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Le Vicomte pourfendu d'Italo Calvino (Fiche de lecture)

Publié le 14/03/2011

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1979 : Si par une nuit d'hiver un voyageur, roman fait de dix débuts de romans interrompus à l'issue de quelques dizaines de pages. Chacun de ces dix commencements correspond à un style, et à un type de roman contemporain.

Calvino s'adresse en même temps à un lecteur fictif supposé être en manque, chercher la suite. Au cours de cette quête, ce «lecteur flottant« rencontre une lectrice imaginaire, Ludmilla, grande consommatrice de livres, qui, par amour, cherche avec lui. Nous n'en raconterons pas la fin.   

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« 1983 : Palomar rend compte de la vision d'un réel émietté et incertain.

Chaque court récit dit un fragment isolé parle regard de Palomar-Calvino, coupé ainsi du reste du Monde qui n'a plus ni cohésion ni unité.

Chaque point de vueest fugace et éphémère, sans suite : l'univers paraît, alors, n'être fait que d'instants fuyants, discontinus, privés desens. Calvino est mort à Sienne le 18 février 1985. LE ROMAN L'homme contemporain divisé, mutilé, incomplet, et sa nostalgie de l'harmonie antique ou d'une nouvelle com-plétude. Le vicomte Médard de Terralba part, heureux, confiant, enthousiaste et sans expérience à une bataille qui opposeles Autrichiens aux Turcs.

Même le spectacle des horreurs de la guerre (charognes de chevaux et de vautoursmêlés, puanteur, mouches bourdonnant autour des excréments, prostituées sales et déguenillées, membres épars,doigts coupés posés sur les chaumes, etc.) n'altèrent pas ses certitudes intactes et son juvénile désir d'endécoudre.

Mais un coup de canon turc le laisse fendu en deux sur le champ de bataille.

Les médecins recousent lapartie droite de son corps, laissant sur place la partie gauche qu'ils pensent réduite en miettes (chapitres I et II). Un «demi-Médard», donc est revenu sur ses terres de Terralba.

Comme si toutes ses actions et tous ses proposportaient la marque de son état d'homme coupé en deux, il ne cesse de pourfendre hommes, végétaux, choses, etfait régner la terreur.

Son jeune neveu, qui est le narrateur, conte les manifestations d'une méchanceté quin'épargne aucun des habitants des petites communautés de Terralba : lui-même se voit offrir des champignonsvénéneux.

Pour des délits bénins on est conduit à la potence.

Maître Pierreclou seul tire son épingle du jeu :charpentier de son état, il construit les instruments de torture les plus perfectionnés possibles.

Le docteurTrelawney se réfugie dans des recherches qui le mettent à part : soin des bêtes, chasse des feux follets.

Leslépreux, bien qu'exclus à Préchampignon, vivent dans la musique, la danse, et l'orgie leur «dolce vita».

La vieillenourrice du vicomte est envoyée de force dans leur village.

Une communauté de huguenots, qui n'a gardé de lareligion que des rites, une morale vidée de son sens, et des pratiques économiques, essaie de se protéger. Le chapitre VII narre le retour inattendu de la seconde moitié du vicomte, la partie gauche que tout le mondecroyait détruite à jamais et qui avait été aussi rapiécée et reconstituée par des médecins.

La suite du récit seraconsacrée au combat que se livreront, sans se rencontrer, les deux moitiés du vicomte.

Autant l'une était efficacedans la destruction méchante, autant l'autre se révèle impuissante dans l'amour généreux et bon.

Et même gênante: les huguenots n'apprécient pas son conseil de faire baisser le prix du seigle par charité, le charpentier aimerait biencontinuer à améliorer ses échafauds, et les lépreux ne supportent pas les leçons de morale.

« Nous nous sentionscomme perdus entre une vertu et une perversité également inhumaines.

» Heureusement, un incident imprévu permet de retrouver l'unité perdue, de reconstituer Médard.

Les deux moitiésdésirent épouser la bergère Pamela, se battent en duel, font au cours du combat sauter les sutures anciennes.

Ledocteur Trelawney en profite pour recoudre la partie gauche à la partie droite.

On a enfin, à nouveau, un êtrecomplet.

Peut-on espérer, pour autant, le bonheur? Un doute demeure : «Il est clair qu 'il ne suffit pas d'un vicomtecomplet pour que le monde soit complet.

» L'ANALYSE Structures narratives L'histoire se déroule suivant un rythme ternaire que les philosophes (Hegel, Marx) appelleraient dialectique ; Médardentier allant joyeusement à la bataille ; Médard coupé en deux ; Médard reconstitué.

Mais un mouvement de cetype permet, selon Hegel, un progrès (par exemple, il faut s'arracher aux verts paradis de l'enfance, grâce auxtourments de l'adolescence en crise, pour atteindre la plénitude et l'achèvement de l'adulte; inconscience despremières années, déchirements de la prise de conscience, conscience supérieure de la maturité).

Les engagementspolitiques d'Italo Calvino alors (P.C.I.) montrent qu'il n'était pas étranger à cette manière marxiste de penser ledevenir: mouvement vers l'unité et la réconciliation à travers les contradictions et leur dépassement.

Mais uncertain pessimisme empêche Calvino de croire au progrès autrement que comme à une possibilité : un vicomtecomplet, ce n'est pas encore un monde complet.

Il n'est pas sûr que les déchirements actuels de l'homme trouventleur pleine solution. Une autre structuration du récit est envisageable, si l'on tient compte non du texte achevé, mais du processus decréation.

Calvino s'est expliqué à ce propos: «A l'origine de chaque histoire que j'ai écrite, il y a une image qui metourne dans la tête» (un baron perché dans les arbres, un chevalier inexistant sous son armure, un vicomtepourfendu, etc.) et « peu à peu j'en viens à développer cette image dans une histoire avec un début et une fin » ;ainsi l'histoire s'organise-t-elle «elle-même de façon parfaitement géométrique».

L'image initiale est fantastique, lesconséquences sont logiques.

On a parlé de réalisme fantastique (les hommes actuels ne sont-ils pas des êtresdivisés?).

On pourrait parler de fantastique logico-mathématique : le principe premier étant posé, les conséquencesen découlent nécessairement.. »

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