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HORACE de Pierre Corneille (analyse détaillée)

Publié le 23/10/2018

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HORACE. Tragédie en cinq actes et en vers de Pierre Corneille (1606-1684), créée à Paris au théâtre de l'hôtel de Bourgogne en mai 1640, et publiée à Paris chez Courbé en 1641.

Trois ans après le Cid et la querelle qui s'ensuivit, Corneille revient au théâtre avec la volonté de s'imposer dans le plus haut genre et de convaincre les doctes sur le terrain des unités. Il délaisse la mythologie qu’il avait cultivée dans Médée (1635), sa première tragédie, et inaugure avec la seconde une longue série de tragédies historiques et politiques. S'appuyant notamment sur Tite-Live, il se tourne vers les origines de Rome pour dire la naissance de l'État. La pièce s’imposa difficilement (on critiqua en particulier le meurtre de Camille).

 

La guerre qui oppose Albe et Rome va être résolue par un combat entre les trois champions que chaque cité désignera. L'AIbaine Sabine, épouse d’Horace. et Camille, sœur d Horace promise à Curiace, frère de Sabine, disent leurs craintes et leur douleur (Acte I). Le choix est fait : Horace et ses frères affronteront Curiace et ses

frères. Camille pousse Curiace à se récuser, Sabine veut mourir, le vieil Horace invite son fils et Curiace à faire leur devoir (Acte II). Emues à l'idée d’un tel combat les deux armées veulent qu'on désigne d'autres combattants ; mais les dieux, interrogés par un sacrifice, y paraissent hostiles. Premières nouvelles du combat : les deux frères d’Horace sont morts, lui-même a pris la fuite, Rome est perdue. Le vieil Horace se promet d'exécuter son fils infâme (Acte III). Mais ce n’était qu'une ruse : Horace a tué un à un ses trois adversaires. À son retour. Camille lui reproche son attitude « barbare » et maudit Rome ; Horace la tue (Acte IV). Le roi de Rome juge Horace à la demande de Valère, un Romain amoureux de Camille : il le dit « au-dessus des lois » et abolit son crime : Horace vivra pour défendre Rome (Acte V).

La seconde naissance de Rome s'inscrit dans une conception providentielle de l'Histoire. La première reposait sur un fratricide, celui de Rémus par Romulus ; la seconde réitère le meurtre au plan des cités (Rome doit « tuer » Albe, sa « mère » - Romulus était petit-fils d'un roi albain) et le redouble au niveau des personnes (Horace tue Curiace, le parent par alliance, puis sa sœur). Horace et Camille pour Rome, Curiace et Sabine (personnage inventé) pour Albe : deux camps, deux protagonistes et trois adversaires en lice pour chacun d'eux. Une structure apparemment symétrique, mais d'emblée faussée : si tout n'est pas perçu du point de vue de Rome, toute la pièce s'y déroule - Albe est déjà reléguée dans les coulisses du théâtre et dans le passé ; le vieil Horace est la seule figure paternelle, y compris pour Curiace auquel il rappelle son devoir ; Rome a un roi, Albe n'a qu'un « dictateur ». La prééminence romaine est déjà en puissance. Un héros en permettra l'accomplissement.

 

Horace forme avec Curiace, Camille et Sabine un quatuor dont chaque membre incarne un choix face à l'épreuve imposée par les dieux. 

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« ficativement, Horace n'apparaît qu'à l'ac te Il.

n est l'avenir, qui doit passer par un être nouveau : il ne peut venir qu'après les autres, contre eux et au­ dessus d'eux.

Face à l'épreuve du combat fratricide, Sabine refuse de choisir, se co nd amnant à l'Impuis ­ sance et à la déploration, femme d'un autre âge -et d'un autre théâtre- qui n'aspire qu'à la mort.

Curia ce en reste au stade du devoir : il est vaincu avant même le combat parce qu'il ne se vainc pas lui-mêm e, parce qu'il ne se plie qu'extérieurement à l'exige nce que l'épreuve lui impose : «Je suis homme,., déclare-t-il, et il entend le demeurer- rien n'éclaire mieux que lui ce que la na issance de l'État exige, a contrario, de son fondateur.

Double " trop humain » d'Horace, il est l'anti­ thèse de ce que ce dernier doit être : en le tuant, Horace rompt les liens de l'alliance par l'amitié ou l'amour.

Avec Camille, ce sont ceux du sang qu'il faut combattre.

Refusant le sacrifice que demande l'État, atteignant l'h éroïsme dans l'ordre désormais révolu de l'amour, Camille se fait le héraut de ce qu'Horace doit dépasser.

En maudis­ sant RoJ!le, elle commet le premier crime d'Etat : Horace ne peut que la tuer, non pas sous l'emp rise de la colère .

mais parce que la « patience à la r aison fa it place ».

Pour elle qui le juge à l'aune de l'humain, il est «b arbare " ; pour lui qui s'identifie à l'État et à ses valeurs, c'est le « souhait impie,.

de sa sœur qui « est un monstre "· Il n'a rien d'un insensible : il le devient par un effort sur soi, dans un dési r d'élévation où il trouvera la gloire.

Non pas inhu­ main, mais temporairement au-delà de l 'humai n.

" Fidèle au portrait aristotéli­ cien du Magnanime " (M.

Fumaroli), il doit sacrifier une part de lui-même pour que naisse l'État -l'idée du sacri­ fice, au sens religieux du term e, par­ court la pièce.

À la fondation de l'État doit cepen­ dant succéde r la loi, le hé ro s doit être résorbé dans l'ordre nouv eau : l'acte V, rupture sur le plan dramati­ que -le jugement et les p laidoiries suc­ cèdent aux coups de théâtre et à la violence-, est donc né cessaire.

« La mort seuie aujourd'hui peut conserver ma gloire,., dit Horace, avant de s'effa­ cer devant le roi et de lui laisse r la parole.

Le meurtre de Camille, déclare celui-ci, «outrage la nature», mals Horace est « au-dessus des lois ,., so n héroïsme était un don divin : on · ne peut lui pardonner, on ne peut qu'effa­ cer son acte, l'oublier pour l'intégrer dans l'ordre rassurant du mythe.

«Vis pour servir l'État » : Horace redevient un soldat comme un autre, à qui l'on impose la réconciliati on avec tous.

On abolit le crime pour, sans la nier 1 mas­ quer l'origine monstrueuse de l'Etat et en rendre les dieux seuls comptables.

Alors se trouve défini un nouveau rap­ po rt entre le roi et le héros, admis s'il se met au service de l'É tat : la pièce, dédiée à Richelieu , serait une prise de position en faveur de l'absolutisme naissant.

Mais l'équilibre ainsi instauré pourrait bien porter en germe ce qui le comp romettra, et parce qu'il suppose l'a llégea nce, des plus hauts sujets, et parce que l'Etat, fondé sur la négation des valeurs proprement humaines, dès l 'abo rd associé au secret et à la raison d'État, est, du point de vue de l ' homme, un «monstre » toujours sus­ ceptible de dévorer ses enfants.. »

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