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PESTE (la), d'Albert Camus

Publié le 13/03/2019

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PESTE (la), roman d'Albert Camus (1947). Le livre se présente comme la chronique objective d'une épidémie de peste qui ravage la ville d'Oran. Confrontés au fléau, les habitants réagissent avec courage ou lâcheté, égoïsme ou générosité, cherchant leur salut dans la fuite, la foi ou la fraternité. Il y a ceux qui recourent aux prières et aux fétiches et ceux qui, armés de leur seule volonté, cernent et combattent le microbe — ceux qui réinventent les dieux et ceux qui « se suffisent de l'homme ». Allégorie volontairement transparente de la Seconde Guerre mondiale (et tout spécialement de la France occupée), la Peste a suscité maintes controverses, la principale touchant à la légitimité même de son propos : peut-on mettre en scène un fléau naturel, dont personne n'est responsable, pour méditer sur une souffrance que des hommes infligent à d'autres hommes ? Camus lui-même a beaucoup hésité sur la nature de son ouvrage : d'abord répertorié comme « roman », le

 

livre devient (1948) « chronique » (« la Peste, dit R. Barthes en 1955, annales d'une épidémie ou roman de la solitude »), mais c'est surtout une parabole lisible, comme le voulait son auteur, « sur plusieurs portées ».

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« IntroductionLes épidémies constituent des menaces récurrentes et terrifiantes pour les humains durant des millénaires.

Elles sont considérées pendant très longtemps comme des punitions divines.D’ailleurs, l’écrivain et historien français Pierre Miquel compare les paniques créées par les grandes épidémies du passé à celle qui affecte, avec le sida, la société contemporaine.

Ainsi,la lèpre est-elle la terreur du XIIe siècle et la réapparition périodique des pestes pendant de longs siècles entretient la peur du châtiment jusqu’au XVIIIe siècle et au-delà.

L’absence detraitements efficaces explique en grande partie les réactions de panique que l’on observe à l’occasion de l’apparition d’une épidémie.

Mais l’épidémie n’est pas la maladie, elle est,comme le remarque Lombard, un ensemble complexe avec « ses propres règles et sa propre évolution, bien distinctes de celles de la maladie dont elle est la diffusion.

Elle tend à secomporter comme un être autonome et à constituer une réalité globale qui dépasse la somme de ses composantes ».

Depuis très longtemps, les épidémies sont décrites par desobservateurs souvent avertis et bien documentés.

Ainsi Thucydide raconte-t-il la peste d’Athènes qui fait son apparition au début de l’été 430.

Il observe que les oiseaux carnassiersévitent tout contact avec les cadavres et ceux qui y touchent meurent après y avoir touché.

En ce qui concerne un auteur plus proche de notre époque, Defoe, les sources dans lesquelles il a puisé pour écrire son Journal ont bien été retrouvées ce qui montre que son oeuvre est particulièrement intéressante grâce à sa valeur documentaire.

Enoutre, Camus, dans la Peste s’attache particulièrement à peindre l’isolement de la ville oranaise, la souffrance de ses habitants due aux affres de l’épidémie de peste.

Enfin, dans Lemasque de la mort rouge Edgard Poe décrit le caractère atroce et horrible de la peste qui s’apparente, dès lors, à une damnation inéluctable.

Il s’agira essentiellement dans notre étude,à travers les textes susmentionnés, d’expliquer comment la fiction présente l’épidémie qui est un moment décisif dans la narration d’une histoire puisqu’elle rompt un certain équilibredans le fonctionnement de la société.

Nous montrerons en outre que l’épidémie apparaît dans les œuvres littéraires comme une métaphore de phénomène sociaux régressifs, c’est-à-dire, l’effritement de certaines valeurs altruistes telles que la solidarité, l’entraide, le secours ...

- Les épidémies dans la fictionLa peste, le choléra, la tuberculose, la syphilis et, plus récemment, le sida ont nourri la littérature.

Les œuvres de fiction sont riches d'enseignements quant aux réactions humaines etsociales en temps de pandémie.

Toutefois, l’épidémie (du grec= épi, et dêmos, peuple) est définition par le Larousse comme étant une propagation subite et rapide d’une maladieinfectieuse, par contagion, à un grand nombre de personnes d’une région.

Elle est perçue depuis longtemps comme étant une malédiction divine envers un peuple désobéissant.

En outre, étant unesanction divine, son caractère inévitable revient comme une sorte de leitmotiv dans plusieurs textes littéraires notamment dans ceux de notre corpus.

