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Le Jour de la chouette de Leonardo Sciascia (Fiche de lecture)

Publié le 14/03/2011

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1963: Le Conseil d'Egypte: un roman historique (la Sicile à la fin du XVIIIe siècle). Est montré l'échec de toute tentative révolutionnaire, ou réformiste, pour changer la Sicile. Hier, semble penser l'auteur, mais aussi aujourd'hui. Les forces conservatrices sont trop puissantes.    1965 : retour au roman policier politique avec A chacun son dû. En 1971, Le Contexte, et, en 1974, Todo modo, reprendront également la forme du roman policier pour dénoncer le «compromis historique« entre le parti communiste et la démocratie chrétienne, ainsi que le catholicisme politique.   

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« Mais quelque chose fait différer ce déroulement de celui admis par les conventions du genre (roman policier) : unchœur commente l'enquête, composé soit de citoyens siciliens moyens, soit de notables (ceux-ci, députés,«excellences», s'indignent de la pugnacité de Bellodi, et répètent que la mafia n'existe pas). Dénouement classique : les suspects (Diego Marchica, Pizzuco, Don Mariano) sont arrêtés.

Mais ils sont finalementtous relâchés : on leur découvre des alibis irréfutables, les indices à charge s'évaporent.

Des témoins au-dessus detout soupçon les innocentent.

11 ne reste au détective qu'une colère impuissante, et une inquiétude sur lespossibilités d'extension, peut-être indéfinie, du système mafieux. L'ANALYSE Le résumé le dit déjà : Le Jour de la chouette est un roman policier, ou une subversion de ce genre, comme d'autresouvrages par d'autres voies (voir Faulkner, Montalban, Borges). Un roman policier Un crime a été commis.

Un détective enquête.

Il interroge des témoins et des suspects (ils ont un mobile, mais aussiun alibi).

Le dénouement est la découverte du coupable par la révélation, le plus souvent, de la faiblesse d'un alibi.C'est un genre très codé, et une sorte de structure inversée du roman classique (qui va d'une situation, à dessujets, puis à leurs actes). La spécificité de ce récit tient d'abord à la personnalité de Bellodi, le capitaine enquêteur.

C'est un homme du nordde l'Italie.

Sa visée, dès lors, est double : découvrir les auteurs du crime, les faire arrêter et juger, mais aussicomprendre le fonctionnement de la mafia et son rôle dans la société.

Il a une double intention, l'une strictementpolicière, l'autre sociologique.

Son extériorité n'est pas sans rappeler celle du psychothérapeute ou celle del'ethnologue.

Sa double finalité, qui est celle de l'auteur, devient celle du lecteur. Ensuite, la dimension sociologique se prolonge en dimension politique.

Le but de Sciascia n'est pas seulementd'éclairer mais de dénoncer.

Un chœur commente l'action, et lui donne sa véritable signification.

Chœur de notables(excellences, députés) mêlés à des gens du peuple : Bellodi mène un combat idéologiquement orienté : « Espéronsque M.

le Député le fera revenir à sa polenta natale.

» Bellodi est suspecté de voir la mafia partout.

Cescommentaires s'accompagnent d'appréciations sur le fascisme : il n'a pas laissé que de bons souvenirs (c'est uneuphémisme) car son représentant, le préfet Mori, avait mené une lutte féroce contre la mafia.

Mais on craintencore plus les gens de gauche, et Bellodi est soupçonné de pensées ou d'engagement communistes.

On ne peutcomprendre, quoi qu'il en soit, la mafia, sans connaître les complicités dont elle jouit au plus haut niveau, lesresponsabilités dans la société sicilienne et dans l'État italien.

La séance à la Chambre des députés, à laquelle deuxmafieux ont été invités par leur député, est un des moments les plus révélateurs. Enfin, dans le roman policier classique, la solution de l'enquête entraîne l'arrestation des coupables.

Or, ici, lesassassins sont relâchés; le juge croit les témoins qui confirment leurs alibis.

La loi et l'État — leur serviteur Bellodi —ne font pas autorité. Mais tout cela ne dit rien sur le travail proprement littéraire : Sciascia, qui ne fournit pas un document, est unécrivain d'abord par la théâtralisation de l'action. Théâtralisation On pourrait parler de roman brechtien.

Bertolt Brecht (1898-1956), le metteur en scène est-allemand, refusait lesillusions du théâtre traditionnel (dramatique), prônait un «théâtre de l'ère scientifique» (ou épique): celui-ci,bannissant toute magie, n'aurait qu'un rôle didactique pour le public, s'efforcerait de lui faire prendre conscience descontradictions sociales.

Pas d'envoûtement ni d'identification : par une technique dite de distanciation, il faut inciterle spectateur à jeter un regard critique sur la réalité. Les éléments permettant une telle théâtralisation sont nombreux.

Importance des dialogues, alternance de ceux-ciet de chœurs (Siciliens anonymes, notables : les Onorevoles, c'est-à-dire les membres de la Chambre, lesEccelenzas, c'est-à-dire les hauts dignitaires) qui commentent ou se lamentent, indications de mise en scène et dedécors (au début par exemple la scène du meurtre : la place du pays avec ses deux clochers au fond; l'autocar quidémarre; un homme qui court, deux coups de feu, un homme tombe, chacun s'immobilise et se tait, le marchands'éloigne vers la porte de l'église). L'organisation de l'espace scénique fait voir la confrontation spéculaire, en miroirs opposés, de l'État légal et de lamafia, la lumière du jour et les actions nocturnes (la chouette).

Même les noms mettent en évidence ce contraste :à Bellodi, l'enquêteur, s'oppose Dibella, l'indicateur, alias Parriniedu.

Comme le note Claude Ambroise dans sonintroduction : « Dibella/di-bello suggère une opposition masculin/féminin.

» Si le miroir fait apparaître des êtresabsents, il est aussi piège et menace de mort. Fiction et réalité. »

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