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Libéralisme et Justice sociale (1992) de J.P. DUPUY

Publié le 08/09/2012

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justice

Que penser dès lors de ce livre ? Nous avons parcouru le paysage des penseurs économiques de ces deux dernières décennies, mais en quoi Dupuy apporte-t-il un élément nouveau ? Le but de l’ouvrage est donc ici atteint puisque l’auteur selon ses propres dires ne prétendait pas à proposer une nouvelle théorie libérale de la justice sociale, il s’agissait d’être un lecteur critique de ces théories sous une nouvelle lumière celle de la justice sociale. Dupuy, nous le disait en début d’ouvrage, le paysage de la pensée française présente une lacune majeure : elle dissocie pleinement théories libérales et théories de la justice sociale, source de problème dans une société désormais régie par la logique marchande. Dupuy effectue le tour de force de nous présenter, dans l’ensemble de façon intelligible, la façon dont les penseurs économiques de ces deux dernières décennies ont traité la question de la justice sociale, car ils l’ont fait. Malgré cet effort formidable, sommes-nous réellement convaincus que justice sociale et libéralisme peuvent fonctionner ensemble. Cette interrogation prend d’autant plus d’importance aux vues des contestations actuelles des marchés qui contiennent toujours en eux ces inégalités tant décriées. L’ambivalence du marché définie par Dupuy est donc la seule affirmation qui nous éclaire. Mais elle ne répond pas à la question centrale : Qu’est ce que le juste ?

justice

« Le système démocratique est stable car il ne découle pas de données arbitraires, qu'il s'agisse d'atouts innés ou de ressource naturelles, ou d'un statut social.

Rawlss'oppose aussi à la notion d'arbitraire.

Les différences de richesse ne sont pas une fatalité et peuvent devenir un atout pour la collectivité : chacun aura ce qui luirevient en fonction de l'application des principes de justice précédemment définis, ce qui permet de lutter contre l'arbitraire.

Le système rawlsien utilise lesdifférences initiales pour les mettre au service de tous.En somme le plus démuni ne se sentira pas inférieur car son inégalité est « juste » et le plus aisé ne se sentira pas supérieur car il participe au bien-être commun.

Onretrouve ici le concept d'inégalités économiques irréductibles, « inégalité légitime », le système «sélectionne la situation la plus égalitaire qui soit compatible avec leprincipe d'unanimité ».

C'est ce dernier point qui suscite beaucoup de critiques tant à gauche qu'à droite.

D'un côté, Rawls est accusé d'être égalitariste, de l'autre dejustifier les inégalités.

Pourtant une société plus égalitaire, si elle minimiserait la situation des mieux lotis, minimiserait aussi celle des moins bien lotis.Une critique facilement opposable à Rawls est, qu'au final, si l'on pensait l'utilitarisme avec les mêmes types de stratégies de la justice, on arriverait au même résultat.Si par exemple on impose d'exclure toute décision antisociale.

Rawls lui-même reconnait, qu'à un certain stade de civilisation avancée, il est nécessaire de violer laliberté d'un petit nombre pour maximiser l'utilité générale.Une autre critique lui est opposée : c'est de ne pas assez s'ancrer dans le réel.

Rawls rétorque que si, l'application est politique : une libre concurrence avec un systèmede redistribution par des impôts et des transferts.

Cependant, et l'auteur rejoint quelques peu cette idée assez justement en fin de chapitre, n'est-il pas utopique depenser une société comme purement anti-sacrificielle, car les principes de Rawls ne peuvent s'appliquer que dans une telle société ? Et la réponse semble être oui, carsi nous avons en nous une volonté anti-sacrificielle, s'y oppose aussi des traits profondément sacrificiels.L'auteur fait un parallèle intéressant dont nous avons parlé : contrairement à Rawls, Smith considère les passions comme déchainées.

Or Rawls s'oppose à un systèmede méritocratie mais l'homme est tel qu'il « n'accepte pas qu'on lui retire une part de lui : le mérite ».Friedrich Hayek : la justice social, une illusion ?Pour Hayek, le fonctionnement du marché est révélateur de l'ordre spontané de la société, qui s'institue par imitation, il le reflète.

