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GUERRE D’ESPAGNE DE 1823. de François-René de Chateaubriand

Publié le 30/03/2016

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D’autre part, l’auteur est convaincu que cette philosophie trouve sa meilleure expression dans l’âme populaire russe. Les représentants les plus authentiques en sont, le soldat Platon Karataïev et - sur un plan plus élevé -le général Koutouzov. Karataïev, avec sa prière vespérale : « Seigneur, fais-moi dormir comme une pierre et me lever comme le pain », exprime la soumission élémentaire, profondément religieuse, de l’homme à l’absolu qui le gouverne. En lui s’énonce déjà le principe de la non-résistance au mal, dans l’intimç conviction que seules importent les manifestations de la bonne volonté. Koutouzov, qui considère l’invasion et ses effets avec l’intuition d’un villageois russe, sait que l’effort de Napoléon est déjà épuisé et destiné à s’évanouir dans l’immensité désolée des steppes. Aussi ne se préoccupe-t-il pas de chercher la bataille rangée ; il attend avec confiance l’heure de la grande retraite. Koutouzov est le représentant éclairé d’une conception mystique de la vie, dont seul le peuple russe, contemplatif, patient, naturellement innocent jusque dans ses excès, peut, selon l’auteur, porter le message au monde. Cette conception,

 

que Tolstoï ne craint pas de développer avec une certaine rigueur théorique (les dernières pages du roman constituent un véritable essai de philosophie de l’histoire, indépendant du reste de l’œuvre), trouve ensuite sa large réalisation artistique dans l’ensemble de ce roman-poème où les motifs psychologiques, épiques et descriptifs se fondent dans une merveilleuse unité. L’œil clair et rêveur de Pierre Bézoukhov joue le rôle d’un écran sur lequel se reflète le monde, dirigé par une fatalité latente, mystérieusement sage. Son incertitude n’a de l’indécision que l’apparence ; en réalité, Pierre - et il en devient de plus en plus conscient - ne fait que s’initier à la véritable contemplation. S’obstinant, dès l’âge d’homme, à porter des jugements sur son entourage, il finira par comprendre que tout jugement n’est qu’une forme du relatif. Néanmoins, il restera toujours impuissant devant l’absolu. Il arrive, alors, que, grâce à la participation sereine de l’âme à toute action de la vie journalière, le geste réalisé sur le plan terrestre devient - sur un plan supérieur - une sorte d’adhésion à la vérité éternelle. C’est pourquoi Pierre n’agit presque jamais et lorsqu’il le fait, ses tentatives sont lourdes et gauches.

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