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Il viscomte dimezzato -   Le vicomte pourfendu (1952)  roman d'Italo CALVINO

Publié le 20/05/2012

Extrait du document

- Une situation déterminée par une morphologie fonctionnelle, la division d'un être en deux parties opposées, d'où un monde d'un manichéisme simplificateur construit sur le duo bien-mal, mais qui pourtant conserve la substance et l'architecture fondamentale du monde réel.

- Des retournements extraordinaires et ironiques : la nourrice, qui se révèle meilleur médecin que le docteur Trelawney, qui craint les maladies humaines, fuit la lèpre, et préfère arpenter les cimetières, fasciné par le secret des feux follets - les lépreux qui prennent la vie du bon côté, font la fête toute la journée, chantent, dansent, mènent une vie licencieuse, sont bien plus heureux que les bien-portants - une potence qui devient un élément décoratif en raison de l'ingéniosité de son fabricant - le fils du rigide chef de la communauté huguenote qui a tous les vices - la partie gauche du vicomte (traditionnellement considérée comme sinistre, le latin «sinister« signifiant «qui est à gauche«) qui prodigue le bien, tandis que la partie droite incarne le mal - «le Bon« qui s'avère être aussi redoutable que «l'Infortuné« - etc..

- La succession des tribulations des deux moitiés, qui ne laissent pas de surprendre et d'intriguer, surtout lorsqu'on s'aperçoit qu'elles mènent chacune sa vie de son côté.

«De différents côtés des nouvelles arrivaient d'une double nature de Médard« : on rapportait, d'une part, «de sombres événements« ; d'autre part, de «bizarres accès de bonté du vicomte«. Or Paméla, alors qu'elle était elle-même bénéficiaire de cette bonté, déclara à son bienfaiteur : «Vous, vous êtes l'autre moitié, qu'on croyait disparue à la guerre et qui est revenue. Et c'est une bonne moitié.«, et apprit qu'en fait, le vicomte avait été, par le boulet, «fendu en deux moitiés«, dont la gauche n'avait pas été réduite en bouillie, mais avait été «enterrée sous une pyramide de restes turco-chrétiens«, puis retrouvée par «deux ermites«, qui «tentaient de faire s'embrasser la Trinité chrétienne et l'Allah de Mahomet«, et qui l'avaient «pansée et sauvée«, lui permettant ainsi de «revenir à son château«. Et cette bonne moitié, qui se préoccupait du sort des parents de Paméla, se déclara, à son grand plaisir, elle aussi, amoureuse d'elle.

Tandis que «l'Infortuné« proposa à sa mère que Paméla épouse «le vagabond pourfendu«, celui-ci proposa l'inverse à son père. Paméla, informée, décida de «combiner« quelque chose : elle déclara à chacun de ses soupirants qu'elle acceptait de se marier avec lui. Mais le jour du mariage, «l'Infortuné« arriva en retard, et le curé unit Paméla et «le Bon«. Les deux moitiés voulurent se battre, mais roulèrent à terre. Un duel fut possible quand maître Pierreclou eut inventé «une sorte de branche de compas fixée à la ceinture des pourfendus«. Ils se blessèrent chacun le long de leur vieille blessure, qui se rouvrit. Le docteur Trelawney effectua une habile intervention chirurgicale qui fit que «mon oncle Médard redevint un homme entier, ni méchant ni bon, mélangé de bonté et de méchanceté«, un homme comme les autres, encore qu'«il ne suffit pas d'un vicomte complet pour que le monde soit complet«. Devenu sage, il «gouverna avec justice«, tandis que le docteur Trelawney revint à l'exercice de la médecine, jusqu'à ce que la flotte du capitaine Cook s'étant présentée, il repartit avec elle, le narrateur restant «dans notre monde rempli de responsabilités et de feux follets.«

« qu'elles mènent chacune sa vie de son côté.- Comme, dans le dernier tiers du roman, la narration progresse en suivant alternativement le cheminement de l'une et del'autre moitiés, sous une apparente simplicité, elle se déroule donc selon une visée mimétique, la forme étant image et signede la «double nature» de Médard.

Calvino indiqua : «De même qu'un peintre peut utiliser un contraste brutal de couleursparce que cela lui permet de mettre en évidence une forme, ainsi avais-je utilisé un contraste narratif bien connu pourmettre en évidence ce qui m'intéressait, à savoir la division.

[...] J'ai veillé à donner au récit un squelette qui fonctionnecomme un mécanisme bien enchaîné, et la chair et le sang de libres associations d'imagination lyrique.» Le livre comporte dixchapitres d'inégale longueur (les premiers sont courts et limités à une ou deux séquences ; mais le cinquième, soudain,s'étend longuement et se divise en épisodes différents, comme le font encore les suivants).

Opposant ce roman à celui qui allait suivre, ‘'Le baron perché'', Italo Calvino le qualifia de «récit hors du temps, audécor à peine esquissé, aux personnages filiformes et emblématiques, à l'intrigue de fable pour enfants».

Italo Calvino prétendit avoir écrit un «récit hors du temps, au décor à peine esquissé».

