Journal du voleur
Publié le 12/04/2013
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Les pérégrinations du héros à travers l'Espagne et l'Europe rappellent la veine picaresque des romans du Siècle d'Or ibérique, de même que l'emploi de la première personne, le thème de l'exclusion et le caractère d' hagiographie à l'envers que revêt l'oeuvre. Sartre, invité par Genet à écrire la préface du recueil de son oeuvre complète, qui allait paraître, écrivit un gros ouvrage critique, Saint Genet : comédien et martyr, qui allait révéler certains mécanismes profonds de l'être et de l'écriture de l'auteur du Journal du voleur. Ce dévoilement de son être intime allait réduire Genet au silence pendljnt plusieurs années.
«
« Ma solitude en prison
était totale.
Elle lest moins maintenant que j'en parle.
»
~------- EXTRAITS
La prison, l'envers du palais,
fonde son être
Au détenu la prison offre le même sentiment
de sécurité qu'un palais royal
à l'invité d'un
roi.
Ce sont les deux bâtiments construits
avec le plus de foi , ceux qui donnent
la plus
grande certitude d
'être ce qu'il sont -qui
sont ce qu'ils voulurent être, et
le demeurent.
La maçonnerie, les matériaux , les propor
tions, l'architecture sont en accord avec un
ensemb le moral qui laisse indestructibles
ces demeures tant que la forme sociale dont
ils sont le symbole tiendra.
La prison m
'en
toure d'une garantie parfaite.
Je suis sûr
qu'elle fut construite pour moi -avec
le pa
lai s de justice, sa dépendan ce, son
monumental vestibule.
Selon le
plus grand sérieux tout m
'y fut
destiné.
(.
..
) La prison
m'accorde la même sé
curité.
Rien ne la dé
molira.
Coups de vent,
tempêtes, faillites n
'y
peuvent.
La prison
reste sûre de soi et
vous au milieu d'elle
sûrs de vous.
Sensations liées
au
vol
La serrure fractu
rée, dès que je l'ai
poussée la porte
écarte en
moi un
amas de ténèbres,
plus exactement,
une buée très
épaisse
où mon
corps est appelé à en
trer.
J'entre.
Pendant une
demi-heure
je vais opérer, si je
suis seul, dans un monde qui sera l'en
vers du monde habituel
.( ...
) La peur ne me
quitte pas une seconde.
Je ne songe pas pré
cisément au propriétaire du lieu, mais tous
mes gestes l'évoquent
à mesure qu'ils le
voient.
Je baigne dans une idée de fk
propriété quand je saccage la
p ropriété.
Je recrée le pro
p riétaire absent.
Il vit non en
face, mais autour de
moi.C'est
un élément fluide que je respire,
qui entre en moi, qui gonfle mes
poumons .
L e début
del' opéra
tion
va sans trop de peur.
Elle
arrive dès
que/ ai enfin
décidé de partir.
( ..
.)
La peur alors
envahit mon
corps.
Je vou
drais tout pré
cipiter.
Non me
pr écipite1~ aller
plus vite, mais faire
que tout, magique
ment, se presse.
Que
je sois
hors d'ici et
très loin,
mais quels
gestes faire
pour aller plus
vite
? Les plus lourds, les plus
le nts.
La lenteur amène la peur.
Ce
n'est plus mon cœur, mais tout mon
corps qui bat.
Je ne suis qu'une immense
t e mpe, la tempe bourdonnant de
cette
chambre pillée.
Gallimard, 1949
«Je compris alors
comme il est difficile
d 'accé der à la lumière
en crevant l'abcès de la
honte.
Travesti
je pus
une fois paraître avec
Pedro ...
»
NOTES DE L'ÉDITEUR « En nous infectant de son mal, Genet s'en
délivre.
Chacun de ses livres est une prise
de possession cathartique, un psychodrame.
En apparence chacun ne fait que reproduire
les précédents comme ses nouvelles amours
reproduisent les anciennes : mais par
chacun ce possédé se rend
un peu plus
maître du démon qui le possède.
Dix ans de
littérature qui valent une cure de
psychanalyse.
» Jean-Paul Sartre, Saint
Genet : comédien et martyr ,
Paris,
Gallimard, 1981.
d'inadhérence
au sol, au solide , à ce
« Genet, c'est vrai, ne cesse de parler de lui.
Mais même dans le
Journal du voleur qui
est délibérément autobiographique, la
biographie le cède à l'imaginaire, plus
précisément
à la transfiguration du vécu.
( ...
)
Aussi le
Journal du voleur marque-t-il une
charnière importante de l'œuvre.
Là, plus
qu'il ne raconte sa vie, Genets 'interroge
s ur ses obsessions, sur les motivation s qui
ont fait de lui un voleur, enfin sur l'origi ne
et
le sens de sa vocation d'écrivain comme
sur la signification de l'écriture.
»Cla ude
Bonnefoy, Jean Genet, Classiques du :xxe
siècle, Paris, Éditions Universitaires, 1965.
« Écrire souvent me gêne.
Écrire et avant
que d'écrire entrer dans la possession de cet
état de grâce qui est une sorte de légèreté,
1 Cotte / Sipa·lcono 2, 3 , 4 , 5 dessins de Jean Coctea u, L e livre blan c, éd .
Per so na, Paris, 1981
qu'on nomme habituellement le réel
écrire m'oblige à une espèce de loufoquerie
dans l'attitude, dans les gestes, et même
dans les mots.
Voler -et vivre parmi les
voleurs -exige une présence de chair,
d'os
et d'esprit positif...
Si je me soumets à
l eurs gestes, à leur verbe précis,
je n'éc rirai
plus rien,
je perdrai cette grâce qui m'a
permis la quête des nouvelles du ciel.
Il
faut choisir ou alterner.
Ou se taire.
»
Jean Genet, citation tirée d'un entretien
accordé
à Play Boy et repris dans
Obliques, N° 2, 1972.
GENET02.
»
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