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Le personnage de LAFCADIO d’André Gide, les Caves du Vatican

Publié le 23/10/2017

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LAFCADIO. Héros de la «sotie» d’André Gide, les Caves du Vatican ( 1914). Né à Bucarest en 1874. Sujet roumain. Enfant naturel d’un diplomate français, le comte Juste-Agénor de Baraglioul, et de la belle Wanda Wluiki, demi-mondaine hautement entretenue, dont les salons s’ouvrent à la société la plus brillante. Longtemps il n’aura d’autres maîtres que bénévoles : les cinq « oncles » successifs que sa mère lui donne au gré des mouvements diplomatiques — en realité, moins maîtres que complices. De chacun, tour à tour, il épouse la fantaisie, contracte la passion, généralement fort vive. Que celle-ci l’emporte est un risque à courir; sinon elle l'immunise.

Sparte veut que Lefcadio, dès que sevré, goûte à tous les poisons. D’emblée, on le met dans le bain de la vie. Aussi Lefcadio parvient-il à l’âge des diplômes et des carrières, intact, les mains vides, possédant pour tout pécule un assez étrange pouvoir qu’il lui tarde de vérifier. Le profit de quelques voyages, la connaissance de cinq ou six langues, les avantages de la grâce et de la beauté, la maîtrise d’un corps robuste et parfaitement délié, mais, entre toutes choses, le contrôle de soi obtenu à un degré peu commun et d’autant plus redoutable que la candeur du regard, l’extrême jeunesse de l’allure, la spontanéité des réactions n’en laissent guère deviner la rigueur: en de tels atouts Henri Beyle eût sans doute reconnu la chance du héros selon son cœur. Julien Sorel —  le Rouge et le Noir — se retrouve en Lefcadio: dans la volonté de se rompre et de se dompter, de« tuer la marionnette » en soi et de la manœuvrer chez les autres. Ils ont tous deux la même façon de se mettre au défi, de se crier «chiche !» Tout acte que Lefcadio se soupçonne d’avoir commis selon ’automa-tisme de la machine humaine, tout acte psychologiquement motivable (par le désir de

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paraître, l instinct de conservation, la pitié, etc.), il s’en punit sur-le-champ d’un coup de canif dans la cuisse (une «punta»), selon un rite de son adolescence. C’est qu'il lui plaît de dissimuler sous cet enfantillage le séneux de son ascèse, l’autorité de son éthique personnelle dont la formule tient dans le mot, si cher à Gide, de «disponibilité». Si son fenne propos est de traquer en lui les agents secrets de la morale conventionnelle, si son unique maxime est de toujours «passer outre», encore a-t-il horreur de l’impunité: «Oui ; c’est là ce qui me paraît si beau dans la vie; c’est qu’il faut peindre dans le frais. La rature y est défendue. » De même il sied qu’au jeu de vivre il n’y ait rien à gagner et qu’aucune nécessité ne détermine la participation — la compromission«Rien ne m’empêche autant que le besoin; je n’ai jamais recherché que ce qui ne peut pas me servir. » Cette insolente gratuité, Baudelaire l’avait nommée dandysme. Toutefois l’Ennui ne possède aucun prestige aux yeux de Lefcadio. Il n'est rien même dont il rougisse tant que de s’ennuyer. On sait « l’élégance de sa nature » : s’il expose si couramment sa vie, c’est que d’abord il y tient.

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