Les Justes
Publié le 29/03/2013
Extrait du document
Une poignée de terroristes russes prépare un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge. Une première tentative échoue, car l'exécutant, Kaliayev, a voulu épargner des enfants. Son compagnon Stepan lui reproche ce geste d'humanité. Kaliayev finit par tuer le grand-duc. Il est pris et pendu.
« Plus jamais nous ne serons des enfants, Boria. Au premier meurtre, l'enfance s'enfuit. Je lance la bombe et, en une seconde, vois-tu, toute une vie s'écoule. Oui , nous pouvons mourir désormais. Nous avons fait le tour de l' homme. « Ces mots de Dora, l' une des terroristes, donnent le ton de ce drame dans lequel s'opposent deux conceptions du terrorisme, la première qui s' in spire d'un esprit de vengeance, la seconde qui est pure volonté de justice et de vie, avec le regret d'être acculé à apporter la mort.
«
«L 'esse ntiel est que
tu fasses ce qu'il faut,
et jusqu'au bout.»
EXTRAITS --------
Stepan et Kaliayev : deux conceptions
du terrorisme s'affrontent
STEPAN.
-Je n'aime pas ceux qui entr ent
dans la révolution parce qu'ils s'ennuient .
ANNENKOY.
-Stepan !
STEPAN, se l evant et descendant vers eux.
-
Oui, je suis brutal.
Mais pour moi, la haine
n'est pas un jeu.
Nous ne sommes pas là
pour nous admirer.
Nous sommes là
pour
réussir.
KALIAYEV, doucement.
-Pourquoi m 'of
fenses-tu? Qui t'a dit que
je m'ennuyais?
STEPAN.
-Je ne sais pas.
Tu changes les
signaux,
tu aimes à jouer
l e rôle de colporteur, tu
dis des vers, tu veux te
l ancer sous les pieds des
c h evaux et maintenant
le
sui cide ...
(Il le regarde.)
J e
n'ai pas confiance en
toi.
KALIAYEY, se dominant.
-
Tu ne me connais pas,
frère.
J'aime
la vie.
Je ne
m'ennuie pas.
Je suis
entré dans la révolution
parce que
j'aime la vie.
STEPAN.
-Je n'aime pas la
vie, mais la justice qui est
au-dessus de
la vie.
KALIAYEY, avec un effort
visible.
- Chacun sert la
justice comme il peut.
Il
faut accepter que nous soyons différents.
Il
faut nous aimer, si nous le pouvons.
STEPAN.
-Nous ne le pouvons pas.
KA LIAYEV, éclatant.
- Que fais-tu donc
parmi
nous?
STEPAN.
-J e suis venu pour tuer un homme,
non pour l'aimer ni pour saluer sa diffé
rence.
Dans sa prison, Kaliayev explique
à la grande-duchesse
pourquoi
il veut mourir
KALIAYEV.
-Laisse z-moi me préparer à mourir.
Si je ne
mourais pas, c'est alors que
je serais un meurtrier.
( ...
)
LA GRANDE-DUCHESSE, doucement.
- Je ne
suis pas votre ennemie.
KALIAYEV, avec désespoir.
- Vous l'êtes ,
comme
ceux de votre
race et de votre clan.
Il y
a quelque chose de plu s
abject encore que d'être
criminel, c'est de forcer
au crime celui qui
n'est
pas fait pour lui.
Regar
dez-moi.
Je vous jure que
je n'étais pas fait pour
tuer.
Gallimard, 1950
«Vo ici l'aube.
Yanek
est déjà mort, j'en suis sûre.»
« FOKA.
-Combien en
as-tu tué? KALIAYEV.
-Un seul.
FOKA.
-Que disais-tu ! Ce n'est rien.
KALIAYEV.
- J'ai tué le grand-duc Serge.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
Cam us, qui admirait tout particulièrement
la litt érat ure russe (son ami Jean Grenier
raconte qu'il conse rvait la photo de
Tolstoï dans sa ch ambre
à Lourmarin),
avait trava illé depuis 1947 sur l'histoire du
terrorisme avant la révolution de 1917 Dans
L
'Homme révolté, il consacre un
chapitre au groupe de terroristes évoqué
dans
Les Just es et qu 'il appelle « les
meurtriers délicats
».
Ceux-ci représentent
à ses yeux la rencontre de l 'espr it de révolte
avec l'esprit de compassion.
«L'histoire,
écrit-i l, offre peu d'exemple s de fanatiques
qui aient souffe rt de scrupu les jusque dans
l a mêlée
...
Nécessaire et inexcusable, c'est
ainsi que la vio lence leur apparaissait.
»
L'Homme révolté, Gallim ard, 1951.
La
représentation de la pièce en 1949, avec
pour interprètes Serge Reggiani , dans le
rôle de Kaliayev, et Maria Casarès , dans le
rôle de Dora , ne fut, rappelle Jean Grenier
(op.
cit.),
«qu'un demi-succès.
Il en fut
aut rement par la suite .
»
(cf.
Albert Camus de Jean Grenier,
Gallimard, 1968).
1 D .R .
2.
3.
4 lith ograp hies de Ja n sem, éd .
André Sauret.
1979 CAMUS 05.
»
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