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PRÊTRE MARIÉ ( Un), de Barbey d'Aurevilly

Publié le 14/03/2019

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PRÊTRE MARIÉ ( Un), roman de Barbey d'Aurevilly (1865). Jean Sombreval, marié après avoir été prêtre, vit dans l'adoration de sa fille Calixte (atteinte d'une étrange maladie) et de la science par laquelle il espère la sauver. La pieuse Calixte forme avec son père, apostat par orgueil, le couple romantique de Satan et Eloa (cf. le poème de Vigny). Calixte a prononcé ses vœux et repousse Néel de Néhou, dont l'amour fournit la trame romanesque de l'œuvre. Barbey s'est inspiré des idées de Joseph de Maistre selon lesquelles les innocents peuvent obtenir le pardon des coupables : il voulait faire le « roman de l'expiation », mais l'attrait du satanisme l'a finalement emporté. Calixte offre en vain ses souffrances pour le rachat de son père : elle mourra d'avoir découvert la fausseté du retour à l'Église de son père et celui-ci se noiera, damné si l'on en croit les prédictions infaillibles de la Malgaigne, vieille visionnaire qui annonce leur destin aux personnages, ôtant toute surprise au roman teinté ainsi de jansénisme.

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Cet étang qui se prolongeait bien au-delà de ce château, assis et oublié dans son bouquet de saules mouillés et entortillés par lescrêpes blancs d'un brouillard éternel, cet étang qui s'enfonçait dans l'espace comme une avenue liquide — à perte de vue — frappait leQuesnay de toute une physionomie! « Les mendiants du pays disaient avec mélancolie que cet étang-là était long et triste comme un jour sans pain.

Et de fait, avec sa couleurd'un vert mordoré comme le dos de ses grenouilles, ses plaques de nénuphars jaunâtres, sa bordure hérissée de joncs, sa solitudehantée seulement par quelques sarcelles, sa barque à moitié submergée et pourrie, il avait pour tout le monde un aspect sinistre, etmême pour moi, qui suis né entre deux marais typhoïdes, par un temps de pluie, et qui tiens du canard sauvage pour l'amour desprofondes rivières, au miroir glauque — des ciels gris — et des petites pluies qui n'en finissent pas, au fond des horizons brumeux. « J'ai vu pas mal d'eau dans ma vie, mais la physionomie qu'avait cette espèce de lac m'est restée, et jamais, depuis que lesévénements m'ont roulé, ici et là, je n'ai retrouvé, aux endroits les plus terribles d'aspect ou de souvenir pour l'imagination prévenue, l'airqu'avait cet étang obscur, cette place d'eau ignorée, et dont certainement, après moi, personne ne parlera jamais! Non! Nulle part je n'airevu place d'eau plus tragique (...) « Du reste, (...) l'étang du Quesnay avait ses mystères.

On s'y noyait très bien, et tiès souvent à la brune.

Étaient-ce des assassinats, oudes accidents, ou des suicides, que ces morts fréquentes?...

Qui le savait et qui s'en inquiétait?...

L'eau silencieuse et morne venaitjusqu'à la route.

Y pousser un homme qui passait au bord était aisé.

Y tomber, plus facile encore.

Avant mon âge de douze ans, j'enavais déjà vu retirer bien des cadavres...

» Jules Barbey d'Aurevilly, Un prêtre marié.

• Vous rédigerez le commentaire composé de cette page en vous attachant notamment à mettre en valeur l'originalité de l'évocation Plan de commentaire composé L'inquiétante légende qui entoure cet étang procède de plusieurs éléments. 1) L'étang est immense, interminable : il « se prolongeait bien au-delà de ce château...

il s'enfonçait dans l'espace comme une avenueliquide — à perte de vue...

long et triste...

».

On se dit que peut-être il n'a pas de fin, comme quelque plan d'eau magique de conte defée, si bien frappé d'un sort que jamais aucun promeneur, aucune barque n'a pu en atteindre l'extrémité.

Il est issu tout droit de lalégende enfantine des paysages hantés. 2) L'étang est un lieu écarté, hors des zones rassurantes d'habitat et de civilisation.

