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Quatrième Partie de Pêcheur d'Islande de Pierre LOTI (analyse et résulmé)

Publié le 22/03/2011

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   C'est sur le vieux banc de granit, à la porte de la chaumière des Gaos, quand la nuit tombait que Yann et Gaud se faisaient leur cour.    « ... Et ce banc, qui avait plus d'un siècle, ne « s'étonnait pas de leur amour, en ayant déjà vu « bien d'autres il en avait bien entendu des douces « paroles, sortir, toujours les mêmes, de génération « en génération, de la bouche des jeunes, et il était « habitué à voir les amoureux revenir plus tard« « changés en vieux branlants et en vieilles tremblotantes, s'asseoir à la même place, mais dans le « jour alors, pour respirer encore un peu d'air et se « chauffer à leur dernier soleil... «    Les « humidités glacées « et même les petites pluies fines du crépuscule breton ne les gênaient pas. Ils ne songeaient pas au « printemps, à l'ombre des arbres, aux soirées tièdes, aux rosiers fleuris «. Ils avaient dans leurs cœurs fiancés le plus fleuri et le plus tiède des printemps. « Ma Doué, Ma Doué, leur criait quelquefois la grand'mère Yvonne, pour les faire rentrer par crainte du froid «. Froid !... Est-ce qu'ils avaient froid, eux ? Est-ce qu'ils avaient seulement conscience de quelque chose en dehors du bonheur d'être l'un près de l'autre ?    Au-dessus « les gens qui passaient, le soir, dans le chemin, « entendaient un léger murmure à deux voix, mêlé « au bruissement que la mer faisait en dessous, au « pied des falaises. «

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« chair », ses besoins et ses désirs, la maintient dans une sorte de décence saine comme l'air de la mer que les deuxfiancés respirent. Aussi le Pêcheur d'Islande peut-il être mis dans toutes les mains comme Paul et Virginie, quoique le roman de PierreLoti crée des situations hardies que le chef-d'œuvre de Bernardin de Saint-Pierre ignore.

Mais tout est dans lamanière... ...

Un soir de pluie, tandis que la grand'mère Yvonne dormait, Gaud et Yann, dont la flamme de la cheminée projetait« au plafond noir les ombres agrandies », parlaient tout bas.

Il y avait dans leur causerie amoureuse « de lourdssilences embarrassés ».

Yann n'avait pas encore dit à Gaud ce qu'il avait eu « contre elle » pendant les deux annéesoù son dédain lui avait fait un très grand chagrin et maintenant encore elle souffrait du mystère dans lequel il serenfermait avec obstination.

Quel motif avait-il eu pour la refuser ? Elle n'aurait pas été femme, et amoureuse, etbretonne, si elle n'avait pas Voulu le savoir et sa curiosité n'était pas moins obstinée que son silence.

Jusque-là,Yann avait gardé son secret et ce soir encore, toujours avec son même demi-sourire incompréhensible, il essayaitde se dérober.

Mais fine, et décidée à savoir, elle l'avait pressé de questions dont la précision lui enlevait laressource d'un faux-fuyant.

Des méchants propos ? Ses toilettes ? Sa richesse et la crainte d'un refus ? Sesréponses trahissaient son embarras, sauf pour le refus, dont il dit, « avec une naïve sûreté de lui-même », qu'iln'avait jamais eu peur.

Au fond, il n'y avait rien de tout cela.

Alors quoi ? Elle commençait à deviner, et elle leregardait irrésistiblement dans le blanc des yeux. Oui, c'était bien cela, cette fois.

Elle avait deviné.

Il ne pouvait pas donner de raison parce qu'il n'y en avait jamaiseu.

Il avait, tout simplement, fait son têtu, tout le monde l'ayant tourmenté avec Gaud, Sylvestre, ses parents, sescamarades de pêche, et Gaud, oui, Gaud elle-même. « — C'est mon caractère qui est comme cela.

« Chez nous, avec mes parents, c'est la même chose.

« Des fois,quand je fais ma tête dure, je reste pendant des huit jours comme fâché avec eux, presque sans parler à personne.Et pourtant je les « aime bien, vous le savez, et je finis toujours par « leur obéir dans tout ce qu'ils veulent, commesi « j'étais encore un enfant de dix ans...

