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Les Iambes de Chénier : Fiche de lecture

Publié le 20/11/2018

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Les Iambes

 

Les ïambes furent composés dans des conditions dramatiques. Chénier est enfermé à Saint-Lazare; au dehors, règne la Terreur sanglante des derniers mois de Robespierre, et les poèmes — une quinzaine, certains encore inachevés — sortent de la prison dissimulés dans des ballots de linge. Leur mélancolie et leur véhémence les ont fait justement comparer aux Châtiments : comme Victor Hugo, Chénier a su donner à la forme poétique du pamphlet un caractère de nécessité; en certains moments de l’Histoire l’homme, ses valeurs, ses principes ne peuvent se dire ni dans la prose de Napoléon le Petit, ni dans celle des articles du Journal de Paris.

 

Il ne faut pas se tromper, en effet, sur la portée des références antiques dans les ïambes. Bien sûr, Chénier invoque de grands ancêtres, en premier lieu le grec Archi-loque de Paros, poète satirique du viie siècle avant J.-C. : « Fils d’Archiloque, fier André... » Mais il brise l’ordonnancement traditionnel de l’iambe, supprime la disposition en stances (adoptée par ses prédécesseurs J.-B. Rousseau et Gilbert), en un mot « le libère comme une coulée de lave » (J. Fabre). 

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)CHÉNIER: Iambes 1762-1794 André Chénier est né le 29 octobre 1762 à Constantinople (l'actuelle Istanbul) où son père occupait les fonctions de consul.

Sa mère s'enorgueillissaitd'avoir du sang grec et influença profondément le goût de son fils pour les beautés de la Grèce antique.

Ce penchant n'était pas véritablement original à uneépoque où l'on se passionnait à travers les fouilles d'Herculanum et de Pompéi pour les héritages de l'antiquité gréco-romaine, et le jeune garçon enretrouva des échos lors de son arrivée à Paris en 1765, chez les artistes et savants qui fréquentaient le salon littéraire de sa mère: on pouvait croiser chezla «belle Grecque» l'helléniste Brunck, le poète Lebrun-Pindare ou le peintre David, célèbre figure du néoclassicisme antique. Après d'excellentes études classiques au collège de Navarre, il va mener la vie de beaucoup de jeunes gens de son âge et de sa condition, se partageantentre l'étude et les plaisirs de la vie mondaine.

En 1785, il entreprend avec des amis un voyage de plusieurs semaines en Suisse et en Italie.

De retour àParis où il passe encore deux ans, il compose ses premiers poèmes. C'est d'Angleterre où il occupe depuis 1787 les fonctions de secrétaire privé de l'ambassadeur qu'A ndré Chénier perçoit les premiers bruits de l'agitationrévolutionnaire pour laquelle il ne tarde pas à prendre fait et cause.

Il devient membre de la «Société des Amis de 1789» qui rassemble les dissidentsmodérés du Club des Jacobins et compte parmi ses membres David, Mirabeau, Lavoisier, Monge.

Rentré en France, il va déployer une intense activitépolitique, collaborant à plusieurs organes de presse pour lesquels il écrit des articles qui sont souvent de superbes morceaux d'éloquence politique (parexemple «Avis au peuple français sur ses véritables ennemis»). Révolutionnaire, André Chénier veut l'être mais dans le respect des libertés individuelles et de la personne humaine.

Aussi ne tarde-t-il pas à s'opposer àceux qui trahissent l'idéal républicain dans une dérive sanglante et totalitaire.

Ses positions modérées lui valent sous la Terreur la haine des plus radicauxet, après avoir été arrêté le 7 mars 1794 puis incarcéré à la prison de Saint-Lazare, il est condamné à mort comme «ennemi du peuple» et guillotiné le 25juillet I 794 (7 thermidor de l'an IV), deux jours avant la chute de Robespierre. La gloire littéraire d'André Chénier est une gloire littéraire posthume.

En effet, quand il meurt à 32 ans, son oeuvre poétique, éparse et inachevée, estencore inédite et ce n'est qu'en 1819 que paraît la première édition de ses poèmes, immédiatement salués par la génération romantique. «Peut-être qu'il y a de bons poètes français mais que la poésie française est mauvaise.» Cette formule lapidaire de Montesquieu résume parfaitement lasituation de la poésie au siècle des Lumières.

