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Première Partie de Pêcheur d'Islande de Pierre Loti

Publié le 22/03/2011

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   Dès les premiers mots le roman nous transporte dans Faction et il est pou d/œuvres littéraires qui aient la force saisissante de ce début.    « Ils étaient cinq, aux carrures terribles, accoudés à boire, dans une sorte de logis sombre qui « sentait la saumure et la mer. Le gîte, trop bas « pour leurs tailles, s'effilait par un bout, comme « l'intérieur d'une grande mouette vidée ; oscillait « faiblement, en rendant une plainte monotone, « avec une lenteur de sommeil.    « Dehors, ce devait être la mer et la nuit, mais « on n'en savait trop rien : une seule ouverture « coupée dans le plafond était fermée par un couvercle en bois, et c'était une vieille lampe suspendue qui les éclairait en vacillant. «   

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« Nantes.

Ses « propos sceptiques », ses « mots rudes » et ses images détonnaient beaucoup au milieu de ces «hommes primitifs, avec ces grands silences de la mer qu'on devinait autour d'eux ; avec cette lueur de minuit,entrevue par en haut, qui avait apporté la notion des étés mourants du pôle ».

Mais c'est surtout Sylvestre que lesmanières de son grand frère surprenaient.

Il en avait de la peine, étant resté vierge après une enfance passée ànaviguer au large, et ayant gardé avec une candeur religieuse le respect des sacrements dans lequel l'avait élevé àPloubazlanec une vieille grand'mère, veuve d'un pêcheur, dont un naufrage avait enlevé le fils.

Il disait chaque soirses prières. « Il était beau, lui aussi, et, après Yann, le mieux planté du bord.

Sa voix très douce et ses intonations de petitenfant contrastaient un peu a avec sa haute taille et sa barbe noire ; comme sa croissance s'était faite très vite, ilse sentait presque embarrassé d'être devenu tout d'un « coup si large et si grand.

Il comptait se marier bientôtavec la sœur de Yann, mais jamais il n'avait répondu aux avances d'aucune fille.

» Ainsi, tout de suite, les deux caractères se présentent et s'opposent.

L'art de Pierre Loti est fait de touches trèssimples qui dégagent le$ traits essentiels.

Ni effort ni fracas, aucune rhétorique et aucune emphase ; les mots detout le monde mais si heureusement choisis que, selon l'expression de Jules Lemaître, il se dégage de ses « petitesphrases un immense frisson ». Cet art souverain excelle surtout dans la description des paysages.

Pierre Loti a inventé une manière où il n'imitepersonne et que personne n'a imitée.

Quand on le compare à Bernardin de Saint-Pierre, à Chateaubriand ou àFlaubert, et surtout quand on attribue à cette comparaison la portée d'une origine, on commet une véritableméprise.

Il est lui, et il n'est que lui.

Dès la quatrième page de Pêcheur d'Islande une phrase situe le paysage.

«Dehors ce devait être la mer et la nuit, l'infinie désolation des eaux noires et profondes.

» Cette infinie désolationdes eaux noires et profondes résume un monde d'impressions.

Il n'est pas un mot qui n'ait une signification et necontribue à la vérité saisissante de l'ensemble. Quand Yann, Sylvestre et Guillaume, la fête finie, remontèrent sur le pont pour « reprendre le grand travailinterrompu de la pêche », il était un peu plus de minuit. « Dehors il faisait jour, éternellement jour. « Mais c'était une lumière pâle, pâle, qui ne reste semblait à rien ; elle traînait sur les choses « comme des refletsde soleil mort.

Autour d'eux, tout de suite commençait un vide immense qui n'était d'aucune couleur, et en dehorsdes planches de leur navire, tout semblait diaphane, impalpable, chimérique. « L'œil saisissait à peine ce qui devait être la « mer : d'abord cela prenait l'aspect d'une sorte de « miroir troublantqui n'aurait aucune image à refléter ; en se prolongeant, cela paraissait devenir une plaine de vapeur et puis plusrien ; cela n'avait ni horizon ni contours.

La fraîcheur humide de l'air était plus intense, plus pénétrante que du vraifroid, et, en respirant, on sentait très fort le goût de sel.

Tout était calme et il ne pleuvait plus ; en haut, desnuages informes et incolores semblaient contenir cette lumière latente qui ne s'expliquait pas ; on voyait clair, enayant cependant conscience de la nuit, et toutes « ces pâleurs des choses n'étaient d'aucune nuance pouvant êtrenommée.

» Une telle page se cite, mais elle ne s'analyse pas et elle ne se commente pas.

Si Pierre Loti n'avait pas, avantd'écrire Pêcheur d'Islande, donné dans Mon Frère Yves des descriptions de la, même nature, telle une nuit dans lesmers équatoriales, il faudrait dire que rien de semblable n'existait encore dans la littérature française.

M.

Doumic aapprécié avec beaucoup de justesse et une précision très clairvoyante la nouveauté, si belle et comme miraculeusede ces « descriptions ».

Mais est-ce le mot qui convient ? Il vient tout naturellement sous la plume et il est sansdoute difficile d'en trouver un autre.

Mais à peine s'en est-il servi que M.

Doumic le trouve impropre et il ajoute : «Ce dont il faudrait parler, c'est d'un merveilleux talent d'évocation.

Loti n'a pas éprouvé, comme tant d'autres, lebesoin de torturer la langue, il n'emploie que les mots de tout le monde.

Mais ces mots dits par lui, prennent unevaleur qu'on ne leur savait pas ; ils éveillent des sensations qui se prolongent en nous très profondément ; ilsévoquent devant nous des aspects qui vont loin, très loin, jusque par delà l'apparence sensible des choses 1.

» Ces évocations des choses « qui ne peuvent pas être nommées » abondent dans le premier chapitre — sans titre —de Pêcheur d'Islande.

Elles créent l'atmosphère.

A mesure qu'elles se développent, elles donnent les impressions duciel qui change.

Michelet voulait que l'historien « situât ses justices » et il ne permettait pas qu'un bloc pût jamaisêtre l'expression de la vérité, dont les nuances, quel que soit l'événement, sont si délicates et peu saisissables.Pierre Loti situait ses paysages.

Avec le premier tableau de Pêcheur d'Islande on suit d'heure en heure la lumière quise transforme et qui se dégrade.

D'abord cette lueur si pâle « qui traînait comme des reflets de soleil mort », — oh !la belle, la neuve, la magnifique expression ! — puis, dans l'évolution de la nuit monotone, « lentement la lumière changeait ; elle semblait maintenant plus réelle.

Ce qui avait été un « crépuscule blême, uneespèce de soir d'été hyperborée, devenait à présent, sans intermède de « nuit, quelque chose comme une aurore,que tous « les miroirs de la mer reflétaient en vagues traite nées roses.

» Et, au matin, « la lumière vraie avait fini par venir ; comme au temps de la Genèse elle s'était séparée d'avec les ténèbres qui. »

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