Le Léviathan
Publié le 12/04/2013
Extrait du document
Le titre du livre trouve son origine dans la Bible. Dans le livre de Job (41 : 4-26) le Léviathan est décrit en ces termes : « Sa vue seule suffit à terrasser. Il devient féroce quand on l' éveille, nul ne peut lui résister en face. Qui donc l'a affronté sans en pâtir ? Personne sous tous les cieux ! « C'est donc bien d'un monstre omnipotent dont il s'agit, et l'image peut encore induire en erreur quant à une juste compréhension de la philosophie hobbienne. C'est dans la description de l'homme à l' état de nature que l'on trouve la célèbre formule de Hobbes selon laquelle « l'homme est un loup pour l'homme «. En effet, dans un tel état, une égale menace pèse sur chacun du fait que chacun est pour l' autre une menace. Rien ne peut en sortir · (ni agriculture, ni industrie, ni arts) puisque l'unique souci de l'être humain est celui de la conservation de soi et de la lutte contre autrui.
«
- ---- - --EXTRAITS
La vie de Hobbes
(1588-1679) est tout
entière consacrée à
l 'étude.
Il fait ses
études à Oxford,
voyage
en Europe et se
con s acre ensuite à la
rédaction de ses
principaux ouvrages.
Comme Descartes,
dont il est
contemporain, il fait
figure de savant se
passionnant autant pour
les problèmes de
mathématique que pour
ceux de morale.
Sa
pensée trouve pourtant
son achèvement dans
une réflexion sur la
politique.
L'état de guerre
De cette égalité des aptitudes découle une
égalité dans l'espoir d'atteindre nos fins.
C'est pourquoi, si deux hommes désirent la
même chose alors
qu'il n'est pas possible
qu'ils en jouissent tous les deux, ils devien
nent ennemis : et dans leur poursuite de
cette
fin (qui est, principalement, leur
propre conservation, mais
paifois seulement
leur agrément), chacun s'efforce de détruire
ou de dominer l'autre.
Et
de là vient que, là
où l'agresseur
n'a rien de plus à craindre
que la puissance individuelle
d'un autre
homme, on
peut s'attendre avec vraisem
blance, si quelqu'un plante, sème, bâtit, ou
occupe un emplacement commode, à ce que
d'autres arrivent tout équipés,
ayant uni
leurs forces,
pour le déposséder et lui enle
ver non seulement le fruit de son travail,
mais aussi la vie ou
la liberté.
Et l'agresseur
à son tour court le même risque à l'égard
d'un nouvel agresseur.
La liberté, la loi, le droit
On entend par liberté, selon la signification
propre de ce mot, l'absence d'obstacles ex
térieurs, lesquels peuvent souvent enlever à
un homme une
part du pouvoir qu'il a de
faire ce
qu'il voudrait , mais ne peuvent
l'empêcher d'user du pouvoir qui lui est
laissé, conformément à ce que lui dicteront
son jugement et sa raison.
Une loi de nature (lex naturalis) est un pré
cepte, une règle générale, découverte
par la
raison, par laquelle il est interdit aux gens
de faire ce qui mène à la destruction de leur
vie ou leur enlève le moyen de la préserver,
et d'omettre ce
par quoi ils pensent qu'ils
peuvent être
le mieux préservés.
En effet, en
core que ceux qui parlent
de ce sujet aient
coutume dé confondre
jus et lex, droit et loi,
on doit néanmoins les distinguer, car le
droit consiste dans la liberté de faire une
chose ou de
s'en abstenir, alors que· la loi
vous détermine, et vous lie à l'un ou à
l'autre ; de sorte que la loi et
le droit diffè
rent exactement comme l'obligation et la
liberté, qui ne sauraient coexister
sur un
seul et même point.
Le contrat : la fondation de l'État
Cela fait, la multitude ainsi unie en une
seule personne est appelée une république,
en latin
civitas.
Telle est la
génération de ce grand lé
viathan, ou plutôt
pour en
parler avec plus de révé
rence, de ce dieu mortel,
auquel nous devons, sous
le Dieu immortel, notre
paix et notre protection.
Car, en vertu de cette au
torité
qu'il a reçue de
chaque individu de la
République,
l'emploi lui
est conféré d'un tel pou
voir et d'une telle force,
que l'effroi qu'ils inspirent
lui permet de modeler les
volontés
de tous, en vue de
la paix à l'intérieur et de
l'aide mutuelle contre les
ennemis de l'extérieur.
En lui réside l'es
sence de la République, qui se définit : une
personne unique telle qu'une grande multi
tude d'hommes se sont faits, chacun d'entre
eux ,
par des conventions mutuelles qu'ils
ont passées l'un avec l'autre, l'auteur de ses
actions , afin qu'elle use de la force et des
ressources de tous, comme elle le jugera ex
pédient, en vue de leur paix et de leur com
mune défense.
Traduction de F.
Tricaud
Allégorie de la Justice, 1609
NO TES DE L'ÉDITEUR
L'homme selon Hobbes : « Bien entendu,
l'homme connaît comme l'animal des
plaisirs et des douleurs sensibles.
Mais son
champ d'expérience, qui s'étend à un passé
plus reculé et ouvre l'horizon
d'un avenir
plus lointain, lui permet d'abord d'éprouver
des plaisirs et des douleurs sensibles plus
divers
et plus nombreux, et ensuite, des
plaisirs et des douleurs indépendants de
l'état actuel de son être.( ...
) C'est
précisément le développement de la forme
mentale du plaisir et de la douleur qui
distingue fondamentalement
l'homme de l'animal.
Comme affects uniquement
mentaux, le plaisir et la douleur deviennent
joie et chagrin.
Ouvert à un champ
d'expérience plus large,
l'homme s'éprouve
dans la
joie et le chagrin.
Or, la joie et le
chagrin déterminent la spécificité de la
conscience de soi de l'homme, parce
qu'éprouvés indépendamment de toute
affection actuelle
de la sensibilité, ces
affects ébranlent de l'intérieur la totalité
" scientifiquement ", c'est-à-dire selon la
" définition causale ", les mécanismes du
politique, sans chercher à
proposer
à
l'homme d'action, comme le
fit Machiavel,
un code de règles pratiques assurant sa
réussite.
"Le grand Léviathan, qu'on appelle
République ou État " ( Civitas en latin,
Commonwealth ou State en anglais), est
l'" homme artificiel"," d'une stature et
d'une force plus grandes que celles de
l'homme
naturel", que l'art humain, en
imitant la nature, a scientifiquement pensé et
techniquement
construit.» S.
Goyard Fabre,
Le Droit et la loi dans la philosophie de
1 Gi raudo n 2 B.N .
3 Ediméd ia
de l'être.
» Y.
-C.
Zarka, La Décision
métaphysique
de Hobbes , Vrin, 1987.
« Du De corpore politico au Léviathan,
la politique mécaniste expose T.
Hobbes, Éditions Klincksieck, 1975.
HOBBES 02.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Hobbes, article 14: L'état de nature dans Léviathan et Le Citoyen
- Léviathan, Chapitre 13, Hobbes, 1651
- LÉVIATHAN. Roman de Julien Green (analyse détaillée)
- LE LÉVIATHAN DE THOMAS HOBBES
- LÉVIATHAN, ou la Matière, la Forme et la Puissance d’un État ecclésiastique et civil, Thomas Hobbes