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Journal d'un curé de campagne

Publié le 06/04/2013

Extrait du document

Georges Bernanos est issu d 'un milieu qui, par tradition, est de droite et catholique. Patriote fervent et chrétien engagé, i 1 se dépense sur tous les fronts. Infirme à vie à la suite d'un accident de motocyclette en 1936, il connaît des difficultés financières. Il émigre donc avec sa famille aux Baléares et écrit le Journal d'un curé de campagne (1936). Sa misère est telle que son éditeur doit lui rétribuer page par page son travail, au fur et à mesure de ses envois. Le Journal d'un curé de campagne est écrit à la première personne; c'est autant Je journal d'un prêtre que celui de l'écrivain. L'oeuvre débute sous un paysage de pluie d 'automne et s'achève au petit matin en hiver, tandis que meurt Je curé d' Ambricourt, qui déclare que « tout est grâce « ; Je livre se présente ainsi comme un vrai chemin de croix menant de la nuit vers la lumière. Ce que Robert Bresson a respecté à la lettre dans son admirable adaptation cinématographique (1950).

« « Cette nuit semble ne devoir jamais finir .» EXTRAITS -------~ Voici un exemple des réflexions qui parsèment le Journal d'un curé de campagne quand le jeune curé revient sur ce qu'il a écrit Peut-être encore ...

dois-je le dire? peut-être encore ce petit nombre d'hommes assem­ blés, vivant côte à côte jour et nuit, créent­ ils à leur insu l'atmosphère favorable ...

Je connais un peu les monastères, moi aussi.

J'y ai vu des reli­ gieux recevoir hum­ blement, face contre terre, et sans bron­ cher, la réprimande injuste d'un supé­ rieur appliqué à bri­ ser leur orgueil.

Mais dans ces maisons que ne trouble aucun écho du dehors, le si­ lence atteint à une qualité, une pe1fec­ tion véritablement extraordinaires, le moindre frémisse­ ment y est perçu par des oreilles d'une sensibilité devenue exquise ...

Et il y a de ces silences de salle de chapitre qui valent un applaudissement.

Je relis ces premières pages de mon journal sans plaisir.

Certes, j'ai beaucoup réfléchi avant de me décider à l'écrire .

Cela ne me rassure guère.

Pour quiconque al' habitude de la prière, la réflexion n'est trop souvent qu'un alibi, qu'une manière sournoise de nous confirmer dans un dessein .

Le raison­ nement laisse aisément dans l'ombre ce que nous souhaitons d'y tenir caché.

L'homme du monde qui réfléchit calcule ses chances, soit! Mais que pèsent nos chances, à nous autres, qui avons accepté, une fois pour toutes, l'effrayante présen ce du divin à chaque instant de notre pauvre vie ? A moins de perdre la foi -et que lui reste-t-il alors, puisqu'il ne peut la perdre sans se renier ? - un prêtre ne saurait avoir de ses propres intérêts la claire vision, si directe - on voudrait dire si ingénue , si naïve -des enfants du siècle.

Calculer nos chances, à quoi bon ? On ne joue pas contre Dieu.

Face à la comtesse et à la dureté qu'elle manifeste, le curé d' Ambricourt sent un besoin urgent de parler Ah ! c'est que le plus misérable des hommes vivants, s'il croit ne plus aimer, garde encore la puissance d'aimer.

Notre haine même rayonne, et le moins torturé des démons s'épanouirait dans ce que nous appelons le désespoir, ainsi que dans un lumineux, un triom­ phal matin.

L'enfer, madame, c'est de ne plus aimer.

Ne plus aime1; cela sonne à vos oreilles ainsi qu'une expression familière.

Ne plus aimer signifie pour un homme vivant aimer moins, ou aimer ailleurs.

Et si cette fa­ culté qui nous paraît inséparable de notre être, notre être même - comp rendre est encore une façon d'aimer - pouvait disparaître, pourtant ? Ne plus aimer , ne plus comprendre, vivre quand même, ô prodige! L'erreur commune à tous est d'attribuer à ces créatu res abandonnées quelque chose encore de nous, de notre per­ pétuelle mobilité alors qu'elles sont hors du temps, hors du mouvement,fixées pour tou­ jours.

«C 'est comme une voix qui me parle, ne se tait ni jour ni nuit.

» NOTES DE L'ÉDITEUR Bernanos a vécu une époque (les deux guerres mondiales et la guerre d'Es pagne) où le mal sous toutes ses formes a cruellement frappé les hommes.

Dans le Journal d'un curé de campagne, il représente le mal comme un monstre gluant qui aspire l 'homme vers le vide, comme un cancer qui mange les forces de vie.

C'est ce mal que combat le curé d' Ambricourt, qui souffre du silence de Dieu ; il réussit pourtant à y faire face, à dominer la maladie qui le ronge.

Il arrive à vaincre l'incompréhension du village, la méfiance de mademoiselle Louise, institutJ.ice au château, et les mauvais coups de Séraphita, l'élève espiègle et insolente du catéchisme.

Il parvient à briser le mensonge et la haine de la comtesse envers sa fille.

Cela, grâce à son humilit é, qui lui donne une grande lucidité .

et de simplicité démocratique, le domaine de prédilection satanique est la médiocrité, non le tragique, sa voie d'approche l 'indifférence , non la révolte.» Emmanuel Mounier, L' Espoir des désespérés, « La plus forte leçon de Bernanos a été de montrer qu'à notre époque de nivellement 1 Laure Albin -Guillot / D.R.

2.

3.

4 grav.

de Jack Ottaviano.

Lettres Françai ses.

1983 / Sipa lcono Point s, Seuil, 1970.

Bernanos a eu l'ambition « d'ass igner aux catholiques leur place dans ce monde , leur vraie fonction, celle d'inquiéteur ( ...

),celle qu'exige une conscience jamais en repos.» Pierre de Boisdeffre, Marabout Université.

BERNANOS02. »

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