1°) Le châtiment de Dieu La Fontaine dans sa fable Les animaux malades de la Peste perçoit l’épidémie de peste comme « Un mal qui répand la terreur, / Mal que le Ciel en sa fureur / Inventa pourpunir les crimes de la terre […].

».

Ces vers du Fabuliste français illustrent parfaitement l’explication qui, pendant de très longs siècles, est donnée concernant l’apparition des différentesépidémies de grande ampleur.

Cette explication principale, le paradigme providentialiste, met en avant la punition divine, phénomène surnaturel et exogène qui s’abat sur l’humanitévivant dans le péché.

A cet effet, Audoin-Rouzeau, démontre dans son roman Les Chemins de la peste que le caractère providentiel de la peste est une réalité indéniable profondémentancrée dans la conscience du peuple qui s’adonne à la dévotion, gage de l’épuration, et d’exorcisation des malheurs : Que l’épidémie fût un terrible châtiment divin, nul ne songeait à contester, et prières et processions tentaient d’apaiser le mal à sa source.

Si bien que la recherche causale s’effaçait auprofit des signes annonciateurs (passages de comètes, perturbations climatiques, pourrissement des végétaux, proliférations animales, etc.), et des moyens de prévention et de guérison. Toutefois, L’un des exemples les plus connus de la peste qui est envoyée par Dieu pour punir et pour inciter les hommes à découvrir les auteurs d’un meurtre non élucidé est Œdipe roide Sophocle.

Ce dernier explique à travers l’oracle que la peste s’abat sur la ville puisqu’un crime est resté impuni et qu’il faut rechercher les meurtriers de Laïos.

Œdipe mène l’enquêteet la vérité se révèle enfin : Œdipe a bien tué son père et a épousé sa mère.

Jocaste se pend.

Epouvanté, Œdipe se crève les yeux et part en exil. L’origine exogène de la maladie est également l’une des explications que l’on trouve chez Defoe dans son Journal de la peste.

La peste ravage Londres une nouvelle fois en 1665 et faiten un an des milliers de morts.

Ce malheur d’une affliction immense : « tout Londres était en larmes » (p.

50) est analysé comme un cataclysme inévitable dont la signification est àchercher dans la propension du Tout puissant à réprimer sévèrement l’attitude désobéissante et téméraire de l’homme.

Selon Defoe, la peste s’accompagne souvent par des présages.En effet, l’apparition d’une « étoile de feu », d’une « comète » quelques mois avant la peste est porteuse d’une signification précise, pensent les habitants de la ville : « celle qui précédala peste avait une teinte pâle, terne, faible, et son mouvement était d’une lourde et solennelle lenteur (…) annonçait un lourd châtiment, lent mais sévère, terrible et affreux, comme fut la peste » (p.

54).

C’est dire que Defoe, dans son texte, associe la peste à une pure fatalité qui transcende largement l’entendement de l’être humain.

D’ailleurs son caractère répandu en constitueune preuve irréversible.

Il revêt une portée significative en ce sens que c’est un signal des représailles divines : « Sans nul doute, l’épreuve elle-même est un coup porté par le Ciel à laville, au pays, à la nation où elle s’abat ; c’est un messager de sa vengeance, un retentissant appel à l’humiliation et à la repentance qui lui est ainsi adressé… » (p.

289).L’idée selon laquelle la peste serait une damnation divine est apparente dans la nouvelle d’Edgard Poe.

Ici c’est la lâcheté du prince Prospero qui est particulièrement puni moins quel’insubordination du peuple.

En effet, le prince Prospero vit heureux et n’entend pas changer son mode de vie hédonistique (doctrine selon laquelle le plaisir doit être le but de la vie.)dans lequel il a engouffré ses concitoyens.

Toutefois, en guise de punition une épidémie de peste ravage cette province mystérieuse et pleine de souillures.

En réalité, la peste n’est unefatalité pour ramener à l’ordre ce peuple qui a choisi, sous l’égide de son chef, à mener une vie s’inscrivant aux antipodes des enseignements religieux.

C’est un peuple qui privilégie les plaisirs terrestres tout en foulant aux pieds les recommandations de Dieu telles que la chasteté, la pudeur, la dévotion.

D’ailleurs, c’estpourquoi, le malheur n’a épargné personne.

Le peuple n’étant pas le principal fautif, est châtié au même titre que son chef car la faute, quelle qu’elle soit, est puni collectivement : « Onreconnut alors la présence de la Mort Rouge.

Elle était venue comme un voleur de nuit.

Et tous les convives tombèrent un à un dans les salles de l’orgie inondées d’une rosée sanglante,et chacun mourut dans la posture désespérée de sa chute.

