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Jules Barbey d'Aurevilly, Un prêtre marié

Publié le 09/03/2011

Extrait du document

barbey

« ... Cet étang qui se prolongeait bien au-delà de ce château, assis et oublié dans son bouquet de saules mouillés et entortillés par les crêpes blancs d'un brouillard éternel, cet étang qui s'enfonçait dans l'espace comme une avenue liquide — à perte de vue — frappait le Quesnay de toute une physionomie! « Les mendiants du pays disaient avec mélancolie que cet étang-là était long et triste comme un jour sans pain. Et de fait, avec sa couleur d'un vert mordoré comme le dos de ses grenouilles, ses plaques de nénuphars jaunâtres, sa bordure hérissée de joncs, sa solitude hantée seulement par quelques sarcelles, sa barque à moitié submergée et pourrie, il avait pour tout le monde un aspect sinistre, et même pour moi, qui suis né entre deux marais typhoïdes, par un temps de pluie, et qui tiens du canard sauvage pour l'amour des profondes rivières, au miroir glauque — des ciels gris — et des petites pluies qui n'en finissent pas, au fond des horizons brumeux. « J'ai vu pas mal d'eau dans ma vie, mais la physionomie qu'avait cette espèce de lac m'est restée, et jamais, depuis que les événements m'ont roulé, ici et là, je n'ai retrouvé, aux endroits les plus terribles d'aspect ou de souvenir pour l'imagination prévenue, l'air qu'avait cet étang obscur, cette place d'eau ignorée, et dont certainement, après moi, personne ne parlera jamais! Non! Nulle part je n'ai revu place d'eau plus tragique (...) « Du reste, (...) l'étang du Quesnay avait ses mystères. On s'y noyait très bien, et tiès souvent à la brune. Étaient-ce des assassinats, ou des accidents, ou des suicides, que ces morts fréquentes?... Qui le savait et qui s'en inquiétait?... L'eau silencieuse et morne venait jusqu'à la route. Y pousser un homme qui passait au bord était aisé. Y tomber, plus facile encore. Avant mon âge de douze ans, j'en avais déjà vu retirer bien des cadavres... « Jules Barbey d'Aurevilly, Un prêtre marié.  

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► Plan de commentaire composé L'inquiétante légende qui entoure cet étang procède de plusieurs éléments. 1) L'étang est immense, interminable : il « se prolongeait bien au-delà de ce château... il s'enfonçait dans l'espace comme une avenue liquide — à perte de vue... long et triste... «. On se dit que peut-être il n'a pas de fin, comme quelque plan d'eau magique de conte de fée, si bien frappé d'un sort que jamais aucun promeneur, aucune barque n'a pu en atteindre l'extrémité. Il est issu tout droit de la légende enfantine des paysages hantés.   

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