adoreras ! A mon retour, nous irons flâner le long de la Tamise et tu joueras pour moi, j’espère.

  Une chose étrange m’est arrivée. Cet après-midi, l’envie m’as pris d’aller boire un thé à la cannelle, mon préféré ! Alors que je venais de m’asseoir, une femme d’un certain âge, d’origine arabe, s’installa à côté de moi. Nous échangèrent quelques paroles, puis elle me raconta l’histoire d’un homme qui avait été son amant, un certain prince Genghi…une histoire que j’ai adoré ! Je compte bien écrire un très beau conte sur ce que cette dame m’a raconté !

  Peut-être est-ce le destin ? Peut-être que cette histoire m’inspirera dans des futurs contes qui seront racontés à travers tout l’Orient ?

  Je t’embrasse en regardant les toits d’une ville que tu aimerais passionnément, j’en suis certaine.

Ta très chère sœur    

Marguerite Yourcenar