» (p.

21)Par ailleurs, Camus dans La Peste, bien que sceptique, semble avoir la même vision que Defoe et Poe sur la dimension providentielle de l’épidémie de Peste.

Devant l’impuissance de lascience et de la volonté des hommes qui se sont unis contre la peste, le jeune Othan mourut.

Face à cette mort tragique, même le religieux Paneloux reste hagard et sans justification.En effet, si la peste est une sanction divine, pourquoi avoir frappé un vulnérable petit enfant qui « lui au moins était innocent » (p.

198) Cependant, l’incohérence de la cause divine finitpar avoir raison sur les derniers espoirs des hommes, qui n’ayant pu trouver une justification à leur condition, s’en remettent à un Dieu qui récompenserait les âmes pures, et ne puniraitque les pêcheurs.

La souffrance est omniprésente dans la Peste. Elle occupe une place prépondérante dans l’existence humaine car chaque vie est ponctuée par des vicissitudes couronnées surtout par la mort.

En outre, Camus s’attache moins àmontrer la peste comme punition divine.

Il entend dévoiler la dimension fatale de la mort.

En effet, si l’on déchire le voile de l’allégorie dans le roman de Camus, il s’affiche sansambages que l’épidémie est synonyme de fatalité qui pèse sur l’individu.

D’ailleurs, c’est ce que traduisent les propos du veilleur de nuit dans son entretien avec Tarrou : « cettecochonnerie de maladie ! même ceux qui ne l’ont pas la porte au cœur.

» (p.

109) En somme, tandis que Camus est sceptique, Defoe et Poe, dans leurs textes semblent accorder à l’épidémie de peste une dimension providentielle.

Une société qui refuse de sesoumettre aux recommandations de Dieu mérite une punition sévère.

Un châtiment dont la portée est de purifier l’homme et le projeter dans un avenir dépourvu de souillures.

Cetteidéologie est fortement présente dans le texte de Poe et surtout dans celui de Defoe.

Cependant, le texte de Camus met surtout l’accent sur la fatalité qui gangrène l’humanité.

Associéeà une pure malédiction, l’épidémie de peste est perçue comme un malheur inévitable.

2°) L’idée du caractère inévitable de l’épidémieL’idée du caractère inévitable de l’épidémie se retrouve dans plusieurs textes qui traitent de l’épidémie.

Camus montre ce phénomène dans la Peste.

Son récit se situe en Algérie une ville nommée Oran ravagée par la peste.

La peur est omniprésente dans le roman de Camus.

Pour la population, le motPeste est synonyme de mort et produit une terreur difficilement maîtrisable.

D’ailleurs, c’est pourquoi le docteur Rieux se détourne catégoriquement de la sainteté et de l’héroïsme pourlutter contre le Mal de la création et contre la mort en la retardant le plus possible puisqu’elle est inévitable : « puisque l’ordre du monde est réglé par la mort, peut être vaut il pour Dieuqu’on ne croit pas en lui et qu’on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers le ciel où il se tait ».Camus montre l’inévitabilité de la maladie à travers l’enfermement de toute une ville pour empêcher la propagation de l’épidémie : si on se trouve au mauvais moment au mauvaisendroit, uniquement la chance peut nous sauver. La nouvelle d’Edgar Allan Poe est peut-être l’exemple le plus parlant en ce qui concerne le caractère absurde de la peste qui atteste de sa dimension inévitable.

Une épidémie de pesteravage une province mystérieuse.

La peste- avec des symptômes rares- laisse présager l’inertie de l’homme face à un malheur incompréhensible.

D’ailleurs, l’incipit de la nouvelledévoile l’absurdité de cette maladie dont les contrecoups- transcendant largement l’imagination de l’homme- relèvent d’une destinée inévitable : « La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée.

Jamais peste ne fut si fatale, si horrible.

Son avatar, c’était le sang, – la rougeur et la hideur du sang.

C’étaient des douleurs aiguës, un vertige soudain, etpuis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l’être.» Le prince Prospero vit heureux et ne se préoccupe que da sa vie hédoniste.

Pour être sûr de ne pas être frappé par la peste, il s’enferme dans son château avec un millier de personneset continue de mener une vie de fêtes et de plaisirs.

Malgré toutes les précautions qu’il a prises pour n’avoir aucun lien avec l’extérieur où sévit l’épidémie, la Mort Rouge apparaîtpendant une fête dans la forme d’un masque : « le masque qui cachait le visage représentait si bien la physionomie d’un cadavre raidi » (p.

18).. »

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