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JEU DE LA FEUILLÉE (le) d'Adam de la Halle, ou Adam le Bossu (analyse détaillée)

Publié le 22/10/2018

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JEU DE LA FEUILLÉE (le). Jeu dramatique en vers d'Adam de la Halle, ou Adam le Bossu (seconde moitié du xiiie siècle), joué le 3 juin 1276.

 

Quand Adam de la Halle fait représenter le feu de la feuillée [li fus de la fuellie], son œuvre comprend déjà de multiples chansons, des motets, des rondeaux, des strophes sur la mort, un Dit d'amours, une chanson de geste Inachevée, le Roi de Sicile, et surtout des jeux-partis, les Congés et sans doute le feu de Robin et Manon (entre 1270 et 1290), sans oublier qu'il fut aussi un des plus grands musiciens du Moyen Âge. D'autre part, le genre dramatique du jeu a déjà été illustré par le feu de saint Nicolas de Jean Bodel et l’anonyme Courtois d’Arras (xm* s.)

 

Adam annonce son intention de quitter Amas pour reprendre ses études à Paris Comme ses amis Hane, Riquier et Guillot. doutent qu’il réalise son projet le poète fait un long portrait antithétique de sa femme Maroie, belle hier et laide aujourd’hui. Son père, maître Henri, refuse de l'aider (v. 1-199). Un médecin, le physicien, entre en scène : sa consultation s’ouvre sur une critique

des avares, des goinfres d'une débauchée. Dame Douce, et des femmes d'Amas Arrive alors un moine, porteur des reliques de saint Acaine, dont il prétend qu'elles guérissent toutes les formes de la folie; aussi des sots se présentent-ils : Walet un jeune original, et surtout conduit par son père, un fou furieux, le « dervé », qui se manifeste bruyamment par une satire du puy [cende littéraire] d’Arras et en ouvrant un débat sur l’affaire des dercs bigames (v. 200-556). Un gnome, Croquesos, messager du roi Hellequin. annonce l'arrivée des trois fées. Morgue. Arsile et Magloire, pour lesquelles Adam et Riquier ont préparé une table et qui font aux deux Arrageois des dons contradictoires. Sous forme de jeu-parti, elles esquissent un portrait défavorable du prince du puy. Robert Sommeillon. et commentant le spectacle qu'offre la roue de Fortune, dénoncent les patriciens d'Amas. La féerie dégénère en sorcellerie (v. 557-875). Les acteurs se retrouvent à la taverne où l'on joue un tour au moine qui s'est endormi ; on lui fait croire qu'Hane a joué aux dés pour lui et perdu, et qu'il dort toutes les consommations, pour lesquelles il laisse en gage ses reliques. Un nouvel accès de folie du dervé contraint tout le monde à s'en aller (v. 876-1 099).

 

Il suffit de s’interroger sur le titre de la pièce pour en pressentir la complexité et la richesse. La « feuillée », c’est d’abord la branche de feuillage qui servait d’enseigne aux tavernes. En utilisant ce mot, Adam de la Halle se plaçait dans la filiation de Jean Bodel qui, dans le feu de saint Nicolas, avait dressé, en face du palais du roi sarrasin, une taverne arrageoise, et de Courtois d’Arras. Il a multiplié les liens avec ces deux pièces, dont il a repris des personnages, des expressions, des rimes et des schémas métriques. Ainsi le thème central de son jeu, «S’est drois que je me reconnoisse » [« Aussi est-il juste que je me retrouve », v. 171], reprend-il un des motifs de Courtois d'Arras où le héros doit se connaître, se reconnaître, c'est-à-dire « se retrouver soi-même », « retrouver sa raison », « se repentir », et le petit crieur de vin du feu de saint Nicolas,

« Raoul ou Raoulet, devient-il le taver­ nier de la Feuillée, Raoul le Waisdier.

Si Adam reprend à Bodel, outre le cadre nocturne de la pièce, les thèmes de la tromperie, de la fraude et de la dispute, il renouvelle profondément son modèle : le « prudhomme ,, [l'homme de bien], c'est maintenant maître Henri, égoïste, avare et goinfre, dans un monde sans miracle où les reliques de saint Acaire sont inefficaces contre la folie.

Cet univers déchu, sans morale ni conversion, se confond avec la taverne, dépouillée de ses joies et de ses richesses : le mal, la violence, la folie et le désespoir ont fini par triompher.

La taverne est le lieu de la folie, qui pouvait s'écrire « feullie », et qui occupe une place privilégiée autour des reliques et des pois, remède au Moyen Âge contre la démence et symbole de celle-ci.

La cohorte des sots est étoffée : Walet, «le jeune homme», qui rap­ pelle un Pois Pilés Valés de l'époque, joue de sa folie et, pour être aussi bon ménestrel que son père, accepterait qu'on le pendît ou qu'on lui coupât la tête; d'innocents rêveurs, Colart de Bailleul et Heuvin, vont à la chasse aux papillons; un hypernerveux, Wautier­ à-le-Main, se met en colère dès qu'on lui rappelle son surnom de Vitulus [le Veau]; le neurasthénique Jean le Queux en veut à tout le monde ; sur­ tout le « dervé >> [fou furieux], qui occupe cent quarante-trois vers des onze cents de la pièce, revient à trois reprises, agressif, souvent grossier, jamais en repos et toujours grimaçant, jouant toutes sortes de personnages.

Par son entremise sont abordées les questions les plus délicates : religion et pouvoir des reliques, devoirs des clercs, poésie officielle et traditionnelle.

Ainsi se trouvent dénoncées l'hypocrisie et la cupidité du moine.

Bien plus, l'auteur a tissé tout un réseau d'analo­ gies entre les fous et Adam lui-même : relation au père, allusion aux pois, jeunesse, prétention à l'art.

Le> où était déposée la châsse de Notre-Dame, sur la petite place du Marché : Guillot recommande d'y aller brûler un cierge en quittant la scène.

Cette volonté d'ancrer le Jeu de la feuillée dans les fêtes du cycle de Mai marque un regain d'intérêt pour de très anciennes traditions, venues du paga­ nisme, à un moment où l'Église les condamnait et cherchait à les christia­ niser ou à inventer des fêtes de rempla­ cement, car elle ne contrôlait pas encore l'ensemble du calendrier païen.

La « feuillée » représente enfin les. »

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