Brillant philosophe, le XVIIIe siècle est médiocre poète.

Les préceptes rigides des anciens versificateursd'une part, qui, à l'instar de Malherbe (1555-1628) et Boileau (1636-1711) avaient prétendu enfermer l'art poétique dans un carcan de règles strictes, etle triomphe de la raison d'autre part avec l'avènement des philosophes, ont entraîné le tarissement et l'affadissement de la poésie.

Dans ce désert, A ndréChénier s'impose comme une figure remarquable.

Par son génie d'abord, puis parce qu'il incarne mieux que tout autre la transition qui s'effectue au XVIIIesiècle entre l'âge classique et le romantisme post-révolutionnaire. 1 • UN POÈTE EN COLÈRE La Révolution va cependant offrir à André Chénier l'occasion de donner la pleine mesure de son inspiration personnelle, dans les Iambes qu'il écrit lors de son incarcération à la prison de Saint-Lazare.

Le titre du recueil, qui comporte une quinzaine de poèmes (pour certains inachevés), fait référence à la formepoétique utilisée par Chénier d'après un modèle antique : dans la métrique grecque et latine, le ïambe désigne un pied composé d'une syllabe brève et d'unelongue.

Par analogie, on a appelé 'iambes (ou vers ïambiques), dans la poésie française, les pièces composées d'une alternance de vers longs et de verscourts (en général, des alexandrins et des octosyllabes).

Les 'iambes sont le plus souvent des poèmes satiriques, dénonçant les vices et les ridiculeshumains Ce n'est plus en effet, comme dans Les Bucoliques, le souci artistique de la beauté formelle qui dicte à André Chénier ses derniers poèmes, mais la colère qu'inspirent au citoyen les crimes de son époque.

Leur force satirique rappelle celle qui animait la poésie d'un Agrippa d'Aubigné au XVIe siècle.

D'Aubignéfustigeait dans ses Tragiques le massacre de la Saint-Barthélemy, André Chénier, lui, s'en prend à ceux qui, à ses yeux, ont trahi la Révolution dans le sang: «Ces bourreaux barbouilleurs de lois ces vers cadavéreux de la France asservie» 0' Pour Chénier, du fond de sa cellule, la beauté antique n'est plus qu'un lointain mirage.

Entre elle et lui se dresse le spectre de l'échafaud: «Au pied de l'échafaud, j'essaie encore ma lyre» 0+' Plus proches du monologue tragique que de l'élégie, les Iambes sont de véritables pamphlets politiques.

Chénier, désormais poète combattant, y déploie toute la passion et toute la violence que suscite sa révolte.

C'est de cette révolte et de l'Histoire en train de se faire devant ses yeux que jaillit désormaisson inspiration.

Sa plume devient soudain âpre et combative usant de mots et d'expressions bien éloignés des images idéalisées de la poésie idyllique: «Oubliés comme moi dans cet affreux repaire, Mille autres moutons, comme moi, Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire, Seront servis au peuple roi.» Et, dans cette poésie militante où se mêlent la sincérité, la violence et la froide ironie, le lyrisme de Chénier va livrer toute son ampleur : «Souffre, ô cœur gros de haine, affamé de justice Toi, vertu, pleure, si je meurs» 2.

UN NOMME DE SON TEMPS Si Les Bucoliques situent André Chénier dans la lignée des poètes classiques si soucieux de beauté formelle, ses Iambes, dont la force satirique annonce celle des Châtiments de Victor Hugo, en font un précurseur du mouvement romantique, qui saluera en Chénier l'un de ses maîtres, faisant sien son credo: «L'art ne fait que des vers; le cœur seul est poète.» Homme de son temps, Chénier en incarne les contradictions, celles d'un siècle voué aux Lumières et qui s'achève dans les ténèbres révolutionnaires, unsiècle qui finit par préférer l'individu-citoyen au règne de droit divin. Le romancier contemporain Georges-Emmanuel Clancier a su parfaitement exprimer cette position particulière qu'occupe Chénier dans l'histoire de lapoésie française: «Sa vie et son oeuvre sont à la charnière entre deux mondes.

S'il est vrai que ses vers sont à la source de la grande lignée romantique, ilest vrai également que les lire, c'est entendre Racine et Malherbe et Corneille et Ronsard.». »

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