Stéphane MALLARMÉ : La Dernière Mode
Publié le 05/10/2012
Extrait du document
C'est une tâche, mais un plaisir aussi, et très subtil, d'évoquer avec des entrelacs de mots telles toilettes "aussi fugitives que nos pensées". Fort bien (Mallarmé) sait-il que ses abonnées, ses "chères abonnées", ses "très vraies chères abonnées" les parcourront distraites et s'en tiendront, pour la plupart, aux rengaines de leurs faiseuses ! (...) Si plein de surprises, ce journal unique doit être lu jusqu 'en ces rubriques en apparence les moins tentantes.
«
Mallanné
Le propriétaire de la Dernière Mode, qui
publiait des gravures
de mode,
chercha it un rédacteur.
Mal
larmé fut engagé et composa intégrale ment huit numéros de celle petite gazet
te.
Ils parurent, sous
couverture bleu pâle,
les
premier et troi
sième dimanches du
mois ,
du 6 septembre au 20 décembre 1874.
Puis le pro priétaire , insatisfait ,
cé da son journal qui
tirait
à seulement six cents exemplaire s.
Mallarmé jill remer
c ié , et la Dernière Mode disparut défi nitivement en mai suivant.
Le livre
Une vraie revue de mode
L
es lectrices de la Dernière Mode y trouvaient tout ce
qu'une petite gazette parisienne se devait d 'évo quer du
bon goût
et de l'élégance.
Mallarmé, incognito sous les noms
de Marguerite de
Ponty et de Mis s Satin, dissertait sur le port
des bijoux, rubans et chapeaux, donnait les explications utiles à
la réalisation du modèle
dont la revue fournissait le patron,
répondait aux courriers des abonnées (d 'irréelles
Princesse K ..
,
à
Sai nt Pétersbourg , ou Comtesse S ..
, à Séville ...
).
Sous le
pseudo nyme de Ix, Mallarmé se faisait
!"'éc ho des salons et
des plages" dans les "C hroniques de Paris " consacrées à
l'actualité des spectacles
et des livres.
Le "C hef de bouche de
chez
Brébant" , encore Malla1mé , inventait un menu de saison
c'.1os "Le camet d'or", aux côtés de considérations sur 1 'ameu
blement
et 1 'ornement de la maison.
Les deux seules pages qui
n
'éta ient pas redevables qu'à Mallarmé publiaient des "nou
ve lles et vers" d'auteurs qui comptaient pam1i ses amis .
Mais il
allait jusqu 'à corriger lui-même les textes des réclames des
"maisons de confiance" de la gazette !
Hors des genres littéraires
L
a presse offrit plus d'une occasion de publier et de gagner
quelq ues subsides aux écrivains du
XIX< siècle.
Mais per
sonne
n'avait songé, avant Mallaimé, avec la Dernière Mode, à
composer globalement une revue (non littéraire) dans un but
esthétique.
Mais de quels atouts disposait Mallarmé pour parler
de mode, sinon
la tentation, qu' il partage avec ses lectrices , de
nouveauté
et d'élégance ? Tentation perceptible dans le ton
donné à
1 'ensemble de la gazette, auquel la lectrice agrée sans y
prendre garde.
Sous le couvert
d'un journal de mode, apparem
ment rédigé par plusieur s personnes , 1 'éc rivain (ignoré du
pub lic) s'identifie aux élégantes par
le savoir-faire- elles, à se
parer , lui à parer son propos.
Tous deux, par des ficelles de
l eurs arts (orientés, si l'on veut, par une philosophie esthétique)
parviennent à convaincre autrui de ce qui est et de ce qui n'est
pas .
Mais en huit numéros seulement, Mallarmé n
'eut pas le
temps d'imposer une tentative alors unique qui, aujourd'hui,
constitue l'origine de la manipulation médiatique..
»
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