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L'Étranger d'Albert Camus : Fiche de lecture

Publié le 21/11/2018

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L'Étranger

 

Le plus connu et le plus étudié des livres d'Albert Camus reste aussi le plus énigmatique, et d’abord par sa genèse : c’est alors qu’il travaillait à son premier roman, la Mort heureuse, resté inachevé, que s’imposa à lui la nécessité de ce nouveau récit, qui en reprend les éléments principaux (le meurtre, la mort, le personnage principal, Mersault, devenu Meursault) et les organise dans une forme brève et un style dépouillé.

 

Synopsis. — Le récit, à la première personne, est organisé en deux parties de longueur équivalente, articulées autour de l'épisode central du meurtre, et divisées en brèves séquences.

 

Première partie : nous sommes à Alger. Meursault, qui a appris sans émoi la mort de sa mère, se rend à l'asile où celle-ci repose, participe à la veillée mortuaire et, le lendemain, suit le convoi funèbre, dans une chaleur torride. La cérémonie terminée, il est heureux de rentrer chez lui.

 

Le lendemain samedi, Meursault s'inquiète du congé qu'il a dû demander à son patron, va se baigner avec son amie Marie Cardona, qu’il accompagne au cinéma et avec laquelle il passe la nuit. Il passe l’après-midi du dimanche à son balcon et se rassure de penser qu'« il n'y avait rien de changé ».

 

Lundi : journée ordinaire de travail. Le soir, Meursault discute avec deux de ses voisins : le vieux Salamano, toujours accompagné de son chien malade, et Raymond Sin-tès, qui a été blessé par le frère de la femme qu'il « entretient ». et qui demande à Meursault. qui accepte, de rédiger une lettre.

 

Meursault passe le samedi suivant avec Marie. Le lendemain, il sympathise avec Raymond, qu'il a entendu peu avant frapper une femme, et à qui il a accepté de servir de témoin. Le soir il retrouve Salamano, inquiet, et il l'entend pleurer à travers la cloison.

 

Raymond, qui a été suivi toute la journée par un groupe d'Arabes où se trouvait le frère de son ancienne amie, invite Meursault à passer le dimanche dans un cabanon près d'Alger. Meursault accepte de se marier avec Marie. Le soir, il retrouve Salamano, qui lui apprend que son chien est condamné.

 

Le dimanche, Meursault, Marie et Raymond vont au cabanon. Ils rencontrent sur la plage deux Arabes, dont l'adversaire de Raymond; une courte bagarre s'ensuit. Une nouvelle rencontre a lieu un peu plus tard, les deux Arabes se retirent. Meursault, qui a pris le revolver de Raymond pour que celui-ci ne s'en serve pas, rencontre peu après sur la même plage le « type » de Raymond, qui sort son couteau; la plage est «vibrante de soleil »; Meursault tire plusieurs fois : «J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour ».

 

Deuxième partie : Meursault est en prison. Face à son avocat, il ne manifeste pas de chagrin de la disparition de sa mère. Face au juge, il ne montre pas de regrets de son geste.

 

Meursault s'adapte à la vie de la prison. Il ne se trouve « pas trop malheureux ». En dehors de la visite de Marie, il « tue le temps » par ses souvenirs, en se réfugiant dans le sommeil, ou dans la contemplation d'un vieux morceau de journal.

 

Le procès de Meursault débute en été. Le tribunal apprend par les témoins qu'il n'a pas pleuré à l'enterrement de sa mère, que sa liaison avec Marie date du lendemain des funérailles, et qu'il s'est fait complice de Raymond. Le procureur conclut : «J'accuse cet homme d'avoir enterré une mère avec un cœur de criminel. »

Meursault écoute avec détachement les plaidoiries; le procureur l'accuse de préméditation, d'insensibilité, et d'ignorance des « règles les plus essentielles » de la société; l'avocat défend les qualités morales de son client, qui l'écouteà peine. Meursault est condamnéà la peine capitale.

 

L'attente du châtiment aiguise la conscience de Meursault, qui se révolte contre le caractère implacable et arbitraire de la justice. Il a une altercation violente avec l'aumônier qui, malgré le refus de Meursault, est venu dans sa cellule. Meursault s'ouvre à la « tendre indifférence du monde » et souhaite qu'« il y ait beaucoup de spectateurs le jour de (son) exécution et qu'ils (l)'accueillent avec des cris de haine. »

 

Ce récit qui accumule dans leur discontinuité les faits les plus insignifiants d’une existence dominée par la mort (de la mère, de l’Arabe, du héros) a donné lieu aux interprétations les plus diverses : du conte philosophique (Sartre voulut y voir une illustration du Mythe de Sisyphe) à la critique sociale, en passant par l’analyse psychologique, la dimension ontologique et la perspective coloniale. Pourtant ce « roman » (le seul qu’ait revendiqué Camus comme tel) s’impose d’abord comme un récit singulier : écrit au passé composé alors que le registre littéraire habituel aurait dû appeler le passé simple; mis au compte d’un narrateur qui, s’analysant, utilise cependant la technique américaine du roman de comportement; hésitant entre la rédaction successive du Journal et la reconstruction a posteriori des Mémoires, le récit est construit sur des tensions narratives qui perturbent le statut du lecteur et font de celui-ci, en premier lieu, l’« étranger » du texte.

 

Camus n’a disposé dans son roman aucun réseau d’indices suffisamment développé et cohérent pour permettre de définir la « psychologie » de son personnage. C’est que sa vérité n’est pas là : Meursault est d’abord non pas le héros éponyme qu’il aurait pu être mais « L’Étranger », celui qui n’a pas de nom; cette ellipse d’identité est à l’image d’une conscience vacante qui ne structure ni ne réorganise la perception du réel, mais qui tente plutôt d’en saisir les échos. Là s’originent l’« indifférence », la passivité de Meursault, sa soumission aux moments successifs de sa conscience : dans un désir de comprendre qui fait sa sincérité. C’est pourquoi il tente à l’infini de capter, par ses sens comme par l’écriture, les signes du monde, même les plus dérisoires en apparence : pour une conscience ouverte, tout peut être message.

 

Cette « écoute » est doublement déçue : par le monde immédiat de la nature, de l’amitié ou du désir, qui substitue une complicité indicible à la question du sens; et par le monde des autres, dont le regard et le discours sont porteurs de culpabilité : la deuxième partie du récit est l’illustration de cet univers du procès où tout est récupéré dans une herméneutique totalitaire et devient signe accusateur. La mort, qui ponctue le récit, semble là pour intensifier au maximum cette question du sens : étant de l’ordre de la nature, tout en suscitant un discours et une pratique sociale, elle participe du sens absent et du sens imposé, et devient le meilleur révélateur de l’absurde, ce « divorce entre l’homme et sa vie » (le Mythe de Sisyphe).

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« ,Par-delà les questions toujours ouvertes qu'il pose, l'Etranger doit peut-être son pouvoir de fascination au sentiment de tragédie qui s'en dégage : l'incessante recherche d'un sens qui se dérobe toujours, l'opposition structurelle entre la conscience et l'univers social, la certitude chez Meursault d'une totale innoce nce , liée à un désir de lucidité, l'omniprésence, de bout en bout, de la mort et du châtiment, font de/' Étranger une« cérémo­ nie» tragique avec Dieu absent.

Ecrire, c'est peut-être pour Meursault la seule façon de répondre à cette absence, en transformant rétrospectivement sa vie en un destin.. »

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