En réalité nous essayons de survivredans un monde de plus en plus concurrentiel, et pour se faire nous imitons les autres.Selon lui, on ne peut pas dire que l'état social est juste ou injuste.

En fait il considère que la justice sociale est une illusion totale.

La théorie de la justice trouve dèslors son application dans l'économie de marché, au travers de règles abstraites et anonymes.

Et c'est en ce que ces règles sont abstraites et anonymes, en ce quel'homme n'a aucune maitrise dessus, que la justice peut s'appliquer.

C'est l'autorégulation du marché qui déterminera la juste valeur à attribuer à chacun en fonctionde son mérite.

Une société ne se définit pas en termes de justice mais en termes d'optimalité.Dire que l'Etat doit intervenir dans la vie sociale des individus, c'est entretenir l'illusion qu'il créé la justice.

Mais en réalité, l'Etat n'a aucune emprise sur la justice, cesont les individus par leurs actions, et les conséquences de celles-ci, qui vont créer, ou non, cette justice.En réalité, bien que la théorie de Hayek soit riche et passionnante, concernant notre problème présent de justice social, elle ne contient pas beaucoup d'éléments.Pourtant, il s'agit bien ici d'une tentative de fonder une « théorie de la société bonne et juste sur la contingence des affaires humaines et la complexité sociale ».

Maisc'est un échec.

Hayek centre sa théorie sur le principe d'imitation, mais n'y voit pas toute la source de disfonctionnement et de déstabilisation de son systèmeautorégulateur.

De même il ne voit pas dans les différences culturelles la source de conflits potentiels qu'elles sont.

Le système autorégulateur de Hayek vacille et sastabilité n'est plus certaine.Robert Nozick, la pensée moderne ?Chez Nozick il en est comme de chez Hayek, la justice ne se conçoit qu'au travers de ce « manteau opaque » qu'est la complexité sociale.

Une logique fondamentaleintervient chez lui : celle de justice procédurale pure, c'est-à-dire purement endogène, les éléments utilisés pour juger seront internes seulement au système.

L'auteurdéfinit la justice chez Hayek : « C'est ainsi qu'on dira qu'un état des choses, quel qu'il soit, est juste si : a) il est le résultat d'une procédure juste, et b) cette procédurea effectivement été mise en œuvre.

».

Il s'agit là d'une logique dite récursive : si un échange s'effectue sur des bases justes dans un cadre prédéterminé juste, alors lafinalité sera elle aussi juste.

Le fonctionnement juste du système vient justement de ce que les résultats qui seront produits par l'application des règles de justiceéchappent à la volonté et à la maîtrise des hommes.

Cette logique s'inspire de la théorie du marché : les résultats sont efficaces et harmonieux car il y a un « laissezfaire », une autorégulation.La théorie de Nozick s'oppose à la justice redistributive, puisqu'il n'y a pas de ressources qui n'appartiennent qu'à une personne et qu'il n'est pas possible decentraliser et de localiser toutes les ressources.

Dans une optique libertarienne, sa théorie donne la priorité au droit et au juste sur le bien, il pose l'inviolabilité absoluede la personne humaine, « il entoure l'individu d'une barrière morale en principe infranchissable (moral side constraint)» C'est une liberté sans limites.

D'où unethéorie des droits de propriété légitime : elle est viable à la condition que les transferts aient été mutuellement consentis.

Ainsi pour Nozick, personne ne peut seplaindre s'il est moins bien loti du fait d'actions combinées des autres individus, si tant est que ceux aussi n'ont fait qu'exercer leurs droits.

Ainsi il affirme quepersonne ne peut être tenu pour responsable de ce qu'advient le monde.

Mais aussi ne pouvant désigner de coupable à la réduction de mes possibilités, puisqu'ellerésulte de synergies de la pluralité des agents, seul l'effet de système est mis en cause.

On ne pourra donc s'en prendre qu'à des boucs émissaires.

Mais comme lesouligne Dupuy « le système a bon dos » dans cette histoire, puisqu'il ne faut pas oublier qu'il demeure manipulable.Nozick critique vivement l'Etat-Providence en ce que son implication constitue un viol des droits fondamentaux de la personne humaine.

Mais il défend cependantun « Etat minimal ».

Vivement critiqué par les anarchistes sur ce point, qui considèrent cette intervention de l'Etat comme liberticide.