Pourtant, ce roman, qui fut peut-êtreune hyperbolisation de la mésaventure de Cervantès (parti en croisade contre les Ottomans, il participa à la victoire deLépante qui mit fin en 1571 à l'avancée des Turcs en Méditerranée, mais y perdit un bras), se veut en quelque sortehistorique, et appelle un certain nombre de remarques :- La présence de lépreux en Europe caractérise le Moyen-Âge, la décroissance de la maladie y ayant débuté dès leXVIe siècle, sans qu'on puisse en donner une explication satisfaisante.[.] Le docteur Trelawney est un médecin anglais qui fitpartie de l'équipage du capitaine Cook, qui navigua dans le Pacifique, mais qui, à la suite un naufrage, débarqua à Terralba àcalifourchon sur un tonneau de bordeaux.

Et ce naufragé fantaisiste est aussi un médecin non moins fantaisiste, puisqu'il nes'intéresse pas aux maladies humaines, en a même assez peur, déteste soigner, se montre lâche et servile, est en quêted'une maladie imperceptible des grillons, puis de l'élucidation du mystère des feux follets.

Il fut annoncé par les chirurgiensqui, intéressés par ce «cas magnifique», s'occupèrent de Médard : «Et tous de s'occuper de lui pendant que les pauvressoldats qui n'avaient reçu qu'une flèche dans le bras mourraient de septicémie.

Ils firent des coutures, desapplications… Dieu sait ce qu'ils firent ! Quoi qu'il en soit, le lendemain, mon oncle ouvrait son unique oeil, sa demi-bouche, dilatait sa narine et respirait.

Il était, maintenant, vicomte et pourfendu.» (page 18).

Il représente le savant «pur» quirevient cependant, à la fin, à «la varicelle et l'érysipèle» (page 122).Le narrateur, qui est le jeune orphelin typique, mérite une attention particulière.

Il est omniprésent, d'une présence commeeffacée dans le décor et derrière les autres personnages.

Comme il va partout et chez tout le monde, il nous fait ainsidécouvrir tout le décor et les événements.Jeune garçon qui arrive «au seuil de l'adolescence.» (page 122), il vit pourtant, tout au long de ces pages, une véritablematuration, une réelle structuration de sa personnalité, à travers quelques rites d'initiation successifs.

Faisant face, par laforce des choses, à des situations pour le moins inconfortables, il est ballotté d'un protecteur occasionnel à l'autre, avant, àtravers une suite d'arrachements douloureux et de cicatrisations successives, d'acquérir peu à peu son autonomie, de deveniradulte.

Il éprouve d'abord, symboliquement, la rupture première, d'avec les parents : perdue par une mésalliance, sa mèremeurt misérablement, après la disparition brutale et peu glorieuse du père ; il fut recueilli par son grand-père, Aiulphe, etSébastienne s'occupa de lui (page 34).

Mais personne ne se soucia de l'éduquer.

Il a donc grandi libre comme l'air.Rencontrant le mal en la personne du «pourfendu», il put lui opposer le docteur Trelawney, «un camarade comme je n'enn'avais jamais eu» (page 35) ; mais il le déçut lorsqu'il laissa la nourrice partir à Préchampignon : «J'éprouvai pour la premièrefois de l'aversion pour le docteur» (page 47).

«En quête de nouveaux compagnons», il croit que les huguenots pourraientl'être (page 48), mais se rend vite compte qu'il ne les aimait pas vraiment et, en particulier, le petit Ésaü du fait de saperversité : «Cette manière d'agir d'Ésaü ne me plaisait pas, et ses parents m'intimidaient.

Alors je préférai vivre pour moncompte.» Le récit s'arrête avec le départ du docteur, puisqu'il a alors pris sa place dans le monde.Médard a moins de liberté que les autres personnages, car il est grevé d'un itinéraire prédéterminé par les occurrences.

LeMédard entier du début, indéterminé comme il est, n'a ni personnalité ni visage et n'a pas encore de recul.

«Mon oncle étaitalors dans sa première jeunesse, âge où les sentiments n'ont qu'un élan confus dans lequel le bien et le mal ne sont pointencore distincts, âge où l'amour de la vie rend chaude et trépidante toute expérience nouvelle, même inhumaine etmacabre».

Qu'à cela ne tienne, Italo Calvino va l'aider à grandir, lui imposant une ambiguïté fondamentale, le divisant en unhomme mauvais et un homme bon.La moitié mauvaise est d'abord répugnante.

Puis, après l'écoeurement physique (de courte durée, et dérisoire par son excèsmême), le dégoût se transpose sur un autre plan : on ne peut que réprouver moralement la barbarie de ce monstrediabolique et funeste, qui, injuste, cruel, néfaste, voulant les autres à son image, pourfend les choses (est-ce par vengeance?par joie sadique?), déploie la noirceur la plus abominable, se livre à des exactions cruelles qui épouvantent les villageois,tue, détruit, sème la terreur et la désolation sur son passage,.

Pourtant, «l'Infortuné», voulant tomber amoureux pour ne pasêtre inférieur à ceux qui le sont, a quand même envie d'éprouver un sentiment positif.Le thème qui s'impose est celui d'une dualité.

En fait, ce qu'elle montre, c'est l'ambivalence intrinsèques chez les êtres humains, la division chez eux entre deux tendancesfondamentales.

Que «l'homme ne soit en réalité pas un mais bien deux», que «tous les êtres humains que nous rencontronssoient composés d'un mélange de bien et de mal», sont partagés entre le vice et la vertu, entre l'ange et le démon,. »

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