LUCRÈCE : De la nature
Publié le 14/10/2013
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Selon le chant III, l'âme est corporelle en ses deux parties fonctionnellement solidaires : l'esprit, aninius, centre de la pensée et de la sensibilité, sis au milieu de la poitrine ; l'âme, anima, disséminée à travers le corps. L'âme totale naît et meurt avec son corps. La mort n'est donc rien pour nous. Le livre IV montre concrètement la sensation comme contact du sens, pour le toucher et le goût, avec l'objet ; pour les autres sens, avec un effluve se détachant de l'objet. Ainsi des simulacres, images très subtiles, frappent les yeux, d'où la vue, et parfois directement l'âme, d'où la vision de l'esprit. Ne peuvent que s'avérer exactes de telles im-pressions. Toutefois, si le sens est infaillible et critère de vérité, l'esprit doit se garder de se tromper en appréciant ; il y a des erreurs de l'esprit, pas des sens.
«
430 GRADUS PHILOSOPHIQUE
De la nature, seule œuvre que nous ayons de Lucrèce,
est un grandiose poème scientifique et philoso
phique - en hexamètres latins.
On n'a pas assez sou
ligné sa cohérence
et son originale puissance tant d'ar
gumentation logique que de persuasion poétique.
L'auteur le dédia à son ami Memmius, vraisemblable
ment le politicien d'illustre famille, ambitieux, orateur,
lettré philhellène, exilé pour corruption électorale.
C'est en poète que Lucrèce s'adressa à son ami, poète
lui-même et protecteur de poètes, dans l'espoir de le
convertir
à la vérité venue de Grèce et de communier
ainsi avec lui dans la joie de l'amitié épicurienne:«( ...
)
L'attrait de ta vertu, la douceur espérée de ta chère
amitié,
m'engagent à surmonter toutes les fatigues, à
veiller durant les nuits sereines, cherchant par quelles
paroles et
dans quels vers je pourrai faire luire à ton
esprit une lumière qui éclaire pour lui les secrets les plus
profonds de la
nature 1
• » Peine perdue? Non, car tout
lecteur peut se mettre à la place du dédicataire et
prendre conscience que « l'homme est un malade qui ne
sait pas la cause de son maJ2 ».Écoutons celui qui, guéri
par l'épicurisme, veut à son tour guérir autrui.
«Allons,
Memmius, prête une oreille libre et un esprit sagace
dégagé des soucis
de la vie, à l'étude de la vraie doc
trine3.
» Lisons De la nature comme à la fois un traité
scientifique et
une exhortation à mériter le bonheur
grâce à l'assurance que donne le savoir.
C'est un art de
vivre sans trouble que nous confie Lucrèce qui, cepen
dant, paraît plus soucieux qu'Épicure de la situation
sociale et de la paix -plus sensible aussi.
Pour le poète moraliste, le calme de la paix est une
condition de vie heureuse.
Dans l'invocation liminaire
à Vénus, symbole de la féconde nature, le poète sou
haite la cessation des cruautés guerrières.
« Car moi
même, je ne pourrais, parmi les embarras de la patrie,
me donner à mon œuvre avec un esprit libre 4
• » Ainsi
1.
1, 140-145, p.
22.
2.
III, 1083, p.
114.
3.
1, 49-50, p.
20.
4.
1, 41-42, p.
20..
»
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