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LES CONSIDÉRATIONS de MONTESQUIEU (Analyse)

Publié le 05/03/2011

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montesquieu

       Historique. — De bonne heure, Montesquieu, dont l'esprit allait naturellement au grand, se sentit attiré vers le peuple romain. Il avait fait sa lecture favorite de Tite-Live et de Tacite. Il estimait beaucoup Florus, qui l'avait séduit par son projet d'embrasser, « comme dans un tableau en raccourci, l'image entière du peuple romain «. Enfin, il avait analysé Polybe de très près et s'était nourri des biographies de Plutarque.    Cette prédilection s'explique. Ce philosophe, que depuis sa Jeunesse préoccupait l'évolution de l'humanité, pouvait étudier dans l'histoire romaine le phénomène politique qui se déroule avec le plus d'ampleur,-de suite et de logique. Déjà, dans les Lettres persanes, qui, malgré leur forme romanesque, sont une manifestation très claire des tendances de Montesquieu, nous voyons la place que devait occuper l'histoire de Rome, comme une étape sur la voie où il s'engageait. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'après son séjour en Italie (1728-1729), Montesquieu soit senti repris par son amour des choses romaines. Pour s'exercera son grand ouvrage,, il s'attaqua tout d'abord à ce qui lui semblait un épisode capital dans l'histoire de l'humanité.

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« Toutefois les causes de décadence commençaient à apparaître : d'abord l'étendue de l'empire, caries guerreséloignées augmentèrent l'indépendance des généraux et firent perdre peu à peu aux soldats l'esprit de citoyens ;puis l'extension du droit de cité, devenu le droit de la souveraineté universelle, ce qui rompit l'unité nationale etchangea bientôt les tumultes populaires en guerres civiles.

Rome devait succomber sous l'excès même de sagrandeur, par rapport à laquelle ses lois se trouvèrent insuffisantes.

A ces causes de décadence il faut joindre lacorruption des mœurs, la constitution de grosses fortunes particulières, et l'audace que donnait leur ruine auxprodigues qui avaient tout perdu.

De leurs vertus primitives, il ne resta plus aux Romains que leurs vertus militaires.Toutes ces causes de décadence eurent bientôt leur effet.

Sylla commence la ruine de l'ancienne discipline.

Enmême temps, le système politique se transforme : d'un grand nombre de magistrats toujours renouvelés et auxquelsle peuple n'avait pas le temps de s'accoutumer, la puissance passa dans les grandes affaires entre les mains d'unpetit nombre ou d'un seul.

C'est ce qu'on vit avec Pompée, et surtout avec César, qui usurpa l'autorité suprême etfut égorgé par les sénateurs dont il menaçait les prérogatives.

Après l'assassinat du dictateur, les causes quiavaient détruit, la liberté subsistaient toujours.

Dans un rapide tableau, Montesquieu nous montre comment lanaïveté de Cicéron suscita un nouveau dictateur dans la personne d'Octave.

Ce jeune homme était, en quelquesorte, « César remis devant les yeux du peuple »; le souvenir de son père adoptif ainsi que sa médiocrité personnellelui assurèrent fa victoire finale, et il acquit l'empire du monde, sous le nom d'Auguste Tout au contraire de Pompéeet de César qui avaient travaillé à se rendre nécessaires en augmentant l'anarchie, il se trouva assez fort pourétablir l'ordre, c'est-à-dire la servitude durable.

Il fut le législateur et le maître unique.

Il évita même la guerre, parcrainte de fortifier la puissance des soldats, et c'est alors que disparut la coutume des triomphes, qui avait tantcontribué à la grandeur du peuple romain (C.

9 à 13). Sous la tyrannie cruelle ou imbécile des empereurs qui suivirent, la servitude et l'avilissement ne firent ques'accroître.

Malgré des règnes plus heureux, le désordre augmente sans cesse; et les soldats règnent véritablementdans l'empire, troublé par les luttes des légions et menacé par les barbares du nord.

