Devoir de Philosophie

Merleau-Ponty: L'oeil et l'esprit

Publié le 21/05/2012

Extrait du document

merleau

 Disciple de Husserl, Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) livre un essai à la fois modeste et considérable, fait de beautés textuelles et d’une grande rigueur de pensée qui va déterminer le primat du sensible sur l’intelligible. Une des clés de la pensée du XXe siècle.       Le titre « L'Oeil et l'Esprit «, essai écrit en 1960, est de ceux auxquels il ne faut pas se fier. Certes, derrière la métaphore de l'œil, il y a la présence de la perception, et, derrière la métaphore de l'esprit, la présence de la raison ou de l'activité intellectuelle. Tout semblerait alors indiquer qu'il va s'agir d'opposer l'œil à l'esprit. De plus, deux questions immédiates se posent : de quoi les mots "œil" et "esprit" sont-ils les métaphores? Quelle est la signification de "et"?     L'œil est premier, dans le titre comme dans l'ouvrage. Cependant, la présence du mot "esprit" dans le titre précise qu'il va être question de la vision qui justement ne devrait pas être confondue avec la pensée. La vision comme métaphore de la perception en général est une fausse piste. Dans L'Œil et l'Esprit, l'œil ne renvoie qu'à la vision et non à la perception.     L'esprit quant à lui, renvoie à la pensée: mais la pensée est presque absente de L'Œil et l'Esprit, ou plutôt elle se place en second plan. Il s'agit en effet de savoir si la vision peut être réductible à la pensée. La thèse du texte de Merleau-Ponty consiste à répondre à cette question par la négative. Aussi pouvons-nous déterminer le sort de "et" entre l'œil et l'esprit car il s'agit d'une relation d'opposition.     Le "et" ne renvoie pas à un rapport de la vision par la pensée. Merleau-Ponty va reconnaître dans la troisième partie du livre qu'il n'y a pas de vision sans pensée. Pourtant cette condition nécessaire n'est pas suffisante: il ne suffit pas de penser pour voir. Ainsi la pensée ne saurait-elle épuiser la vision : il reste quelque chose dans la vision qui n'est pas réductible à la pensée. Merleau-Ponty décide au travers des chapitres de visiter le visible, de retrouver la liaison entre le voyant et le visible.   

merleau

« mais réhabilite, pour partie, l’énigme même de l’être.

Et cette mise en perspective se fait ici au moyen de l’artpictural et à la vertu de l’œil, redevenu organe actif de la perception.

Car si le peintre ne voit pas autre chose quele visible, il le voit autrement, et le retranscrit selon ses moyens.Ce qui apparaît d’abord comme une critique de la science, de son désir d’autonomie par rapport aux sujets étudiés (iln’y a plus de science-pour-le-monde, l’expliquer ou le plier aux besoins de l’homme, il y a la science-pour-elle-même)qui conduit à reconsidérer les rapports de l’historicité (cultures) et de l’homme, devenu manière d’espèce zoologiqueparmi d’autres… La science, qui reste extérieure aux objets de son étude, ne faisant pas corps avec eux, estincapable d’atteindre la peinture, art dont l’existence même est un déni de science.

Prise de conscience marquéedans un temps — 1960 — où l’art, justement, semblait devenir une partie annexée par la science à ses proprestravaux, L’Œil et l’Esprit est un cri d’étouffement contre ce qui dénature l’art, qui en fait un objet d’étude avantd’admiration.

Merleau-Ponty réoriente la pensée vers une problématique philosophique, et, même, métaphysique,justifiant de l’intérêt d’une méditation philosophique et phénoménologique de la peinture et de la perception.

La science classique avait l’avantage sur la science moderne de considérer l’objet de son étude plus important quela méthode appliquée, parce qu’elle voulait atteindre à la parfaite connaissance du monde par diverses méthodesalors que la science moderne cherche plutôt à appliquer son modèle à tout support pour en vérifier la validité.

Etc’est aussi ce qui caractérise la philosophie des sciences, dont Merleau-Ponty va à la fois s’inspirer et se défairepour fonder, avec d’autres, la phénoménologie comme science ancrée dans l’objet, qui émane de l’objet même deson étude, comme si l’objet donnait à l’homme les moyens de se faire comprendre…La leçon de Merleau-Ponty est de rendre l’ombre du visible à nouveau opérante.

Si la science est appauvrissementdu réel par ses tentatives vaines du dévoilement absolu, alors l’art, car il n’est question que de cela, et notammentla peinture, est dans le regard réflexif, dans le va et vient continu de l’œil à l’œuvre.

