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Oraisons FUNÈBRES, de Jacques Bénigne Bossuet (résume et analyse complète)

Publié le 24/10/2018

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Bossuet, lorsqu'il fait en chaire l'éloge des reines Anne d'Autriche, morte en 1666, ou Marie-Thérèse, morte en 1683, s'inscrit donc dans une continuité. Il ne crée ni ne bouleverse les principes et la technique d'un genre qu'il reçoit déjà élaboré par ses prédécesseurs, et ce serait faire bon marché du talent de Lingendes (1595-1662), de Godeau (1605-1672), de Fromentières (1632-1684), de Mascaron (1634-1703) ou de Fléchier (1632-1710) que de réduire à son seul nom la prédication mortuaire du Grand Siècle. C'est cependant par ses oraisons funèbres que Bossuet acquit la gloire de son vivant et c'est à elles qu'il doit d'être devenu un « classique ». Lors même qu'on redécouvre en lui le philosophe et le spirituel, il reste emblématique du genre comme La Fontaine l'est de la fable.

 

Bossuet a donné douze oraisons funèbres, dont deux sont perdues -celle d'Anne d'Autriche en 1667 et celle de Mme du Blé d'Huxelles, abbesse de Faremoutiers, en 1686. Les dix autres peuvent être réparties chronologiquement en trois groupes. Pendant la période messine, deux brefs discours : l'un en l'honneur d'Yolande de Monterby, abbesse du monastère des bernardines du Petit-Clairvaux, morte nonagénaire en décembre 1655 ; l'autre en l'honneur d'un gentilhomme lorrain de vieille maison, Henri de Gornay (octobre ou novembre 1658). Dans les années 1662-1663, alors que Bossuet est désormais un prédicateur parisien des plus en vue, deux autres oraisons funèbres, au texte malheureusement suspect : celle du père Bourgoing, troisième supérieur de l'Oratoire et l'un des représentants notables de ce que Bremond a appelé « l'École française de spiritualité » (4 décembre 1662); celle de Nicolas Cornet, grand maître du Collège de Navarre - où Bossuet avait préparé sa

licence de théologie -, principal artisan en France de la condamnation de Jan-sénius (27 juin 1663). Enfin et surtout, les six oraisons funèbres de grands personnages prononcées par Bossuet au début de ses épiscopats successifs à Condom et à Meaux : le 16 novembre 1669, il célèbre à Chaillot la mémoire d'Henriette de France, fille d'Henri IV et épouse de Charles Ier d'Angleterre, le roi décapité ; moins d'un an plus tard, c'est le tour d'Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, fille de la précédente. Après les dix années de préceptorat du Dauphin (1670-1680), Bossuet remonte en chaire pour la louange funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche, « reine de France et de Navarre » (1er septembre 1683). Il est encore sollicité en 1685 pour évoquer la conversion d'Anne de Gonzague, princesse Palatine, morte à Paris après douze années d'austère pénitence ; en 1686 et 1687, pour donner leur éclat d'éternité à la longue fidélité du chancelier Michel Le Tellier comme à l'héroïque bravoure du Grand Condé, «premier prince du sang ».

 

« Oraison funèbre d’Yolande de Monterby ». Les mortels pensent pour la plupart que rien n’est aussi désirable qu’une longue vie, cependant qu’un petit nombre méprise des jours qu'un dernier moment viendra de toute façon anéantir. Une troisième maxime permet d’accorder ces deux sentiments : il faut « estimer la vie non par sa longueur, mais par son usage ». Le temps, qui n’est rien en lui-même, peut toutefois produire du fruit pour l’immortalité si l’on y attache « quelque chose de plus immuable que lui ». C’est ce qui a rendu vénérable la singulière longévité de l’abbesse.

Oraisons FUNÈBRES, de Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704). Les six dernières ont été publiées collectivement par l'auteur en 1689, la quatrième (celle de Nicolas Cornet) sans son aveu en 1698, et les trois premières en 1778 dans le tome VIII de l'édition des Œuvres de Bossuet par Dom Déforis, à Paris chez Antoine Boudet (de 1772 à 1788). L'ensemble a été édité de façon satisfaisante par l'abbé Lebarq de 1890 à 1896, et réédité par l'abbé Urbain et M. Lévesque (dans les Œuvres oratoires de Bossuet, de 1914 à 1926).

 

L'oraison funèbre - expression dans laquelle le terme d'oraison n'a aucun contenu religieux mais traduit simplement le latin classique oratio [discours] - est un genre littéraire remontant à l'Antiquité. On connaît celle qu'au début de son Histoire de la guerre du Péloponnèse Thucydide place dans la bouche de Périclès, ou encore l'éloge des morts de la guerre de Modène prononcé par Cicéron dans sa XIVe Philip-pique. Il s'agit d'exalter le souvenir des défunts pour encourager les vivants au service de la patrie. Avec le christianisme, l'oraison funèbre prend une dimension nouvelle puisque la mort change de sens : le disparu ne survit plus uniquement dans la mémoire collective, mais accède à une immortalité personnelle que l'imitation de ses vertus nous permettra d'obtenir à notre tour sur le chemin ouvert par la Passion et la Résurrection du Christ. Très probablement, l'éloquence funèbre chrétienne a pris naissance sur le tombeau des martyrs. Elle s'est développée en particulier au IVe siècle chez les Pères de langue grecque : il suffit de citer l'oraison funèbre de saint Basile par Grégoire de Nazianze. La tradition se maintient au Moyen Âge (ainsi, la déploration par saint Bernard de son frère Gérard) et à la Renaissance (le cardinal du Perron prononce l'oraison funèbre de Ronsard en 1586). Au xviie siècle, elle revêt un exceptionnel éclat à l'occasion des grands deuils nationaux : la mort d'Henri IV en 1610, celle de Louis XIII en 1643.

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