Or pour Nozick, l'Etat estl'évolution naturelle d'une société, donc en cela est moral.

C'est un phénomène concret.

On retrouve donc ici une « relation de capitalisme libre entre adultesconsentants.

».

La théorie de Nozick est à la fois éthique mais aussi utilitariste : il introduit le principe de compensation, il devient légitime d'interdire une certaineclasse d'actions à condition que ceux qui en pâtissent reçoivent une compensation, on achète leur renoncement.

En fait l'Etat minimal n'est pas une redistribution maisl'application du principe de compensation.

J'ai choisi de finir par cet auteur car il m'apparait très intéressant de le citer dans le contexte actuel de remise en questionde la théorie régulatrice des marchés.

Sa pensée y est assez similaire.Le marché, agent de stabilité ?Le but de cet ouvrage n'a pas été de proposer une nouvelle théorie libérale de la justice, mais de présenter au public français celles qu'il avait jusque là lues de façonerronée.

Les théories libérales de la justice n'auront eu de cesse de tenter de se penser uniquement de façon rationnelle.

Mais elles ne réussissent pas à se détacher despassions, ces éléments pulsionnels, comme le sacrifice et l'envie.

Ainsi, bien malgré eux, les modèles économiques dévoilent la foule qui se cache derrière le marché.Cette ambivalence du marché, et la conclusion de ce livre, pourraient se résumer à cette phrase: « le marché contient la contagion panique, dans les deux sens dumot : il lui fait barrage, mais l'a en lui.

» « La société bonne et juste est alors celle qui contient (dans les deux sens) cette menace.

».

D'une part, le marché est un agentde stabilité, il régule ces passions.

D'autre part, il contient en lui la potentielle genèse de ces conflits.Critiques de l'ouvrageQue penser dès lors de ce livre ? Nous avons parcouru le paysage des penseurs économiques de ces deux dernières décennies, mais en quoi Dupuy apporte-t-il unélément nouveau ? Le but de l'ouvrage est donc ici atteint puisque l'auteur selon ses propres dires ne prétendait pas à proposer une nouvelle théorie libérale de lajustice sociale, il s'agissait d'être un lecteur critique de ces théories sous une nouvelle lumière celle de la justice sociale.

Dupuy, nous le disait en début d'ouvrage, lepaysage de la pensée française présente une lacune majeure : elle dissocie pleinement théories libérales et théories de la justice sociale, source de problème dans unesociété désormais régie par la logique marchande.

Dupuy effectue le tour de force de nous présenter, dans l'ensemble de façon intelligible, la façon dont les penseurséconomiques de ces deux dernières décennies ont traité la question de la justice sociale, car ils l'ont fait.Malgré cet effort formidable, sommes-nous réellement convaincus que justice sociale et libéralisme peuvent fonctionner ensemble.

Cette interrogation prend d'autantplus d'importance aux vues des contestations actuelles des marchés qui contiennent toujours en eux ces inégalités tant décriées.

L'ambivalence du marché définie parDupuy est donc la seule affirmation qui nous éclaire.

Mais elle ne répond pas à la question centrale : Qu'est ce que le juste ? Comment l'atteindre ? Mais la questionici n'est-elle pas préférable aux réponses.

D'ailleurs, l'ouvrage nous conduit plus à une suite de questionnement, bien plus qu'à affirmer des postulats, la possibilité derépondre un jour à ces questions est à remettre en cause.Nous noterons cependant qu'il est regrettable de ne pas trouver une analyse des travaux d'Amartya Sen, prix Nobel d'économie 1998.

Il définit la justice comme la« capacité (capability) à transformer les moyens dont disposent les individus en résultats conformes à leurs attentes ».

Ainsi seule la liberté permet la réduction desinégalités, il dépasse une vision purement instrumentaliste de la pauvreté.

La liberté d'accès au marché n'en devient valide que si elle s'accompagne de véritablesdroits. De même, qu'en critique, il aurait été intéressant de présenter les idées du philosophe américain Michael Walzer (1983).

Celui-ci distingue différentes « sphères »dans lesquelles doit régner une règle juste, spécifique à chaque sphère.

Aucune sphère ne peut en aliéner une autre.

Chacune contient un système de distribution des. »

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