Si vous « croyez que ça faisait mon affaire, à moi, de ne pas « me marier !Non, cela n'aurait plus duré long-« temps dans tous les cas, Gaud, vous pouvez me « croire.

» Si elle le croyait ! Tout soudain s'expliquait pour elle.

Mais lui pardonnerait-elle l'inutile cruauté de cet « enfantillage» et, tout confus, dans un grand remords, il l'interrogeait avec de bons yeux graves. « Oh ! si elle lui pardonnait ! Elle sentait tout « doucement des larmes lui venir, et c'était le reste « de son chagrind'autrefois qui finissait de s'en « aller à cet aveu de son Yann.

D'ailleurs, sans « toute sa souffrance d'avant, l'heureprésente « n'eût pas été si délicieuse ; à présent que c'était « fini, elle aimait presque mieux avoir connu ce « tempsd'épreuve. « Maintenant tout était éclairci entre eux deux ; « d'une manière inattendue, il est vrai, mais complète : il n'y avaitplus aucun voile entre leurs « deux âmes.

Il l'attira contre lui dans ses bras, et « leurs têtes s'étant rapprochées, ilsrestèrent là « longtemps, leurs joues appuyées l'une sur l'autre, « n'ayant plus besoin de rien s'expliquer, ni de « riense dire.

Et en ce moment leur étreinte était « si chaste que, la grand'mère Yvonne s'étant réveillée, ils demeurèrentdevant elle comme ils « étaient, sans aucun trouble.

» ...

Ce fut six jours avant le départ pour l'Islande qu'ils célébrèrent leurs noces...

C'était à un bal qu'ils s'étaient vuspour la seconde fois.

Pierre Loti n'a raconté ce bal que de l'intérieur, si je peux parler ainsi, en négligeant ses détailspittoresques, et uniquement pour marquer, avec une psychologie d'ailleurs admirable, comment le cœur de Gauds'était pris aux confidences, à la grâce, aux manières et aussi à la robuste beauté physique de Yann.

Il était tropmaître dans son art pour commettre la faute de décrire dans le même livre deux mariages bretons, et d'autre part,son goût était trop sûr pour qu'il ne réservât pas toutes les ressources de son talent aux noces de Yann et deGaud. Ces noces valent les meilleures pages du livre.

Alphonse Daudet, qui lisait par parties Pêcheur d'Islande, lui a rendu,je l'ai dit, ce témoignage avec une chaleur d'approbation où l'on sentait à la fois la joie de l'ami et la satisfaction del'artiste.

C'est une description pleine de vie, de mouvement et de vérité où aucun détail inutile, parmi tant de détailsprécis et pris sur le vif, ne ralentit, ni la marche du cortège, ni la gaieté de la fête.

Pierre Loti, de même que sonPardon des Islandais, a écrit d'après nature les noces de Yann et de Gaud.

Ai-je d'ailleurs besoin de répéter que leschoses vues sont toujours le fond de ses livres, romans ou récits de voyage, et que l'imagination n'y entre encompte que dans la mesure où l'exigent, pour les romans, les nécessités de la composition ? Il a connu Yann, et il aconnu Gaud.

Le Yann qu'il a dépeint ressemble par tous ses traits à son modèle.

Pour Gaud, il a changé lescirconstances d'une aventure qui fut douloureusement la sienne, mais je crois qu'il n'a altéré dans leur ensemble nison portrait physique ni son caractère moral.

Quant aux noces, où Yann et Gaud prêtent leurs noms, sans que lemariage décrit ait été celui de ce Yann et celui de cette Gaud, Pierre Loti n'a eu qu'à recueillir ses impressions etses souvenirs de Bretagne.

Il a dû en voir, de ces noces, avec son « frère » Yves, qui lui servait de compagnon etde guide dans le pays des ajoncs, et ce que ces yeux voyaient n'a jamais été perdu pour son génie... Le cortège s'en revient de Ploubazlanec « pourchassé par un vent furieux, sous un ciel chargé et tout noir ».Derrière Yann et Gaud, « calmes, recueillis, graves » et qui ont l'air d'être au-dessus de la vie elle-même, descouples, vieux et jeunes, rient dans un joyeux désordre, sans souci des rafales qui les tourmentent.

Grand'mère. »

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