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PEREC: La Vie, mode d'emploi

Publié le 20/11/2010

Extrait du document

Il représenterait l'immeuble parisien dans lequel il vivait depuis plus de cinquante-cinq ans. La façade en serait enlevée et on venait en coupe toutes les pièces du devant, la cage de l'ascenseur, les escaliers, les portes palières. Et comme dans ces maisons de poupées dans lesquelles tout est reproduit en miniature, les carpettes, les gravures, les horloges, les bassinoires, il y aurait dans chaque pièce les gens qui y auraient vécu et les gens qui y vivaient encore et tous les détails de leur vie, leurs chats, leurs bouillottes, leur histoire.

« «Il représenterait l'immeuble parisien dans lequel il vivait depuis plus de cinquante-cinq ans.

La façade en seraitenlevée et on venait en coupe toutes les pièces du devant, la cage de l'ascenseur, les escaliers, les portespalières.

Et comme dans ces maisons de poupées dans lesquelles tout est reproduit en miniature, lescarpettes, les gravures, les horloges, les bassinoires, il y aurait dans chaque pièce les gens qui y auraient vécuet les gens qui y vivaient encore et tous les détails de leur vie, leurs chats, leurs bouillottes, leur histoire.» Valène sera retrouvé mort près de sa toile presque vierge. 3.

UN ROMAN INVENTAIRE Autre avatar de l'acte créateur, le goût de la collection se décline tout au long de ce roman, sous toutes lesformes.

Ainsi Gaspard Winckler présente tous les systèmes possibles de classement d'une collection de cartespostales, avec leurs avantages et leurs inconvénients. L'influence de Flaubert se manifeste dans ces longues descriptions, où l'accumulation poussée à l'extrême met enévidence l'absurdité de ce passe-temps.

Le créateur, représenté sous divers traits dans le roman, est toujours unmaniaque ; l'oeuvre d'art, quelle qu'elle soit, aboutit à l'échec, au néant et à la mort. Le personnage anecdotique de Cinoc prend un éclairage particulier si l'on précise qu'il est un Juif polonais émigré etexerce un curieux métier : «Comme il le disait lui-même, il était "tueur de mots" : il travaillait à la mise à jour des dictionnaires Larousse.Mais alors que d'autres rédacteurs étaient à la recherche de mots et de sens nouveaux, lui devait, pour leurfaire de la place, éliminer tous les mots et tous les sens tombés en désuétude.» Son projet personnel, dès lors, est de rédiger ce «grand dictionnaire des mots oubliés», monument d'érudition etd'inutilité.

L'allusion à l'écrivain, à Perec lui-même, se précise.

Sa propre fascination pour la mort de l'écrit en tantque signe culturel est révélatrice du sens de sa recherche.

Avec toute son originalité, l'oeuvre de Perec s'inscritbien dans la remise en cause moderne du fait littéraire. Les trois personnages principaux du roman, Bartlebooth, Winckler et Valène, sont entourés de nombreux autres dontPerec nous conte l'histoire avec un grand luxe de détails et un souci d'hyperréalisme obsédant.

Le roman sedécoupe en six grandes parties comportant une vingtaine de chapitres chacune.

L'intitulé des chapitres annonce lethème, par des noms de famille ou des lieux : XXV ALTAMONT 2, XXXIII CAVES 1.

Des annexes, comme le plan de l'immeuble, l'index des noms propres, des repères chronologiques, disposées à la fin du livre, guident le lecteur dans cette immense entreprise romanesque. Lieux, objets et personnages sont mis sur le même plan, dans des descriptions vertigineuses qui donnent au signematériel la première place.

Les objets et l'espace ont pris possession des gens ; présentés dans des inventairesinterminables, ils forment la trame du récit.

Les objets, mais aussi les clichés, les poncifs d'une sous-littératureenvahissent le récit, souvenir du Bouvard et Pécuchet de Flaubert.

Tous les genres romanesques sont abordés : roman noir, policier, psychologique, fantastique ou d'aventure, en un rappel frénétique des possibilités de l'écriture.Il faut saluer la performance de l'écrivain qui maintient l'intérêt et l'émotion jusqu'à la fin du roman. Perec confirmait la présence dans son livre de citations «parfois légèrement modifiées» de grands auteurs du XIXeet du XXe siècle, mettant en évidence la fécondité de ses emprunts à Flaubert, Jules Verne, Kafka ou Michel Butor.À travers ces hommages, c'est le concept d'écriture qui remplace dans son oeuvre celui de littérature.

GeorgesPerec apporte une vision structurée à l'incohérence de la vie, prend position face aux valeurs de la société et tientcompte des apports théoriques des sciences nouvelles, de la sémiologie en particulier, cette «science des signes»que Roland Barthes a développée et qui tient une si grande place dans son oeuvre.. »

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