Vers cette époque, unchangement funeste se produit dans l'État : les mœurs asiatiques s'introduisent à la cour, et Constantin prive Romede la souveraineté en faisant de Byzance sa capitale.

Bientôt la division des deux empires achève de briserl'harmonie si précaire de l'immense État romain.

Alors rien n'arrête plus les barbares; ils franchissent le Rhin et leDanube, et Montesquieu nous montre ces hordes sauvages se précipitant sur le monde latin.

Enrichie autrefois parles tributs de tous les peuples, voici Rome obligée de payer les services ou l'inaction des barbares.

La décadenceest irrémédiable.

A partir de ce moment, il n'y a plus à vrai dire de Romains.

La fin du livre est consacrée à Attila, àla chute de l'empire d'Occident sous les coups des barbares, à celle de l'empire d'Orient sous les coups des Turcs.

Etl'on peut conclure avec Montesquieu : « Voici, en un mot, l'histoire des Romains : ils vainquirent tous les peuplesparleurs maximes ; mais, lorsqu'ils y furent parvenus, leur république ne put subsister; il fallut changer degouvernement; et des maximes contraires aux premières, employées dans ce gouvernement nouveau, firent tomberleur grandeur.

» (C.

14 à 23). Tel est, brièvement résumé, ce magnifique ouvrage.

On y pourra blâmer le peu de rigueur de la composition et lecaractère arbitraire des divisions adoptées ; mais il ne faudrait pas cependant méconnaître qu'une profonde etmajestueuse unité de vues soutient les Considérations, en pénètre, en relie toutes les parties.

Quant au style, il estmerveilleusement approprié au sujet traité.

Il est concis, non sans un peu d'affectation ; rapide et nerveux ;souvent coulé dans le moule même de la pensée latine ; plein de grandeur, de force et de noblesse.

Sans cesse lerécit est relevé par des images « magnifiques et brèves » ou par des portraits toujours indiqués d'une touche fermeet précise.

Et ce qu'on doit surtout noter, c'est l'art de Montesquieu « à retremper les expressions et à leur donnertoute leur force primitive », c'est l'abondance de ces phrases bien frappées, qui s'imposent à l'esprit et forcent laréflexion. Etude littéraire : la philosophie de l'histoire.

— Après avoir ainsi résumé le livre, il faut nous demander ce qu'il vaut au point de vue de l'histoire. Ce qu'il convient d'admirer tout d'abord chez Montesquieu, c'est l'art avec lequel il fait revivre le passé ; et, sil'histoire est une « résurrection », notre philosophe possède bien la qualité maîtresse du véritable historien.

Il a suéviter les généralités froides et sèches qui pouvaient rendre ennuyeux ce livre de Considérations historiques et cetabrégé d'une longue évolution.

On sent palpiter à chaque page l'âme et la vie d'un grand peuple.

Il met en action,comme on l'a dit, le génie de Rome. L'ensemble de ses jugements demeure exact, malgré les progrès qu'avec l'épigraphie et l'archéologie a faits de nosjours l'histoire romaine.

Il serait puéril de reprocher à Montesquieu de n'avoir point réalisé ce que l'état de cepsciences auxiliaires ne permettait point au XVIIIe siècle.

On peut je Marner cependant de ne s'être pas toujoursassez préoccupé du caractère des Romains, d'avoir mal compris chez eux le rôle de la religion, et de n'avoir pointpoussé suffisamment l'analyse de leur organisation sociale.

Mais son principal défaut est l'insuffisance de la critique.Il n'a point contrôlé le témoignage des anciens avec une sévérité légitime; il a trop facilement accepté l'autorité deTite-Live, et chose plus grave.

il ne s'est point défié de Florus. Passons rapidement sur ces faiblesses pour arriver à ce qui constitue l'intérêt durable de l'œuvre, c'est-à-dire laconception philosophique que Montesquieu s'y fait de l'histoire.

Il faut « se donner le spectacle des choses humaines», mais ne point se contenter de « voir » « sans comprendre » ; il faut réfléchir sur les événements et en dégager la. »

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