Il est « assis et oublié dans son bouquet de saules...» qui tressent autour*de lui, avec la complicité « d'un brouillard éternel » un voile continu, pour le masquer, dirait-on, aux voyageursordinaires.

Son état habituel est la « solitude » (ligne 11).

Il est réfugié loin du monde des vivants (« cet étang obscur, cette place d'eauignorée ») comme quelque créature louche, sorcier maléfique qui dissimule ses tares morales et prépare sournoisement ses mauvaiscoups dans l'abri protégé de l'éloignement, de la forêt et du brouillard. 3) L'étang suscite de sourdes inquiétudes par sa couleur qui va du « vert mordoré » au « jaunâtre » des plaques de nénuphars, couleursdégradées qui font de l'eau un milieu glauque, consistant presque, en tout cas impénétrable au regard : la profondeur de l'étang préservejalousement son mystère contre les inquisitions indiscrètes.

Il assure sa protection par une ceinture défensive — « sa bordure hérissée dejoncs » — qui en interdit l'accès.

Il a si bien su décourager toute tentative d'annexion de son domaine par les gêneurs, ou les profanes,que la barque, l'unique barque qu'un intrus trop curieux aurait pu utiliser pour violer son repaire a dû finalement être abandonnée, « àmoitié submergée et pourrie ».

Les effluves de mort émanés de l'eau l'ont toute imprégnée, rongée et finalement anéantie. Les seuls êtres qui osent approcher l'étang sinistre sont les mendiants, des parias comme lui, chassés de la société des honnêtes gens.Inquiétants par leur mine, pleins de sombres projets, dépenaillés et maladifs, ces personnages ne sont pas sans rapport avec ladésolation de ces rives écartées. 4) Des légendes de mort ont proliféré autour de l'étang.

Les mendiants, qui sont dans la confidence du lieu, les ont propagées encolportant tout alentour le renom de sa pesante mélancolie.

Le narrateur lui-même les confirme, en les étayant de souvenirs précis.L'étang est bien un lieu de mortelles catastrophes : ses rives désertes et sinistres sont propices au guet-apens et à l'assassinat.

Leurtraîtrise favorise l'accident et leur tristesse les suicides.

Ses eaux insolites semblent souillées par tous les cadavres sur lesquels elles sesont refermées et qu'elles ont quelquefois rejetés : « j'en avais déjà vu retirer bien des cadavres ».

L'étang se fait l'agent de la mort,comme un monstre qui capte et engloutit les voyageurs attardés.

5) La personnalité de /'auteur rend son témoignage encore plus troublant.

Il ne s'agit pas en effet d'un homme peu aguerri qu'une mare insignifiante aurait suffi àimpressionner.

Il a depuis l'enfance la pratique des lieux gorgés d'humidité, étant né entre « deux marais typhoïdes », ayant vécu par la suite dans « l'amour desprofondes rivières...

et des pluies fines ».

Il se sent si bien à l'aise en milieu aquatique, comme dans son décor naturel, qu'il dit tenir « du canard sauvage ».

Ainsiprévenu par l'habitude contre les paniques irraisonnées, il n'en a pas moins ressenti anxieusement l'ambiance du lieu.

11 a voyagé, roulé sa bosse, comme on dit, unpeu partout à travers le monde : de la comparaison qu'il fait avec « les endroits les plus terribles d'aspect » il conclut que l'air de cet étang était bien le pluseffrayant de tous. 6) Il faut ici revenir sur la personnalité du narrateur : un homme de la terre, proche de la nature, un chasseur; un aventurier peut-être, qui a bourlingué, accumulé uneexpérience et une sagesse.

Il parle de lui avec une autorité tranquille.

On sent en lui des certitudes, la sérénité d'un équilibre acquis dans l'action et le voyage; toutcela s'affirme avec une force simple, dans un style clair et personnel. Conclusion : insistez sur l'originalité de l'homme et de l'impression que lui a laissée le paysage.

Dans toute la série des textes sur la nature, qui souvent seressemblent, il est le seul de cette tonalité.

Il rend par rapport à tous — et même Baudelaire, — un son entièrement neuf.. »

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