La peinture questionne le sensen faisant surgir l’invisible et, par sa vision singulière, le peintre transfigure le réel qui par son art et sareconnaissance masque le réel par sa peinture.

Ainsi de la Montagne Sainte-Victoire, qui n’existe plus que par l’œilde Cézanne… Car si les choses se reflètent en nous, par le truchement de l’œil du peintre, c’est pour se dévoiler enextériorité, et ainsi faire de l’être un moment dans le monde.

Car l’œil peut habiter le monde au lieu de le dévorercomme la science, l’œil de Cézanne est littéralement sorti de lui, il a été sur la montagne…C’est à sortir de nous-même, à chercher dans le voyage de l’œil à l’art que nous propose Merleau-Ponty qu’estl’effort et qu’est l’aboutissement.

L’art est donc l’avènement de la vérité de l’Etant, vision heideggérienne du monded’un être en train d’être, qui pourrait conclure :« que se passe-t-il ici ? qu’est-ce qui est à l’œuvre dans l’œuvre ? […] l’essence de l’art serait donc : le se-mettre-en-œuvre de la vérité de l’étant.

».L’art est donc, et c’est tout l’effort de Merleau-Ponty de le montrer en faisant lui-même une œuvre d’art précieusecar son texte dépasse les limites de la philosophie pour faire littérature, l’avènement de la vérité de l’étant.

Merleau-Ponty: L'Œil et l'EspritSection IMMP (c'était aussi le surnom d'un charismatique professeur à la barbe blanche de Quantentheorie à la HumboldtUniversität:) prend le problème du désenchantement de la science moderne comme point de départ."La science manipules les choses et renonce à les habiter." (p.9, première phrase du folio)"Il faut que la pensée de science -- pensée de survol, pensée de l'objet en général -- se replace dans un « il y a »préalable, dans le site, sur le sol du monde sensible et du monde ouvré tels qu'ils sont dans notre vie, pour notrecorps, non pas ce corps possible"…"Dans cette historicité primordiale, la pensée allègre et improvisatrice de lascience apprendra à s'appesantir sur les chose mêmes et sur soi-même, redeviendra philosophie…" (p.12-13)La solution doit venir de la peinture, le vrai sujet qui intéresse MMP."Or l'art et notamment la peinture puisent à cette nappe de sens brut dont l'activisme ne veut rien savoir." (p.13)Note comme la ponctuation, son absence en fait, indique bien comme MMP ne compte pas s'appesantir sur lesautres arts que la peinture, qu'il discrédite tous en deux phrases expédiées.

Lui, c'est la peinture son truc."Le peintre est seul à avoir droit de regard sur toutes choses sans aucun devoir d'appréciation." … "Quelle est donccette science secrète qu'il a ou qu'il cherche?"Le décor est planté.Section IIMMP essaie de cerner "cet extraordinaire empiétement" du monde tel que nous le voyons et du monde dans lequelnous nous déplaçons (je ne suis pas certain de bien le suivre ici; oppose-t-il la perception visuelle à la perceptiontactile?)."C'est en prêtant son corps au monde que le peintre change le monde en peinture." …"Le monde visible et celui demes projets moteurs sont des parties totales du même Être." (p.16-17)"L'énigme tient en ceci que mon corps est à la fois voyant et visible." (p.18)"… l'indivision de sentant et du senti." (p.20)C'est intéressant, et j'aimerais y acquiescer (et faire le lien avec la théorie quantique, éventuellement…), mais jepeine à trouver la substance de sa réflexion.

Ses formules sonnent creux:"le dessin et le tableau"… "sont le dedans du dehors et le dehors du dedans"… (p.23)See what I mean?Ce qui a le plus excité mon crayon sont des citations:"« la nature est à l'intérieur », dit Cézanne." (p.22)"Max Ernst"… "« … le rôle du peintre et de cerner et de projeter ce qui se voit en lui.

»" (p.30)Même si je ne suis pas emballé par l'argumentation de MMP, je trouve ces citations très inspirantes.

Après tout, cen'est pas réellement les sortir de leur contexte, MMP s'en est déjà chargé.(Il m'arrive d'ailleurs souvent d'aimer une citation au fi de son utilisation particulière.

Par exemple, bien que je ne mesoie pas à vrai dire délecté de La Porte Etroite (1909) d'André Gide (1869-1951), j'ai été profondément touché par. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles