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Les Regrets de Du Bellay : Fiche de lecture

Publié le 22/11/2018

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bellay

Les Regrets

 

C’est le plus important des textes de Du Bellay, et cette abondance même des cent quatre-vingt-onze sonnets offre trop de prise aux interprétations, comme si le lecteur ne pouvait accepter ce que le poète répète sans cesse : son sentiment du vide et la permanence de la poésie pour recouvrir, seule, toute peine. Le titre peut être compris très simplement : lorsque Du Bellay en parle en latin, il dit « Tristia », comme Ovide exilé. Règne donc la nostalgie de ce qu’on a perdu en perdant la France — la croyance en soi, en sa poésie, le désir de s’instruire et de s’illustrer, la complicité des amis, l’admiration des autres. Et il a laissé croire à une lamentation qui dirait tout, à des poèmes qui seraient « de son cœur les plus seurs secrétaires ». Mais la force de Du Bellay est de ne mettre aucune complaisance dans cette longue plainte qui parcourt l’œuvre, avant même le départ pour Rome : cet homme ironique, qui se fait aussi bien le bourreau de lui-même que des autres, n’avoue en fait jamais rien, sinon que le seul enchantement qu’il connaisse — tromperie et plaisir à la fois — est dans la poésie. Il est Ulysse supplicié des Sirènes.

 

Une fois que cet aiguillon est fiché dans l’imagination — ce fut pour lui dans l’enfance —, folie et raison se mêlent :

bellay

« Heureux de qui la mort de sa gloire est suivie ...

Malheureux l'an, le mois, le jour, l'heure et le poin t ..

.

Variations continues et infimes à la fois, qui glissent plus qu'elles ne s'organisent vraiment, d'une obsession à une autre.

Tout le début est dominé par l'inquiétude de chercher la poésie au sein de tous les refus, de dire où elle n'a pas été, où elle n'est plus, et comment elle reste seule de tout ce désastre involontaire.

Toute la fin est vouée à la Vertu-le Ciel-Marguerite, triple figure de l'as­ cèse et de l'élévation.

Entre les deux, le monde sublunaire agité, passager et lamentable de l'exil romain, puis du retour.

Cela justifie que Je poète parle de genre mêlé, la « satire >>, dans lequel interfèrent le tniel, le fiel et le sel.

Le rire sardonique de la dérision attaque tout.

On sait beaucoup maintenant de la Rome vécue par Du Bellay.

Sa c�ur pontificale est vouée aux intrigues et au paraître; « Eglise >> rime avec '' feintise>>.

La ville est perdue de vices -les courtisa­ nes, les femmes démoniaques -, d'angoisses -la guerre est aux portes, accords et ruptures diplomatiques se succèdent.

Elle se venge dans ses fêtes, et par son goût féroce pour la satire -les pasquinades anonymes, qui pullulent, et dont les Regrets reprennent souvent le ton.

Quant au sort du poète, il est trop clair que, pour lui, «service >> rime avec« vice >>, et qu'il cherche à« bercer sa peine », née de mille misères, concentrées dans l'éloi­ gnement du pays natal, par le flux et le reflux du rythme élégiaque alternant avec les textes plus vifs, souvent ana­ phoriques et syncopés, et qui réservent aux bonnes pla­ ces les mots durs, chargés de stigmatiser ce « cloaque >> immonde qu'est Rome, théâtre du monde; et Venise, Genève, la Cour.

Cette division lui est consubstantielle, odieux qu'il est à lui-même, puisqu'il conserve le sentiment profond d'une faute inconnue, tout en se rebellant contre l'injus­ tice de ce sentiment et contre la nécessité de sa propre hypocrisie.

Devant lui s'ouvre toujours un. »

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